Algérie

«Il est trop tôt pour parler d'immunité collective»



L'Expression: Bonjour professeur. On s'est parlé, il y a de cela trois semaines, vous évoquiez une situation très «difficile» au niveau des hôpitaux du pays. Qu'en est-il aujourd'hui'Professeur Riad Mokretar Kharoubi: Beaucoup mieux! Comme le démontrent les chiffres officiels, il y a eu une forte baisse des contaminations des cas de Covid-19. Cela se fait ressentir par une baisse de la pression au niveau des centres de tri, mais aussi par une diminution du nombre des hospitalisations et des taux d'occupation des lits dans les services Covid-19. Une tendance à la baisse qui confirme que le pic de cette vague a été atteint le 24 janvier dernier, avec un record journalier de contaminations qui s'est établi à 2215 cas. Nous sommes donc en phase de décroissance. Ce qui dénote de l'efficacité des mesures prises par le gouvernement, dont la plus importante a été celle relative à la fermeture des écoles pour une durée de 15 jours. Ce qui a permis de couper la chaîne des contaminations. Car, comme nous l'avions fait remarquer précédemment, l'une des spécificités de cette vague est le fait qu'un large taux de contaminations a été enregistré chez les enfants. Ce qui a fait qu'il se soit transformé en vecteur du virus en le transmettant de façon exponentielle à leurs parents, et proches. La réaction en chaîne a suivi.
N'existe-t-il pas le risque d'un rebond épidémique avec la réouverture des écoles'
Effectivement. Il faut encore rester prudent, éviter le relâchement en continuant à respecter, minutieusement, les gestes barrières. Cette semaine sera décisive. On suivra scrupuleusement l'évolution des chiffres à la suite de la reprise des cours en présentiel au niveau des écoles et universités. En principe, on pourrait avoir un léger rebond mais pas revenir au pic précédent. C'est ce qui semble attendu, mais on n'est jamais sûr de rien avec cet imprévisible virus. Ce qui nécessite donc de rester sur ses gardes. Car, il faut savoir que ce variant n'est pas aussi inoffensif que l'on pense. Certes, il est moins dangereux globalement dans la mesure où il y a moins de cas graves chez les jeunes adultes et les femmes enceintes contrairement au Delta. Par contre, il se diffuse plus rapidement et plus largement. Logiquement, plus il y a de contaminations, plus il y a d' hospitalisations, plus il y a de cas graves et des décès. Cela est d'autant plus le cas chez les personnes à risques, qui malheureusement chez nous, ne sont pas vaccinées. Force est de constater que beaucoup d'entre elles finissent en réanimation ou décèdent.
Justement, malgré la baisse des contaminations les services «Réa» demeurent pleins. Comment s'explique cette situation'
Comme lors des précédentes vagues, les services de réanimation mettent toujours plus de temps à se vider. La raison est très simple. Les patients qui étaient hospitalisés dans les différents services médicaux ont pu s'aggraver et donc être admis en soins intensifs. Cela, en plus du fait, que les patients admis en «Réa» restent hospitalisés plus longtemps que ceux des autres services puisqu'ils mettent plus de temps à se rétablir. Il y a donc une légère baisse du taux d'occupation des lits de réanimation mais elle demeure minime. On est passé de 100% de taux d'occupation à quelque 80% aujourd'hui. Je tiens à rappeler que nous avons connu lors du «pic» un fort taux de contaminations chez le personnel hospitalier. Le service d'anesthésie-réanimation que je dirige, qui était à la fois sur le front Covid-19 et des urgences de quatre services chirurgicaux, le taux de contamination du personnel médical et paramédical a atteint les 60%. Ce qui a rendu extrêmement difficile notre tâche. Il a fallu optimiser au mieux la ressource humaine pour faire face à la situation et assurer, en toute circonstance, la prise en charge des patients. C'est un défi que nous avons réussi à relever.
Certains spécialistes parlent d'immunité collective, fin de la pandémie... Qu'en pensez-vous'
Oui, après la fin de la vague de Omicron et le fort taux d'incidence qu'il a engendré, un vent d'optimisme souffle partout dans le monde. Beaucoup de pays sont en train de lâcher du lest envers leur population en abandonnant certaines mesures restrictives. L'Algérie n'est pas en reste de cette vague d'espoir. Néanmoins, il faut savoir que la grande différence entre nous et ces pays est le fait qu'ils ont des taux de vaccination très importants, avoisinant les 80% de la population. Ce qui fait qu'avec le Omicron qui a touché beaucoup de personnes chez eux, ils peuvent respirer, parler d'immunité collective et se permettre le «luxe» d'un retour à une vie normale. Ce qui n'est pas le cas chez nous où le nombre de personnes vaccinées reste très faible. Certes, un certain taux d'immunité a été développé avec cette vague mais il est difficile de parler de la fameuse immunité collective. Surtout que l'on ne connaît pas encore la durée de l'immunité développée par le Omicron, que beaucoup estiment pas très durable. Notre point faible demeure donc la vaccination. Elle reste la meilleure solution pour sortir de ce cauchemar.


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