Algérie

«Il n'y a pas de scénario autre que le scénario démocratique»



«Il n'y a pas de scénario autre que le scénario démocratique»
- Commençons par vos impressions sur les résultats que vous avez déjà…
Si vous le permettez, avant de vous donner mes impressions sur les résultats, je vais vous donner mes impressions par rapport au vote lui-même. Je pense que c'est quelque chose d'extrêmement important, c'est-à-dire que pour la première fois depuis que la Tunisie est un pays et la première fois dans le Monde arabe également, il y a un peuple de cette région qui s'exprime librement et pacifiquement par le biais des urnes. Les Tunisiens sont allés voter massivement, dans la bonne humeur ; ils se sont exprimés librement ; je crois que s'il y a une donnée à  retenir, c'est celle-là. C'est extrêmement important. Ils ont exprimé pour la première fois de l'histoire leur droit de citoyen et personne ne peut le leur enlever, c'est-à-dire que quel que soit le résultat des urnes, c'est leur choix. Il n'y a pas de scénario autre que le scénario démocratique. Pour les résultats, vous savez qu'à cette heure, nous n'avons pas encore de résultats définitifs, mais il y a une certitude : Ennahda est le premier parti de Tunisie. C'est une donnée importante qui change beaucoup de choses, dont peut-être la chaîne historique de ce pays. Les tendances plutôt sécularisantes ont toujours été au pouvoir et si jamais aujourd'hui on a un gouvernement dominé par Ennahda, il y aura quelque chose de changé. Depuis la Révolution du jasmin, Ennahda a fait des déclarations sur son respect des principes démocratiques ; les démocrates vont les attendre aux actes. Maintenant, je crois qu'il y a quelque chose d'important aussi à  dire, c'est que quels que soient les résultats et quelle que soit la place que prendra Ennahda dans le prochain gouvernement, ce n'est qu'un gouvernement provisoire que la Constituante désignera, le temps de la rédaction de la Constitution. Au mois de juillet dernier, les partis politiques, dont Ennahda, s'étaient mis d'accord pour que la Constituante ne dure pas plus d'un an. Et que dans un an, un an et demi, nous devrions avoir des élections législatives. Donc ne prenons pas ces élections pour ce qu'elles ne sont pas.
- C'est quand même une Assemblée qui va dessiner le projet de société '
Vous avez raison dans la mesure où elle va établir une Constitution qui, elle, définira le projet de société. Mais je crois qu'il y a aujourd'hui une vraie bipolarisation de la vie politique en Tunisie. C'est-à-dire qu'il y a deux projets de société en concurrence : un plutôt sécularisant qui tient à  garder les acquis modernistes de la Tunisie et même les élargir, et une partie de l'opinion (qui est loin d'être négligeable) représentée par Ennahda et qui a un autre projet de société de réislamisation du politique et des principes institutionnels. La seule chose que j'espère aujourd'hui, c'est que ces deux projets s'affrontent de manière pacifique dans ce pays.
- A votre avis, les Tunisiens qui ont crié «Dégage !» le 14 janvier en revendiquant «liberté, travail et dignité» sont ceux-là mêmes qui ont voté massivement pour Ennahda '
Certainement, en partie…
- Ne croyez-vous pas qu'il y a eu une évolution des esprits '
Ecoutez, il y a les deux, je pense. Effectivement, le 14 janvier, Ennahda était absent. C'était une révolution dans laquelle on n'a pas entendu le moindre mot d'ordre religieux ni le moindre «Â Allah Akbar », mais elle n'était pas irréligieuse, elle était areligieuse. Mais il y a eu évolution, comme vous dites, dans la mesure où Ennahda est un parti qui s'est réorganisé très rapidement, qui a un réseau dans ces pays où il y a la dramatique confusion entre la sphère publique et la sphère religieuse, ce qui fait qu'Ennahda a bénéficié d'un réseau qui est celui des mosquées et qui est le plus large dans un pays comme la Tunisie. Quel est le parti politique qui puisse bénéficier d'un réseau aussi important que celui des mosquées, qui par ailleurs a un trésor incomparablement plus important que d'autres partis, ce qui évidemment permet beaucoup de choses ' Donc Ennahda est parti avec ces atouts, il a une bonne organisation et évidemment, tout cela a fait qu'il y a évolution des esprits.
La question à  poser c'est : pourquoi je pense que les législatives sont importantes ' C'est qu'on ne sait pas du tout quelles sont les coalitions qui vont nommer un Exécutif demain, donc le jeu est encore relativement ouvert même si Ennahda est le premier parti politique. En tout cas il va entrer, aujourd'hui pour la première fois, dans l'épreuve du pouvoir. Or quel est le raisonnement des Tunisiens qui ont voté Ennahda ' Ils doivent se dire : ceux-là n'ont jamais participé au pouvoir, ils sont propres et on vote pour les gens propres ; mais dans un an ou un an et demi, quelle sera l'opinion de ces Tunisiens ' Je crois que c'est aussi une donnée à  prendre en compte, je crois qu'il y a beaucoup de données à  prendre en compte. Je crois surtout qu'aujourd'hui, la porte ne s'est pas refermée sur la démocratisation en Tunisie.


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