Algérie

« Il faut définir des règles instaurant la séparation des pouvoirs » Abdelkader Kacher, professeur en droit constitutionnel



« Il faut définir des règles instaurant la séparation des pouvoirs » Abdelkader Kacher, professeur en droit constitutionnel
Abdelkader Kacher est professeur en droit constitutionnel et professeur émérite des universités en droit, directeur de laboratoire de recherche sur la mondialisation et droit national et coordonnateur de l'Ecole doctorale de droit et sciences politiques à l'Université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Dans cet entretien, il livre sa version d'une Constitution où la démocratie, la limitation des mandats présidentiels, la liberté de culte et l'officialisation de tamazight seront des principes indérogeables.
Pensez-vous qu'il soit nécessaire de réviser aujourd'hui la Constitution '
Une révision constitutionnelle, cadre de la Loi fondamentale d'un Eat, est toujours interprétée de différentes manières. Soit qu'elle est dictée par l'évolution de la société avec ses exigences et ses aspirations-une telle approche de révision est toujours la bienvenue pour l'intérêt général et le bien commun- soit qu'elle est d'initiative personnelle et/ou d'intérêt de groupes et/ou de lobbies et/ou de conjoncture sans impact sur le vécu quotidien des citoyens, une telle aventure n'apportant rien en termes de construction de l'Etat de droit et de justice sociale. Pour mémoire, la Constitution des Etats-Unis d'Amérique, en vigueur aujourd'hui, remonte au 17 septembre 1787. Notre Loi fondamentale en vigueur est qualifiée de 4e si l'on prend en compte celle de 1963. Deux révisions ont étés opérées sur la dernière, celle de 1996. La première révision est celle de 2002, suite à la revendication citoyenne identitaire, avec l'ajout de l'article 3 bis. La seconde, en 2008.
Et dans le cas d'une non-révision '
On peut répondre par la négation si l'on considère que pour régler définitivement la question des équilibres et de l'indépendance des trois pouvoirs dans un esprit d'interdépendance active. Ce qui pose la question récurrente de la nécessité de définir clairement le type de régime politique que veulent Pour moi, seule une constituante est à même de résoudre une telle question fondamentale.
Quels seraient, selon vous, les amendements que l'on doit apporter par rapport à la dernière révision '
J'estime que l'on doit revenir à la règle de limitation des mandats instaurée par le constituant de 1996. Définir ou redéfinir le type de régime politique sans oublier bien évidemment la définition claire des règles instaurant la séparation des pouvoirs en respectant la volonté populaire exprimée en 1996 déjà en ce qui concerne la relation exécutif-législatif d'une part, et l'observation rigoureuse de l'indépendance de la justice, d'autre part.
Jugez-vous utile de mentionner la liberté de culte dans la future Loi fondamentale '
Pour la liberté de culte, il y a un recul en l'état actuel de notre Loi fondamentale par rapport à la première de 1963. Ainsi, l'article 36 de l'actuelle Constitution, héritière de celle de 1976 sous l'emprise du régime de la pensée unique, parle de liberté de conscience et d'opinion, et un texte juridique est édicté pour la circonstance. Ce qui est en contradiction avec les engagements internationaux de notre pays dans le domaine des droits de l'Homme, notamment la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, élevée au rang de règle constitutionnelle par l'article 11 de la Constitution de 1963. L'article 2 de la première Constitution dispose que la République garantit à chacun le respect de ses opinions et de ses croyances et le libre exercice des cultes.
Et pour le code de la famille, quelle en est votre lecture '
Il est temps, si une révision s'impose, de revoir, en plus des éléments désignés supra, de libérer la moitié de la société algérienne de la tutelle du mâle. Elle n'a pas attendu une autorisation de sortie pour combattre tout envahisseur et colonialisme depuis Anténéa, Lalla Fadhma N'Soumeur, Djamila Bouhired, et tant d'autres. Le code de la famille doit être revu et corrigé en conformité des normes constitutionnelles qui garantissent l'égalité entre les sexes, notamment les articles 29, 31, 31 bis, 44, 50, 51 et 53.
Et sur l'officialisation de tamazight '
« Nationalisée » par la loi n°02-03 du 10 avril 2002, le statut juridique protégé de la langue tamazight appelle une obligation de réparer le préjudice subi en confortant l'article 3 bis du caractère officiel de cette langue, et en la protégeant de toute aventure future par la confirmation de cet élément fondamental de notre identité en l'article 178 de notre Loi fondamentale. Une fois « officialisée », comme c'est le cas au Royaume du Maroc depuis la Constitution de 2011, et le projet en marche dans la Libye post-El Gueddafi, elle ne sera plus confinée dans un espace non protégé de quelques wilayas mais bel et bien un patrimoine de toute l'Algérie et des 48 wilayas.


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