Algérie

"Il faut craindre la rupture scolaire"



Liberté : Quel impact une scolarité perturbée depuis 2020 peut-elle avoir sur la santé mentale des élèves et de leurs parents 'Fatima-Zohra Sebaa-Delladj : Ces trois dernières années ont été perturbées pour tout le monde à différents niveaux. Les impacts sur la scolarité et notamment l'acquisition des connaissances, peuvent être néfastes si des remises à niveau ne se font pas à la reprise. Car pour les enfants, surtout au niveau du primaire, la régularité, la répétition et la restitution sont nécessaires à une assimilation optimale des connaissances. Ces interruptions non programmées ont forcément un impact non seulement sur la qualité de l'apprentissage, mais aussi sur les programmes qui seront forcément tronqués. Résultat, les élèves auront du mal à atteindre le niveau de connaissances requis pour un examen tel que le baccalauréat, par exemple. Mais il ne faut pas oublier les facultés d'adaptation de chacun qui demandent tout de même des éléments facilitateurs qu'il faut trouver et mettre à disposition pour ne pas être désorienté et se retrouver sans moyens tant intellectuels qu'émotionnels, affectifs et matériels.

Concrètement, comment les parents peuvent-ils faire pour aider leurs enfants scolarisés '
Pour les parents, les propositions peuvent être multiples mais dépendent aussi d'un certain nombre de paramètres tels que le niveau d'instruction, le niveau socioéconomique et leur disponibilité à proposer aux enfants du primaire, par exemple, de faire "l'école à la maison" en inversant les rôles. L'enfant joue le rôle de l'enseignant et la fratrie ainsi que le parent présent jouent le rôle des élèves. Ainsi, les parents auront une idée précise de ce que vit l'enfant à l'école, referont avec lui des exercices mal compris, etc.
Pour les adolescents, on peut proposer de compléter leurs connaissances par des lectures, de l'écriture, des recherches sur des sujets qui les intéressent... De plus, concernant le vécu souvent très anxiogène, il s'agit de donner des éléments objectifs d'information, sans alarmisme inutile, sans ajout de stress et parfois de frayeurs devant la situation sanitaire. Prendre le temps de répondre aux questions posées par les plus jeunes et essayer de les rassurer, même si nous ne le sommes pas nous-mêmes... Si on n'y arrive pas, il vaut mieux se taire ou laisser d'autres le faire à notre place : fratrie, grands-parents, famille élargie, etc. La santé mentale des élèves et de tous les enfants n'est, en règle générale, que le reflet de la santé mentale des parents.

Faut-il craindre des contrecoups à long terme sur le cursus scolaire, le relationnel... '
Les impacts de cette situation sanitaire ? mais pas uniquement, car il y a aussi une situation générale sur les plans économique, culturel et social ? vont sérieusement refaçonner notre quotidien, nos pratiques et tout notre système relationnel. Pour certains scolarisés, il faut craindre le relâchement ou même la rupture scolaire. Une des raisons pour laquelle il faut faire comprendre à l'enfant que, ne pas aller en classe ne veut pas dire ne pas travailler, réviser ou approfondir ses connaissances.
Comme je suis foncièrement optimiste, je pense que cela peut et doit nous faire réfléchir sur certaines pratiques néfastes comme notre régime alimentaire (jus sucrés et chips aux enfants en sortant des crèches et des écoles !), la négligence de l'activité physique, le respect de l'environnement etc. Il s'agit tout simplement de tirer des leçons de ce qui arrive sur le plan de notre santé et de recentrer nos préoccupations sur l'essentiel et le respect de la vie en communauté pour un réel épanouissement de l'individu.

Comment s'occuper utilement durant ces vacances forcées '
Je peux vous répondre simplement qu'il y a tellement à faire ! Lire, échanger vraiment avec nos proches (en respectant les gestes barrières) ce qu'on n'a pas toujours le temps de faire habituellement. Profiter de ce temps libre, ou du moins non cadré, pour s'essayer à des activités manuelles d'éveil comme la peinture, la musique, le conte, etc., ce qui aura également pour avantage de déstresser. Cela, bien entendu, dépend des ressources tant matérielles que cognitives de chacun, mais en réfléchissant bien à nos pratiques et en ayant surtout la volonté de le faire, on y arrive, ne serait-ce que proposer à l'enfant des activités communes, comme nettoyer la maison, la voiture, la rue, le quartier, etc. Il faut donner l'exemple en termes d'expériences positives à partager. Des parents et leurs enfants qui décident de nettoyer leur rue ou leur immeuble peuvent contribuer à créer une dynamique partagée par d'autres et se sentir utiles, actifs et moins angoissés grâce au travail accompli pour le bien-être de tous.

Entretien réalisé par : Samir Ould Ali


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