Algérie

«Il faut donner l'avantage à la production locale»



«Il faut donner l'avantage à la production locale»
Comment évaluez-vous le marché du livre en Algérie 'Le marché du livre en Algérie souffre d'une crise existentielle. En effet, nous estimons que la demande publique, essentiellement exprimée en commande des bibliothèques universitaires et de lecture publique, constitue jusqu'à 85% du marché national du livre. L'austérité recommandée par le gouvernement risque, si elle touche cette commande, de mettre fin à l'activité éditoriale pour la majeure partie des éditeurs nationaux. Néanmoins, il faut préciser que certaines catégories de livres se portent bien, je citerais par exemple le livre parascolaire et le livre de cuisine. Cela nous amène à considérer la cause de la proportion démesurée de la demande publique par rapport à la demande totale. En fait, avec près d'un millier d'éditeurs, selon les statistiques officielles (Bibliothèque nationale et CNRC), l'édition en Algérie fait face à une situation d'occlusion intestinale, si vous me passez l'expression, car elle ne dispose comme débouché que de quelques dizaines de librairies pour la totalité du territoire national.Les livres qui arrivent à s'en sortir ne souffrent pas de cette situation car ils disposent de réseaux parallèles, la papeterie pour le livre parascolaire et les commerces de produits pour pâtisserie ou d'équipements ménagers pour le livre de cuisine. Il faut ajouter à tout cela une concurrence déloyale, et j'insiste sur le mot déloyal, de la part du livre importé. Concurrence déloyale, car il bénéficie d'une réglementation déséquilibrée nettement en sa faveur, puisque le livre importé est assujetti à une TVA de 7% au lieu des 17% auxquels sont assujettis les différents intrants du livre et est exonéré de taxes douanières ou assujetti à une taxe douanière à taux réduit, selon les conventions internationales entre l'Algérie et le pays d'origine, alors que lesdits intrants du livre le sont à 15%.Cela, d'une part. D'autre part, la marge bénéficiaire étant importante, l'importateur se permet de pratiquer des remises autrement plus importantes que celle que peut se permettre l'éditeur national et, de la sorte, s'accapare le peu de librairies qui existent encore. Vous pouvez le constater vous-même, les librairies affichent en vitrine et sur les rayons plus de 80% de livres importés. Cette situation met en grand danger la culture algérienne, ni plus ni moins. Quelles sont les conditions à mettre en ?uvre pour développer l'industrie du livre en Algérie ' En effet, il suffit de revoir un certain nombre de pratiques et de les plier au bon sens pour que les choses aillent mieux.-Tout d'abord, il faut reconnaître le caractère spécial du livre. Outre le fait que c'est un produit stratégique véhiculant notre culture et lui assurant une postérité, il faut lui reconnaître sa qualité de produit de large consommation. Chose qui, même si elle ne reflète pas sa situation actuelle, doit représenter l'état normal. Ce simple changement «théorique» de classification administrative du livre permettra un traitement de loin meilleur que l'actuel au niveau des banques.-Ensuite, au niveau importation, il faut donner l'avantage à la production locale, surtout que même l'Organisation mondiale du commerce ne peut s'empêcher de considérer «l'exception culturelle». Donc, il ne s'agit pas seulement de donner les mêmes avantages au livre algérien qu'au livre importé, mais de donner un net avantage sur celui-ci au livre local, via les différents intrants de sa production tous importés.Des mécanismes ont été proposés au niveau des ateliers du BookProd, qui seront traduits en recommandations adressées à qui de droit.-Egalement, pour les autorisations d'importation de machines de production, nous proposons de rallonger la durée d'ancienneté, puisque il s'agit d'un matériel très onéreux et que, même au niveau mondial, il n'y a que les grandes entreprises des pays riches qui peuvent l'acheter neuf et moyennant des formules de leasing échelonnées sur cinq années. De sorte à ce que les trois années, comme limite d'ancienneté, pour le matériel de production importé par autorisation du ministère de l'Industrie et des Mines, ne nous soient pas d'un grand secours. La technologie elle-même pour le matériel lourd reste d'actualité pendant plus de dix ans. D'où nous proposons de porter cette durée à dix années.-Sur le plan formation, nous avons lancé un partenariat avec le ministère de la Formation et de l'Enseignement professionnels pour ajuster les formations prodiguées au niveau des instituts et des centres de formation aux besoins exacts de l'industrie des arts graphiques pour accompagner le rajeunissement du parc machines qui est en train de se réaliser. Certains de nos partenaires proposent même de former les formateurs de ces instituts et centres de formation. Il faut savoir qu'il n'est pas facile pour un investisseur de laisser une machine qui coûte plusieurs dizaines de millions de dinars entre les mains de techniciens à la qualification qui laisse à désirer.-Pour la commercialisation et au niveau réglementation, le code des marchés publics devra prendre en considération la particularité du livre. Et la comparaison devra se faire physiquement et non plus sur simple liste de titres et de prix. Un même titre peut avoir des prix différents, selon l'auteur. Et un même titre pour le même auteur peut avoir des prix différents, selon l'édition. Si on doit attribuer le marché au moins disant, ça ne devra se faire que pour les mêmes ISBN, ce qui identifiera les livres comme étant les mêmes. Nous avons également -déjà- proposé au ministère de la Culture pour les textes d'application de la loi du livre, que toute commande publique devra être constituée de 70% de production locale. Quelles sont les principales recommandations issues du Salon pour booster l'investissement dans ce secteur et freiner les importations 'Outre ce que je viens de citer, nous pouvons rajouter pêle-mêle : - L'activité de libraire doit être réhabilitée dans la nomenclature Ansej après en avoir été écartée parce que considérée comme activité de revente en l'état ne produisant pas de valeur ajoutée. Nous faisons valoir, pour cela, le fait que c'est une activité de laquelle dépend la survie de tout un secteur de production, l'industrie du livre, qui n'a d'autre débouché que la librairie.Elle, l'activité de libraire, est un appui vital à ce secteur, tout comme elle peut produire une valeur ajoutée immatérielle par l'organisation d'activités culturelles, telles que les promotions, les ventes-dédicaces, les périodes thématiques, etc. Ceci, dans un ordre d'idées favorisant une production d'idées à côté de la production de biens et services. Nous, c'est-à-dire l'ONEL, proposons d'approvisionner ces librairies créées dans le cadre du dispositif Ansej et de concevoir à cette fin une formation accélérée avec un institut spécialisé, avec en contrepartie le respect d'une clause stipulant que les rayons de ces librairies devront recevoir au moins 70% de la production nationale.- Certains membres de notre organisation (ONEL) ont une expérience riche en matière d'exportation de livres et de participation dans des Salons du livre africains (spécialement). Il en est ressorti que l'exportation vers des pays africains est très possible, sauf que ces pays pauvres ne peuvent effectuer des virements en devises et proposent en contrepartie d'autres marchandises en troc. Si le ministère du Commerce pouvait établir une espèce de Bourse d'importation des matières premières ou des productions agricoles de ces pays, il en résulterait une exportation de livres produits localement (et/ou services d'imprimerie) en parallèle à des importations dont le coût est exclusivement en dinars algériens.- Si le livre algérien, dans le cadre général de la reconnaissance de son caractère spécial, bénéficiait d'un coût de fret au kilogramme égal à celui de la datte, qui est de l'ordre de 5 DA le kilogramme, il aurait de beaux jours devant lui.En effet, on ne peut parler d'exportation par containers avant de pouvoir exporter par colis. C'est par de petites commandes que le livre algérien se fera connaître. Dans l'état actuel, la chose est impossible, le coût du colis dépasse de loin le prix des livres le plus fort dans les limites du raisonnable. Alors pourquoi subventionner l'export de dattes pour que l'étranger mange des dattes algériennes à petits prix et ne pas le faire pour le livre algérien qui véhicule notre culture et nos idées. C'est un autre chantier à creuser pour l'ONEL, qui ressort du BookProd avec beaucoup de «pain sur la planche». De quoi occuper son temps en attendant le prochain BookProd.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)