Algérie

Il était une fois la Palestine : une bonne cause en perdition



Il était une fois la Palestine : une bonne cause en perdition
Publié le 10.07.2023 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie

Par le Professeur Chems Eddine Chitour
école polytechnique, Alger

«Le message adressé par le monde à Israël était que le nettoyage ethnique de la Palestine était acceptable, en compensation de l’Holocauste et de plusieurs siècles d’antisémitisme en Europe. La Palestine a été détruite en douze mois — mais la Nakba se poursuit depuis 75 ans.»
Ilan Pappé, historien israélien.

Résumé
Cette contribution n’apporte rien sur la situation du peuple palestinien. Tout au plus, nous rappellerons les étapes les plus dures d’un calvaire qui dure de plus de cent ans. Quand Lord Balfour décide d’offrir un home aux Juifs. L’effritement de la cause palestinienne est due d’abord à la faiblesse de ses dirigeants et au manque d’unité. Les pays arabes roulant chacun pour soi mettent en œuvre la diplomatie du chéquier. Nous arrivons à un tournant dangereux avec les accords d’Abraham qui voit s’effriter la cause arabe réduite à une négociation marchande, comme le recommande l’un des négociateurs de la cause palestinienne, passé à l’Ouest (il est chercheur dans un centre de recherche aux Etats- Unis), et qui propose ni plus ni moins qu’une reddition en rase campagne, aidée en cela par la politique de normalisation initiée par les émirats arabes unis suivis par le Maroc, le Soudan, Bahreïn, sans compter les accords entre Israël, l’Egypte et la Jordanie.
Il reste cependant un domino que l’Administration américaine veut absolument gagner. Il s’agit de l’Arabie saoudite qui serait prête à sauter le pas en échange de réacteurs nucléaires et de matériels militaires américains de dernière génération. Cependant, il ne faut pas se faire d’illusions, la dernière intervention de Benyamin est claire : L’appel de Benjamin Netanyahou contre la création d’un État palestinien suscite fureur et condamnations. Il aurait déclaré qu’Israël devait mettre fin aux aspirations des Palestiniens à un État indépendant. «Nabil Abu Rudeineh, le porte-parole de la présidence palestinienne, soutient que l’établissement d’un État indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale est la seule solution pour parvenir à la sécurité et à la stabilité.»(1)

Petit rappel historique de la déchéance de la cause palestinienne
La montée des tensions a été importante durant le mandat britannique sur la Palestine. «L’opposition arabe au sionisme s’est manifestée de bonne heure. On l’a vue à l’œuvre dès avant 1914. Quand le mandat sur la Palestine, très favorable au sionisme, est confirmé par la SDN, le Congrès arabe palestinien proteste vigoureusement et refuse de reconnaître le fait accompli : Churchill, ministre des Colonies, publie, le 1er juillet 1922, un livre blanc qui donne de la déclaration Balfour une interprétation restrictive. Il indique qu’il n’est pas question de transformer l’ensemble de la Palestine en Foyer national juif (…) Les Palestiniens s’organisent : «En janvier 1922, ils décident la création d’un Conseil suprême musulman, choisi par les Arabes, dirigé par Hadj Amine el-Husseini, mufti de Jérusalem en mai 1921. Une très vive tension se développe et débouche dans la deuxième quinzaine d’août 1929 sur une explosion de violence. Une commission d’enquête est formée pour étudier les causes des troubles. Un nouveau livre blanc est publié en octobre 1930, qui recommande de limiter très sévèrement l’immigration et d’interdire l’achat des terres par les Juifs dans la majeure partie de la Palestine.»(2)

Les Palestiniens vendent leurs terres aux Juifs sionistes
C’est justement, là, que le cheval de Troie s’installe. les Palestiniens vendent leurs terres aux Juifs : «Dans une ‘’Déclaration à la Nation arabe’’, rédigée en 1931, des voix s’élèvent pour dénoncer la passivité des élites, voire leur complaisance dans la vente des terres aux Juifs.» Dans un journal de 1931, on peut lire ce texte : «Nous vendons nos terres aux Juifs sans aucun remords. Les courtiers sont affairés jour et nuit à leur odieux commerce, sans ressentir la moindre honte. Où allons-nous ? Si l’on considère la quantité de terres arabes transférées tous les jours entre des mains juives, on réalise que l’on sera obligé de quitter ce pays. Pour où ? Partirons-nous pour l’Egypte, le Hedjaz ou la Syrie ? Comment y vivrons-nous puisque nous aurions vendu les terres de nos pères et de nos ancêtres à nos ennemis ? Personne ne pourrait témoigner de la pitié si nous devions quitter le pays parce que nous l’aurions perdu de nos propres mains.» Le rapport de la Commission Peel est publié le 7 juillet 1937. Les auteurs se déclarent convaincus de l’impossibilité de faire coexister Arabes et Juifs dans une même entité nationale : «La commission se prononce pour le partage de la Palestine en : un Etat juif comprenant la Galilée et une partie de la plaine côtière (soit 1/4 de la superficie du pays) ; un Etat arabe comprenant le reste du pays à l’exception d’un corridor allant de Jérusalem à la mer qui resterait sous mandat britannique.»(2)
Le rouleau compresseur de l’effritement de la Palestine originelle devient inévitable. Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la résolution 181 qui prévoit le partage de la Palestine en un État juif et un État arabe. Dès le départ, les Palestiniens se trouvent dépossédés de plus de 50% des terres. Pour rappel, la première Intifada eut lieu le 9 décembre 1987. Le 28 septembre 2000 débute la seconde Intifada ou Intifada al-Aqsa. Le déclenchement de l’Intifada serait dû à la visite de l’Esplanade des Mosquées par Ariel Sharon. Bien plus tard, le dernier carnage remonte à juillet 2014. Les Israéliens ont provoqué des dégâts sans équivalent depuis 1967, avec plus de deux mille morts, dont cinq cents enfants. Depuis les accords d’Abraham, la donne a changé ; on demande aux Palestiniens de se contenter de leur sort de deuxième collège et de s’intégrer dans la dynamique marchande des signataires qui acceptent le fait accompli. Israël n’obéissant à aucune des résolutions votées par les Nations unies.

Le monde a assisté indifférent au massacre des Palestiniens
En dehors de l’expropriation des terres, l’armée israélienne ne se contente plus de tuer les adultes palestiniens par dizaines. Elle s’attaque aussi aux enfants. La mort de Mohammed Tamimi, deux ans, bouleverse les consciences. Ce genre de crime se reproduira tant qu’Israël continuera à jouir d’une impunité flagrante. Les images d’enfants déchiquetés dans les multiples bombardements israéliens sur la bande de Gaza ne se comptent plus. Le ministère palestinien de la Santé a annoncé : «Le nombre des Palestiniens tués par l’armée sioniste a atteint les 170 depuis le début de cette année et celui des blessés 91, dont 23 sont dans un état critique.»(3)
Le site Oumma.com rapporte : «Les semaines se suivent en Palestine occupée, chaque fois pires que les précédentes. Celle qui vient de s’écouler fut un véritable enfer. C’était la première fois depuis 20 ans qu’Israël bombardait la population palestinienne en Cisjordanie. Quelques heures après, c’est avec un drone qu’Israël a assassiné quatre jeunes hommes dans leur voiture. Les Palestiniens n’ont cependant pas à faire face seulement à l’armée d’occupation : leur quotidien est rythmé, jour et nuit, par la violence débridée de colons dont la toute-puissance est encouragée par l’impunité qui leur est assurée par un pouvoir à leur botte. En février, ce furent 15 villages palestiniens qui ont vécu des pogroms : maisons, commerces et véhicules incendiés, écoles et mosquées incendiées, cultures et arbres incendiés, des habitants livrés à ces bandes de voyous fous furieux. Face à un tel tableau, on aurait dû assister à une mobilisation de la communauté internationale pour dénoncer et condamner les criminels ; on aurait dû voir se réunir les grands de ce monde pour arrêter les assassins ; on aurait dû voir une mobilisation du monde dit libre pour assurer la protection du peuple palestinien.»(4)
Lundi, 3 juillet, Israël a lancé une agression militaire à grande échelle contre la ville de Jénine et son camp de réfugiés, agression qui a duré deux jours et fait 12 martyrs parmi les Palestiniens, dont cinq enfants, et blessé plus de 140 autres. Une fois de plus, le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, déclare : «Je condamne fermement ces agressions de l’armée sioniste, ‘‘dans un camp de réfugiés surpeuplé, ont été les pires violences en Cisjordanie depuis de nombreuses années, avec un impact significatif sur les civils, dont plus de 100 blessés et des milliers forcés de fuir’’. Le gouvernement israélien en tant que puissance occupante a la responsabilité de protéger la population civile en vertu du droit international, y compris le devoir de faire preuve de retenue et de ‘‘respecter et préserver la vie’’. L’escalade n’est pas la réponse. Il est dans l’intérêt à long terme d’Israël de respecter la solution à deux États, qui envisage une Palestine indépendante à côté. Redonner espoir au peuple palestinien dans un processus politique significatif, conduisant à une solution à deux États et à la fin de l’occupation, est une contribution essentielle d’Israël à sa propre sécurité.»(5)
Sur LCI, le prince Turki ben Fayçal, qui a dirigé durant plus de 22 ans les services secrets saoudiens, a dénoncé le deux poids, deux mesures des Occidentaux. «Israël n’a pas été sanctionné pour son agression contre le monde arabe depuis 1967, en occupant la Palestine. Au même moment, dans le conflit en Ukraine, les pays occidentaux ont immédiatement imposé des sanctions contre la Russie. Le droit de veto devrait être réorganisé.»(6)

Colère des Palestiniens face à l’approbation de 4 560 logements en Cisjordanie
Le projet d’approbation de 4 560 logements dans diverses zones de Cisjordanie est acquis. Netanyahou a approuvé la promotion de plus de 7 000 nouveaux logements, dont la plupart sont en Cisjordanie. «Nous continuerons à développer des colonies et à renforcer l’emprise israélienne sur le territoire», déclare le ministre des Finances, Bezalel Smotrich.
Pour sa part, le Secrétaire général des Nations unies a exprimé sa «profonde préoccupation» quant à la construction prochaine de plus de 4 000 logements dans les colonies par l’entité sioniste. Les colonies de peuplement constituent «une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution à deux Etats et à une paix juste, durable et globale. L’expansion de ces colonies illégales est un facteur majeur de tensions et de violence et exacerbe les besoins humanitaires et sape les droits légitimes du peuple palestinien à l’autodétermination et à la souveraineté».(7)

L’histoire de la cause palestinienne après la Seconde Guerre mondiale
Après la Seconde Guerre mondiale et avant la proclamation de l’Etat d’Israël. Les promesses du président Roosevelt à Ibn Saoud sur le croiseur le Quincy méritent d’être rappelées : «C’est sur le Quincy, écrit l’historien Henry Laurens, un navire de guerre américain, que Franklin Roosevelt, de retour de Yalta, a rencontré le premier roi d’Arabie saoudite, Abdel Aziz Al-Saoud, le 14 février 1945. Les trois textes donnent pour l’essentiel les mêmes informations. La première question abordée a été celle des Juifs de Palestine. Les deux chefs d’État sont plutôt d’accord en ce qui concerne les réfugiés juifs en Europe : Ibn Saoud marque que les Arabes sont prêts à mourir plutôt qu’à céder la Palestine. C’est alors que Roosevelt prend le seul engagement : il souhaite assurer au roi qu’il ne fera rien pour aider les Juifs contre les Arabes et ne mènera aucune action hostile au peuple arabe. (…) À son retour, il affirmera qu’il a davantage appris sur la Palestine en cinq minutes de la part d’Ibn Saoud que dans toute sa vie précédente. Les Arabes ne voulaient pas un Juif de plus en Palestine.»(8)
Il y eut ensuite la création de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948 avec une partition qui favorise Israël. Il y eut alors la Nakba et l’errance de centaines de milliers de personnes du fait d’une épuration ethnique, notamment à Deir Yassine. Deux guerres plus tard, 1967 et 1973, perdues, n’ont pas fait bouger les lignes dans le sens de la conformité d’Israël aux résolutions du 22 novembre 1967. Tout au plus des vœux pieux comme celui de l’Emir Fayçal, assassiné le 25 mars 1975, qui évoquait inlassablement devant tous ses visiteurs son rêve d’aller prier à Jérusalem. Deux ans après la politique des petits pas de Henri Kissinger qui a amené le Président égyptien à normaliser sa relation avec Israël en novembre 1977. Ce jour-là, à la Knesset, Sadate réitère les propositions de l’Égypte pour arriver à une paix durable, le retrait total des territoires occupés par Israël depuis 1967 et réaffirme qu’il n’y aura pas de paix séparée sans les Palestiniens. Dans son discours, Begin refuse catégoriquement de reconnaître un État palestinien indépendant. Le rapprochement de l’Égypte avec Israël entraîne une vive condamnation de la plupart des gouvernements arabes. Il y eut création du Front du Refus (Syrie, Yémen , Libye, Algérie) qui, au fil des années, a disparu…
Nous arrivons au tournant du millénaire à la dernière initiative des pays arabes dans leur ensemble, à l’exception de la Libye et de l’Irak, qui proposait une initiative arabe de paix. La position de la Ligue arabe sur le conflit israélo-arabe s’inscrit entièrement dans l’initiative de paix arabe adoptée à l’unanimité au Sommet arabe de Beyrouth en 2002. Il s’agit d’un engagement global et au plus haut niveau de tous les pays arabes, pour une paix totale et en cela c’est une nouveauté. Ensuite, l’initiative propose une approche globale et compréhensive de tous les volets et de tous les enjeux et aspects du conflit israélo-arabe.(9)

Combien vaut la cause palestinienne ?
Le Premier ministre israélien a rendu visite au prince héritier Mohammed ben Salmane fin novembre 2020, selon des sources israéliennes. M. Netanyahu s’est envolé pour se rendre à Neom, ville futuriste située dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite, près d’Israël. En août, le Premier ministre avait déjà affirmé qu’il y a «beaucoup» de «rencontres non médiatisées avec des leaders arabes et musulmans pour normaliser les relations avec l’état d’Israël».
Mais un accord de normalisation, s’il intervenait, se ferait aussi à un prix «élevé» et les Saoudiens demanderont, à l’instar des émirats, un «tas de choses» comme des «armes de pointe», ajoute cet analyste. Il fait référence aux jets de combat F-35 de dernière génération que les états-Unis ont accepté de vendre à Dubaï après l’accord de normalisation israélo-émirati. (...) Benyamin Netanyahou a placé l’extension des liens avec l’Arabie saoudite au premier plan de son nouveau gouvernement. Dans une interview à la télévision Al Arabiya, il a affirmé que la normalisation était la clé de la paix entre Israël et la Palestine.(10)
Riyad voit des avantages à normaliser ses liens avec Israël. Interrogé sur le nucléaire, le ministre saoudien des Affaires étrangères a déclaré que le royaume préfère le soutien américain. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a déclaré que la normalisation des relations entre Riyad et Israël apporterait des avantages significatifs à la région : «Nous pensons que la normalisation est dans l’intérêt de la région, qu’elle apporterait des avantages significatifs à tous. ‘‘Mais sans trouver un chemin vers la paix pour le peuple palestinien, sans relever ce défi, toute normalisation n’aura que des avantages limités’’, je pense que nous devrions continuer à penser à une voie vers une solution à deux États, pour donner aux Palestiniens la dignité et la justice’’ (…)»Si elle est prise au pied de la lettre, l’utilisation de l’expression «voie vers une solution à deux États» indique que Riyad se contenterait qu’Israël prenne des mesures dans ce sens pour que le royaume normalise ses relations avec Israël. (…) Ces derniers mois, l’Administration Biden a intensifié ses efforts pour négocier un accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite. L’Arabie saoudite s’est montrée disposée à envisager l’idée, mais demande plusieurs concessions importantes de la part des États-Unis. Outre la coopération sur le programme nucléaire, Riyad attend également des garanties économiques et de sécurité de la part de l’administration Biden.(11)

À quoi rime la paix israélo-saoudienne de Joe Biden ?
Y a-t-il un prix à faire payer pour rentrer dans le rang de la normalisation ? À Riyad, écrit Andrés Allemand Smaller : «Le prince héritier vend cher la peau des Palestiniens. En perte d’influence, Washington vient quémander des concessions. Blinken, chef de la diplomatie de Joe Biden, est à Riyad pour convaincre le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane de négocier un accord de paix. Le contraste est saisissant. Il n’est plus question de pourparlers sur «la solution des deux États» (Israël et Palestine). Biden préfère poursuivre sur la voie tracée par l’équipe de Trump: élargir les Accords d’Abraham passés en 2020 entre l’État hébreu et quatre pays arabes: Bahreïn, Émirats arabes unis, Maroc et Soudan. Washington rêve de décrocher le gros lot: une signature saoudienne, susceptible d’entraîner d’autres États. Quant aux Palestiniens, ils attendront.»(11)
«Washington semble également prêt à tout pour offrir une victoire à Benyamin Netanyahou. Faut-il y voir une tentative de séduire, aux États-Unis, les électorats juifs et évangéliques avant l’élection présidentielle de 2024? L’Arabie saoudite accepte même, depuis l’été dernier, le survol de son territoire par des avions de ligne partis de Tel-Aviv. Il se pourrait que des musulmans d’Israël puissent venir en pèlerinage à La Mecque sur un vol direct. Si Biden veut des concessions de MBS, il devra y mettre le prix.»(11)

Riyad veut «intégrer Israël dans un Moyen-Orient unifié»
Chloé Lavoisard nous explique la détermination de l’Arabie Saoudite de MBS à aller de l’avant en tournant la page de la cause palestinienne. Elle écrit : «L’ambassadrice saoudienne à Washington, la princesse Rima bin Bandar Al-Saoud, a déclaré l’intention de son pays d’intégrer Israël dans un ‘’Moyen-Orient unifié”, lors d’une conférence donnée à l’Aspen Ideas Festival, au Colorado, fin juin. Elle a expliqué que cette volonté s’inscrivait dans le cadre du projet de développement de grande envergure ‘’Vision 2030’’ ‘’La normalisation signifie que nous vivons ensemble, mais séparément. L’intégration signifie que nous coopérons, que nos intérêts convergent’’. Rima Bint Bandar Al-Saoud a toutefois exprimé son inquiétude quant à l’approche actuelle du gouvernement israélien en Cisjordanie. Selon l’ambassadrice, la politique menée par le gouvernement de Benjamin Netanyahu envers les Palestiniens ralentit l’effort de paix dans la région. “Nous voulons voir Israël prospérer autant que nous voulons voir la Palestine prospérer.” Ces déclarations interviennent alors que début juin, le chef de la diplomatie saoudienne, le prince Fayçal Ben Farhane, estimait que «la normalisation avec Israël est dans l’intérêt de la région». (...) Eli Cohen, ministère des Affaires étrangères israélien se disait «très optimiste» quant à l’amélioration des relations avec le royaume».(12)

La rouleau compresseur de la reddition sur le dos de la Palestine
D’une façon imperceptible, des petits gestes ont eu lieu. L’Arabie saoudite modifie le contenu de ses manuels scolaires relatif à Israël. «Les termes négatifs désignant les Juifs et les chrétiens disparaissent peu à peu des manuels scolaires saoudiens», selon CNN. Un changement sans doute destiné à préparer la population à une éventuelle normalisation avec l’État hébreu. «Presque tous les exemples décrivant les chrétiens et les Juifs de manière négative» ont été supprimés des manuels scolaires saoudiens. C’est ce que mentionne un rapport de l’Institute for Monitoring Peace and Cultural Tolerance in School Education (Impact-se) publié le mois dernier et révélé par CNN. Cette organisation israélienne surveille principalement la manière dont l’État hébreu et les Juifs sont présentés dans les textes éducatifs. Les allégations «selon lesquelles les Juifs et les chrétiens sont les ennemis de l’islam» ont notamment été supprimées, selon l’étude. Certaines références à «l’ennemi israélien» ou «l’ennemi sioniste» ont été remplacées par «l’occupation israélienne» ou «l’armée d’occupation israélienne».(13)
«Ce n’est pas la première fois que les programmes scolaires saoudiens sont soumis à des modifications pour des raisons politiques. En 2019, l’expression comparant les Juifs à ‘’de vrais singes’’ avait été retirée d’un livre de seconde. Pendant des décennies, le gouvernement a cherché à asseoir sa légitimité dans le pays et à l’étranger en s’appuyant sur son statut de berceau de l’islam, terre de ses deux sites les plus sacrés, mais Riyad s’est orienté ces dernières années vers une forme de nationalisme s’éloignant de la religion.»(13)

Les Émirats arabes unis vont enseigner l’histoire de l’Holocauste
Les Emirats ont été les premiers à courir à la normalisation à la suite des accords d’Abraham. «Conseillé par Impact-se, le ministère de l’Éducation des Émirats arabes unis met pour sa part à jour ses programmes scolaires pour y inclure l’enseignement de la Shoah dans les écoles primaires et secondaires. L’ambassade émiratie à Washington a annoncé le 5 janvier que les écoles de la Fédération avaient commencé à enseigner l’histoire de l’extermination des Juifs, marquant un pas de plus dans le processus de normalisation. L’ambassadeur d’Israël aux Émirats arabes unis, Eitan Na’eh, a visité l’exposition commémorant l’Holocauste au Crossroads of Civilizations Museum à Dubaï en mai 2021. La représentation émiratie à Washington a annoncé le 5 janvier l’enseignement aux Émirats arabes unis de l’histoire de l’extermination des Juifs. Une décision qui marque un pas de plus dans le processus de normalisation des relations entre Israël et les EAU. Le contenu pédagogique se fera en partenariat avec Yad Vashem, Institut international pour la mémoire de la Shoah, créé en 1953 et basé à Jérusalem. En 2021, une exposition dédiée à la commémoration de la Shoah s’est tenue au Crossroads of Civilizations Museum de Dubaï.»(14)

La reddition pour quelques dollars de plus
C’est en tout cas l’affirmation à haute voix d’une reddition sonnante et trébuchante. Ghaith al-Omari, ex-négociateur devenu chercheur dans un centre de réflexion aux états-Unis, déclare : «Aujourd’hui, à Ghaza ou en Cisjordanie occupée, la situation est totalement désespérée pour les jeunes Palestiniens. Environ 80% des Palestiniens estiment que l’Autorité palestinienne est corrompue et génère elle aussi un manque d’opportunités pour la jeune génération. Ghaith al-Omari pense qu’il faut coopérer, il ne croit pas à un État de tous les citoyens ; mieux, il suggère que les Palestiniens coopèrent avec Israël en taisant toute velléité d’autonomie.» «(…) (...) En fin de compte, seule la solution à deux États, où chaque nation peut exprimer ses aspirations et son identité, est valable (…) Il faut réformer l’Autorité palestinienne et faire renaître l’espoir dans la validité de la coopération en encourageant les initiatives économiques conjointes et en poursuivant la coopération en matière de sécurité. (...) Donc le seul moyen de résoudre ce conflit est le dialogue.»(15)
Enfin, Ghaith al-Omari nous informe qu’à propos des accords d’Abraham, «les leaders palestiniens ne réalisent pas que la région est en train de changer». Il déclare : «Nous assistons à une toute nouvelle façon de faire de la politique au Moyen-Orient, impulsée par les pays du Golfe. Je pense que les leaders palestiniens vivent toujours dans le passé. Le bon vieux temps des idéologies disparaît lentement. La question qui se pose donc aux Palestiniens, alors que tout le monde est concentré sur ses propres intérêts, est de savoir s’ils peuvent trouver un moyen de tirer profit de la nouvelle donne, ou s’ils se contentent de rester sur la touche et regarder l’Histoire passer devant eux. (…) S’ils s’engagent, ils obtiendront un soutien politique arabe accru. Au-delà du soutien politique, il peut également y avoir des possibilités dans le domaine économique. (…) Les Israéliens se sont presque habitués aux critiques en provenance de l’Égypte et de la Jordanie. Ils ne les prennent pas tellement au sérieux. Or, c’est la crainte de voir les Émirats arabes unis, qui ont développé des relations très profondes et très rapides avec Israël, couper les relations qui pousse Benyamin Netanyahu à faire pression sur son ministre pour qu’il s’abstienne de passer à l’action. Les Occidentaux et les acteurs régionaux ont compris que les Palestiniens sont trop faibles pour conclure un accord.»(15)
Conclusion
Plus rien n’arrête le rouleau compresseur de l’extrême droite religieuse. El Qods sera, à terme, judaïsé. Aussi bien le roi de Jordanie, gardien des lieux depuis un siècle, et même le Maroc, en temps que responsable du Comité El Qods, n’ont protesté. Comme les autres pays arabes, ils acceptent le fait accompli. Où sont les Arabes et leurs rodomontades, eux qui disposent de deux tiers des réserves pétrolières du monde ? Eux qui n’ont cessé de servir de variables d’ajustement, tétanisés par Israël et l’Occident. Peuples des beaux départs d’après Lawrence d’Arabie, mais, au final, ils sont englués dans les temps morts. La réalité est qu’Israël est sur une trajectoire d’un État unique d’apartheid. Il se veut État juif aseptisé de ses Arabes même israéliens qui auront, à terme, vocation à être transférés vers le territoire en peau de léopard laissé aux Palestiniens. Le «négociateur palestinien» Ghaith al-Omari ne propose pas autre chose qu’une reddition en rase campagne sous l’aile protectrice des accords d’Abraham. Les Palestiniens deviendront des marchands oubliant leur passé et s’inscrivant dans la realpolitik de l’argent.
Les Palestiniens qui acceptaient de vivre sur 18% de la Palestine originelle n’ont personne à qui se plaindre. Les Nations unies sont aphones, les pays développés ont choisi leur camp ; faire payer aux Palestiniens la Shoah dont ils ont une responsabilité collective. La position algérienne, dure à assumer, se décline ainsi : «Nous sommes tous avec la Palestine qu’elle soit agressée ou agressive, exiger plus qu’elle c’est de la démagogie, accepter moins que ce qu’elle demande, c’est de la trahison.» Elle est pratiquement sûre que l’Arabie saoudite rentrera dans le giron des accords d’Abraham. L’engrenage des conditions posées veut dire que les états-Unis doivent y mettre le prix en termes d’équipement. La cause palestinienne n’est plus une cause noble pour les Arabes dans ce XXIe siècle du chacun-pour-soi. Les pays arabes pensent pour la plupart que la diplomatie du chéquier permettrait de faire oublier leur responsabilité. C’est à se demander s’il y a, du point de vue symbolique, des causes qui valent la peine d’être défendues ! Est-ce que la compromission et les valeurs humanistes ont vocation à disparaître en face de la reddition et du déni des droits élémentaires aux Gazouis qui vivent dans une prison à ciel ouvert ? Non ! Il y a un devoir moral à assumer !(16)
C. E. C. 

1. «RobertMoumdjianhttps://www.arabnews.fr/node/ 396736 /monde-arabe
2. Https ://books. openedition .org/ septentrion/ 48746?lang=fr
3.RyadHamdihttps://www.tsa-algerie.dz/israel-tue-par-balles -un-enfant-palestinien-de-2-ans
4.https://oumma.com/une-semaine-en-enfer-honte-a-ceux-qui-ont-choisi-dabandonner-les-palestiniens-a-la-barbarie-disrael/ 23 juin 2023
5.https://news.un.org/fr/story/2023/07/1136692
6.https://oumma.com/ukraine-et-palestine-le-prince-turki-ben-faycal-denonce-le-deux-poids-deux-mesures-des-occidentaux/.
7. https://www.horizons.dz/onu-les-colonies-sionistes-sont-une-violation-flagrante-du-droit-international/ 20 Juin 2023
8.Henry Laurens https://orientxxi.info/magazine/de-quoi-parlaient-le-president-americain-et-le-roi-saoudien-en-fevrier-1945,1213 23 février 2016
9.Nassif Hitti https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2009-4-page-37.htm
10.https://www.tdg.ch/visite-secrete-de-netanyahou-en-arabie-saoudite-490941927193 11.20,
11.Andrés Allemand Smaller https://www.tdg.ch/a-quoi-rime-la-paix-israelo-saoudienne-de-joe-biden-319077341499 9 06 2023
12. ChloéLavoisard,https://www.lorientlejour.com/article /1342469/dans-le-cadre-du-projet-vision-2030-riyad-veut-integrer-israel-dans-un-moyen-orient-unifie.html 05 juillet 2023
13.https://www.lorientlejour.com/article/1341145/larabie-saoudite-modifie-le-contenu-de-ses-manuels-scolaires-relatif-a-israel.html 21 juin 2023
14.PhilippineMasson,https://www.lorientlejour.com/article/ 1323948/les-emirats-arabes-unis-vont-enseigner-lhistoire-de-lholocauste.html 10 janvier 2023
15. Marc Daou https://www. france 24. com/fr/moyen-orient/20230326-%C3%A0-gaza-ou-en-cisjordanie-la-situation-est-totalement-%C3%A9sesp%C3%A9r%C3%A9e-pour-les-jeunes-palestiniens
16. Chems Eddine Chitour : Le calvaire palestinien, préface Smail Hamdani, Édts Casbah 2012.



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