Algérie

Il n'y aura pas un nouveau Feraoun, Issiakhem ou El Anka



Il n'y aura pas un nouveau Feraoun, Issiakhem ou El Anka
Photo :S.Zoheir
Par Mohamed Rahmani
Assurer la relève de toute une génération d'artistes d'écrivains et d'hommes de théâtre n'est pas chose aisée surtout dans ce désert culturel qui caractérise ces temps de vaches maigres où l'expression de la culture se limite à des manifestations ponctuelles et sans réelle incidence sur un quotidien des plus banals. En effet, un Djaout, un Ouettar, un Mimouni, un Boudjedra, Sansal, Yasmina Khadra dignes héritiers de Feraoun, Dib, Mammeri, Benabi et Assia Djebar ne se sont pas faits en un jour, ils sont le fruit d'une «fermentation» qui a pris tout son temps pour modeler et «fabriquer» cette fournée qui, plus tard, a produit du texte, une littérature reconnue et respectée parce que sortant du terroir et dépeignant une société dans ses multiples mutations.L'école, première institution censée former et produire cette élite tous domaines confondus, n'a pas joué son rôle et c'est à peine si elle arrive à «pousser» quelques rescapés d'un système dont les réformes successives n'ont fait que détruire méthodiquement ce qui fonctionnait déjà pour faire plonger encore plus cette institution vitale pour la pérennité d'une nation, d'une culture et d'une identité.H'sen Boussaha, artiste plasticien, calligraphe et professeur à l'Institut des Beaux arts nous confie que pour lui, l'art en Algérie est à l'agonie. «Dans le temps, la culture était dans la rue et tout le monde pouvait découvrir et être en contact direct avec l'art et les artistes. C'était déjà une forme d'initiation, chacun se découvre ou découvre ses penchants artistiques, ses goûts et cet intérêt qu'on manifeste peut aboutir à un choix qu'on fait et qui pourrait conduire plus tard à des créations artistiques dans tel ou tel domaine.Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, et c'est à peine si à l'occasion de quelque commémoration, on daigne s'intéresser à la production artistique dans toutes ses expressions. Un cloisonnement et un verrouillage de la culture qui se sclérose et s'étiole devenant une sorte de domaine ésotérique auquel seuls les initiés ont droit. De cette façon, il ne peut y avoir développement, évolution, innovation et création et même si celle-ci peut parfois se manifester, elle ne serait que le prolongement d'un même style, d'une même vision exprimée de façon différente. Il faut dire que nos institutions n'ont pas su assurer la relève de sorte que notre culture est aujourd'hui sinistrée, et il sera très difficile de la faire revivre parce que cela prendra beaucoup de temps, il faudra plus d'une génération pour qu'elle retrouve son aura d'antan.Au moment où dans d'autres pays, chaque jour des dizaines de livres sont publiés avec en plus une médiatisation qui dépasse les frontières des pays en question, au moment où des artistes innovent et créent dans les domaines de la peinture, de la musique, de la sculpture, des hommes de lettres qui offrent au public de nouvelles 'uvres, chez nous c'est le désert total et on se complaît dans cette situation. C'est grave, très grave pour notre identité culturelle, nous avons perdu nos repères et nous sommes réduits à suivre des courants qui ne sont pas les nôtres, il n'y à qu'à voir ce que sont devenus nos jeunes pour comprendre cela. Rien en eux ne les distingue en tant qu'Algériens par rapport aux autres, et c'est malheureux.»S'attendre à ce qu'un nouveau Kateb, un nouveau Feraoun ou un nouveau Issiakhem émerge en ces temps de crise culturelle relève de l'utopie. Un environnement hostile duquel la culture a pris un congé longue durée. Certains continuent pourtant à rêver de cette culture qu'ils continuent à chérir, car rien qu'en évoquant nos grands écrivains et nos grands artistes, on se projette dans leur monde et on revit avec eux, car un poète, un artiste ne meurt jamais.




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