Algérie - Phare du Cap Bougaroun	(Commune de Kanoua, Wilaya de Skikda)

Il fait partie des plus célèbres phares de la Méditerranée: Le Cap Bougaroune à Collo



Il fait partie des plus célèbres phares de la Méditerranée:  Le Cap Bougaroune à Collo





Par Algérie Presse service



Dans la constellation de phares jalonnant les 1.280 km de la côte algérienne, le phare du Cap Bougaroune, situé à 28 km à l’ouest de Collo, aux confins occidentaux de la wilaya de Skikda, est sans doute, à l’image de l’étoile polaire qui guidait autrefois les caravaniers dans le désert, le premier signal lumineux annonçant la terre ferme aux navigateurs, à 7 km à l’intérieur de la mer.



Bougaroune est également l’un des phares de la région est du pays les plus exotiques et probablement le plus enclavé, dans les zones les plus reculées de la commune montagneuse de Cheraia.



Avant la pose, toute récente, d’un tapis de bitume aussi confortable que du velours sur la route qui dévale en encorbellement le flanc de la montagne, se taillant ensuite des lacis audacieux sur une corniche extrêmement découpée, entre Cheraia et Bougaroune, le phare était d’accès extrêmement risqué et harassant, par voie terrestre.



Longtemps, le ravitaillement des gardiens du phare était assuré par mer. Une embarcation accostait en contrebas de la construction et il fallait ensuite monter un escalier raide, long d’au moins 150 mètres, désormais inutilisé mais que l’on peut encore apercevoir, même s’il est partiellement enseveli sous les éboulements.



Aujourd’hui encore, lorsqu’on arrive par route, il faut laisser le véhicule sur la route qui surplombe le phare, pour ensuite emprunter, à pied, un long chemin rocailleux, comme tailladé à coups de haches tranchantes, par le travail des ruissellements qui tombent en cascades vers la mer, quand les orages sévissent en amont.



M. Amar Ali-Larnane, responsable à l’Office national de signalisation maritime, à Skikda, explique que le chantier de construction du phare de Bougaroune a été entamé en 1869 pour s’achever en 1911, date d’entrée en fonction de la lanterne.



L’on peut imaginer que la guerre et les crises qui marquèrent la France et ses colonies dans les années 1870 ont dû retarder le projet et qu’ensuite le chantier a été ralenti par les difficultés de transport et d’accès, alors que la priorité était accordée aux autres phares en chantier, notamment le phare de Cap de Fer, construit en 1907, à l’est de Skikda.



Une version du phare en «trompe l’œil»



Lorsque le visiteur arrive par la route dans la localité de Bougaroune, prise en sandwich dans l’encaissement montagneux entre deux sommets jumeaux, au détour d’un virage en épingle à cheveux, il croit d’abord se trouver en face du phare, car il y a là un édifice qui en a tous les aspects. En fait, l’on apprendra qu’il s’agit d’une version du phare, mise en service en 1907, avant la reconstruction de l’ouvrage à son emplacement actuel, à l’autre bout de la route qui se perd derrière, sur un flanc invisible de la montagne.



Le site de cet ancien phare abrite l’unique école de la localité, comme s’il ne voulait pas perdre en fin de compte cette vocation de générer de la lumière, la lumière du savoir.



Combien, en effet, sont-ils ces travailleurs, hauts cadres, enseignants, médecins, officiers, djounouds, marins ou ouvriers dont l’apprentissage de la vie a débuté à l’école-phare de Bougaroune?



Toujours attachés à la montagne natale, aujourd’hui, ils maintiennent un lien vital avec leurs familles et leur terroir d’origine.



D’ailleurs, c’est à partir du mur de la même école, que se font toutes les communications téléphoniques avec l’extérieur. Et pour cause, dans cette partie de la commune de Cheraia, négligée par les opérateurs de la téléphonie mobile, c’est le seul endroit, dans un rayon de 7 à 10 km, ou un téléphone cellulaire trouve suffisamment de champ pour fonctionner.



Gardiens de phare de père en fils



A Bougaroune, on est gardiens de phare de père en fils, du moins pour une partie de l’effectif, qui comprend 2 agents et trois gardiens.



Ici, avec l’école primaire, se sont les seuls postes d’emploi salariés offrant un revenu régulier.



Jusqu’en 1978, explique-t-on, le phare fonctionnait uniquement au gaz, avant de passer à l’électricité avec l’arrivée d’une ligne haute tension.



En 2006, le phare a été réhabilité par des travaux de génie-civil, pour un montant de 10 millions de dinars.



La côte est connue par les marins, à Bougaroune, pour être des plus dangereuses, avec des courants redoutables et des vents violents soufflant de toutes les directions.



L’histoire du cap Bougaroune, si monotone dans un esseulement sidéral, est jalonnée de quelques évènements mémorables qui font écho, sans doute, à d’autres faits plus anciens, dont le souvenir s’est perdu avec la disparition des pionniers du phare.



En 1970, un navire grec avait échoué sur les rochers du Cap Bougaroune. L’armateur s’en était plaint à l’association internationale de la signalisation, arguant que le phare de Bougaroune était éteint.



Ce litige qui impliquait directement la responsabilité des gardiens du phare, a été tranché en faveur de la partie algérienne, grâce au témoignage d’un matelot palestinien qui avait soutenu devant la commission d’enquête que le commandant du navire était tout bonnement «saoul» au moment de l’accident, raconte-t-on.



Berriah, le «père des vents»



Un autre naufrage a eu lieu dans la région, en 1998, à Ras Attia. Il avait alors causé la mort d’un pompier lors du secours du navire, se rappelle-t-on à Bougaroune où l’on dit que ce Cap est dénommé également «Berriah», ce qui signifie «père des vents».



Des plongeurs pourraient mettre au jour, dans les fonds marins de ces côtes, un véritable «cimetière de navires», assure-t-on.



Le 17 juillet 1995, c’est un fait d’un autre genre qui avait marqué la vie monacale du phare. Ali Menai, gardien du phare depuis 1969 (à la retraite depuis 2002), se souvient qu’il avait été surpris par les aboiements inhabituels des chiens. Deux terroristes armés d’un fusil à canon scié «mahchoucha» rôdaient autour de l’enceinte en tentant de pénétrer dans le phare.



Le gardien a donné l’alarme immédiatement, les gardes côte n’étaient pas loin, les assaillants ont dû s’enfuir, sans plus jamais revenir.



En visitant l’intérieur du phare, l’on se rend effectivement compte que les lieux n’ont jamais été profanés.



Dans le coin bureau du gardien, une petite bibliothèque datant au moins des années 1930, est soigneusement conservée. On y trouve surtout des polars, parmi lesquels, au hasard, des titres comme Le vieux Tom, de Miles Surton, ou Le secret de Chimeney, d’Agatha Christie, ou encore un registre dans lequel ont lit, à la date du 11 mars 1960, un «aperçu météo: calme, mer haute, vent d’ouest 6 à 8 km/h, vent Est 20 à 25 km/h».



Un gardien de phare a le temps de lire, en remontant, exactement chaque heure et demie, le lourd mécanisme en cuivre qui fait tourner l’ampoule du phare, dans sa guirlande en verre spécial.



Un camp de regroupement de sinistre mémoire



Durant la guerre d’indépendance, Bougaroune n’était pas seulement un phare. C’était aussi un camp de regroupement dans lequel l’armée coloniale avait parqué toute la population, à partir de 1958, en vue d’isoler les maquisards de l’Armée de libération nationale (ALN), selon leur doctrine stratégique «vider l’eau qui maintient en vie le poisson».



En montrant les fondations en pierres de taille qui restent du camp de regroupement, situé à proximité du phare, il se souvient qu’en réalité le contact entre les moudjahidine et la population ne faisait que se renforcer, ajoutant même que les maquis étaient approvisionnés grâce au ravitaillement du camp.



Sur la route du retour vers Collo, on longe inévitablement les magnifiques plages de Tamanar qui commencent à retrouver les estivants, depuis ces dernières années, après une longue période d’isolement qui avait mis fin à une ère de vitalité touristique.



Grâce à la route réhabilitée, un couple de touristes français, Liliane et Damien, de passage dans la région, ont tenu à revoir les plages de Tamanar, où, affirment-ils, ils ont passé, durant les années 1970, «les plus belles vacances de (leur) vie».



Il assurent «espérer revenir un jour pour faire le circuit de Skikda jusqu’à Alger, à travers forêts et montagnes, en passant par Collo, Tamanar, Bougaroune, Zitouna, Oued Zhor, El Milia, Jijel et Béjaïa».





APS



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