Claude Guéant, ministre français de l'Intérieur, ne peut pas concéder aux
Noirs, aux Arabes et enfants d'immigrés le plaisir de les oublier un peu. En
campagne pour le compte du chef de l'Etat et chargé de fixer les orientations
thématiques, Monsieur Guéant trouve quasiment chaque semaine prétexte à montrer
du doigt et présenter comme une menace ceux qui se trouvent au bas de l'échelle
socio-économique. Son prédécesseur Brice Hortefeux a
été condamné pour injure «envers un groupe de personnes en raison de leur
origine », lui, de son propre aveu, est en «croisade». Mercredi, il a annoncé
urbi et orbi que les «enfants d'immigrés» portent préjudice aux taux de
réussite scolaire en France. Le ministre français invente, pour l'occasion, des
statistiques qui n'existent pas dans un pays où, officiellement, on ne
catégorise pas les gens selon leur origine ethnique, leur religion ou leur
couleur.
Claude Guéant, tout à sa croisade, n'hésite donc pas à suggérer que les
enfants d'immigrés - donc des «pas vraiment» français - tirent vers le bas le
niveau scolaire global. Dimanche dernier, il a affirmé que les « deux tiers des
échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés», mercredi, il a «nuancé»
en indiquant que les «deux tiers des enfants d'immigrés sortent de l'appareil
scolaire sans diplôme». Sa source ? Les «chiffres de l'Insee» et de l'OCDE. Le
problème est que, s'agissant de Français non «souchiens»,
M. Guéant a tendance à fantasmer et à faire dire aux rapports ce qu'ils ne
contiennent pas. Les enfants d'immigrés - et on peut aisément deviner pourquoi -
connaissent effectivement plus de difficultés scolaires que les «autochtones», mais
l'écart est très loin du niveau présenté par le ministre français de
l'Intérieur.
Les chiffres du Haut conseil à l'intégration (HCI) indiquent que 11% des
enfants de familles d'immigrés sortent sans qualification du système éducatif
contre 6% pour les enfants de non immigrés. Les chiffres, «bien français», disent
donc qu'un enfant d'immigrés sur 10 sort du système éducatif sans qualification
et non 7 enfants sur 10, c'est-à-dire les fameux 2/3
de M. Guéant. Le même HCI précise que les «conditions socio-démographiques
du milieu dans lequel vivent les enfants d'immigrés influent sur leur
scolarité». En clair, cela signifie qu'un faible niveau de revenus dans un pays
où les études coûtent cher joue un rôle beaucoup plus décisif que l'origine
ethnique des parents.
Avec une gauche assommée par l'affaire DSK, Sarkozy joue la carte Le Pen
Comme tous ceux qui jouent la carte du populisme, Claude Guéant verse
dans l'amalgame et nourrit son argumentaire de comparaisons spécieuses. Les
immigrés dans leur majorité ne font pas partie des catégories qualifiées. Ce
n'est pas leur origine - même si cela peut avoir des incidences sur
l'apprentissage de la langue - qui est déterminante mais bien leur statut
social et les faiblesses de leurs moyens matériels. «Il compare des choux et
des carottes: les immigrés sont très concentrés dans les catégories non
qualifiées. A catégories sociales identiques, les enfants d'immigrés
réussissent plutôt mieux que les autres. Et cela se vérifie jusqu'à l'accès au
supérieur», a déclaré au Journal du Dimanche, Annick Kieffer,
ingénieur de recherche au CNRS et coauteur de «Les scolarités des enfants
d'immigrés de la sixième au baccalauréat: différenciation et polarisation des
parcours», paru dans la revue Populations en 2009. La prétention «scientifique»
de Claude Guéant a suscité l'indignation des syndicats d'enseignants et de
lycéens. Mais il est clair que ce personnage-clé du dispositif de campagne de
l'actuel président français n'en a cure.
Surfant sur une vague xénophobe, le ministre de l'Intérieur de Sarkozy
développe une stratégie délibérée de stigmatisation de citoyens de seconde zone
dans la perspective des élections présidentielles de 2012. Avec une gauche déjà
très atone et particulièrement ébranlée par l'affaire DSK, la droite au pouvoir,
qui espère une réédition du «miracle» de 2002 où Jacques Chirac avait plus que
triomphé de Jean-Marie Le Pen, s'est fixé comme
objectif un second tour Sarkozy-Marine Le Pen en 2012. Claude Guéant Å“uvre donc à imposer les
thématiques d'extrême droite et renforcer la candidate du Front national afin
de la retrouver au second tour des présidentielles. Le ministre français de
l'Intérieur n'hésitera pas à tordre le cou aux réalités et aux chiffres pour
trouver prétexte à s'attaquer avec constance aux immigrés et à leurs enfants. Il
s'agit, tous les observateurs s'accordent sur ce point, d'une cible naturelle
pour ceux qui veulent ethniciser le débat politique pour éviter qu'il ne se
porte sur le terrain social. Le chemin à la présidentielle étant encore long et
compliqué, personne ne sera surpris de le voir inventer de nouvelles tares aux
enfants d'immigrés. La stigmatisation est vue comme un levier efficace, la
«croisade» de M. Guéant ne semble pas près de s'arrêter…
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Posté Le : 28/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com