L'affaire de l'islamologue Saïd Djabelkhir continue de susciter débat et polémique. Ghaleb Bencheikh, président de la Fondation de l'islam de France, appelle à cesser de judiciariser les débats et de criminaliser les questions relatives à la liberté de conscience.Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Saïd Djabelkhir a été condamné à trois ans de prison ferme par le tribunal de Sidi-M'hamed pour les avis qu'il a exprimés sur la religion. Le jugement puis la sanction de ses lectures religieuses et de ses idées ont provoqué une onde de choc qui a dépassé les frontières du pays. Pour Ghaleb Bencheikh, islamologue et président de la Fondation de l'islam de France, cette condamnation est le reflet de l'obscurantisme et de l'arriération.
« Il faut arrêter en Algérie de judiciariser les débats et de criminaliser les questions relatives à la liberté de conscience. Cette manière d'agir est archaïque. Ce n'est pas à la justice de s'en mêler. La judiciarisation du débat religieux s'est imposée il y a quelques années, lorsque la justice s'autosaisissait, sur ordre de l'administration, pour sanctionner les déjeûneurs du Ramadhan. On s'est rendu compte par la suite que cela n'est pas le rôle de l'administration. De la même manière, on finira par se rendre compte que la place du débat religieux et intellectuel n'est pas dans les prétoires », a-t-il dit, dans un entretien publié hier par le quotidien Liberté. Il déplore le fait que le sacré, devenu de plus en plus « obèse », commence à nous étouffer, à nous asphyxier littéralement, et bientôt nous ne pourrions plus respirer.
Jugeant l'affaire lamentable, Ghaleb Bencheikh confirme ce qu'a dit Saïd Djabelkhir à propos du pèlerinage à la Kaâba, en affirmant qu'il préexistait bien avant l'avènement de l'islam, son ancrage dans la geste d'Abraham est attesté. Et d'appeler à revoir les articles de loi sur la base desquels Djabelkhir a été poursuivi et condamné. « La plainte contre Saïd Djabelkhir a été jugée recevable car la loi algérienne prévoit des sanctions. C'est le cas de l'article 144 bis du code pénal qui punit l'atteinte aux préceptes islamiques et de l'article 2 de la Constitution sur la base duquel l'islam est la religion de l'Etat. Mais que je sache, l'Etat n'a pas de confession. Je n'ai jamais vu un Etat qui jeûne, qui prie ou qui va accomplir le pèlerinage. Ces deux dispositions représentent des anomalies et il faut les revoir », a-t-il plaidé, estimant que leur maintien ne cadre pas avec la modernité et le progrès auxquels nous aspirons tous. Il a expliqué que l'Etat est le cadre dans lequel s'exerce l'autorité politique.
« Il est aconfessionnel. Ce sont les citoyens qui peuvent avoir ou non une pratique religieuse. L'Administration n'est pas captatrice des consciences et n'a pas à se mêler du salut des âmes. La séparation de l'ordre politique d'avec l'ordre religieux est un acquis de la modernité intellectuelle et politique. C'est une conquête de l'esprit humain », a-t-il encore dit.
Ghaleb Bencheikh n'a pas manqué de déplorer le passage d'une pratique religieuse apaisée, rassérénée, élévatrice spirituellement et structurante sur le plan éthique à une religiosité aliénante.
K. A.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 03/05/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Karim Aimeur
Source : www.lesoirdalgerie.com