La Cour des comptes, instituée en 1976 pour favoriser l'utilisation régulière et efficiente des fonds publics, promouvoir la transparence dans la gestion des finances publiques et renforcer la lutte contre la fraude, ne peut se substituer à la justice en matière de lutte contre la corruption, a déclaré le président de la cour, Abdelkader Benmarouf, lundi 29 avril 2019.Cependant, même si la cour joue un rôle important dans la lutte contre la fraude, son rôle se limite à aviser la justice sur les faits, éventuellement à caractère pénal. Les jugements effectués par la chambre de discipline de la chambre ne portant pas sur des délits de corruption, mais uniquement sur des infractions aux règles de discipline budgétaire et financière. Et si la cour relève des faits susceptibles de qualifications pénales, elle transmet, selon l'article 27 de l'ordonnance de 1995 régissant la cour des comptes, modifiée en 2010, le dossier du gestionnaire public en question au procureur général, territorialement compétent aux fins de poursuites judiciaires.
Une dizaine de dossiers portant, notamment, sur les marchés publics (les prix, les quantités, la qualité des équipements, l'opacité dans l'octroi des contrats...) est transmise annuellement à la justice par la cour, selon lui. «Les gens se trompent en pensant que la Cour des comptes lutte contre la corruption. La corruption est un crime économique et les crimes relèvent de la compétence de la justice et non pas de la Cour des comptes», a tenu à préciser M. Benmarouf. «Nous n'avons ni la base juridique, ni les moyens humains, ni les moyens techniques pour lutter contre la corruption dans toutes ses formes. C'est le juge pénal qui en a la compétence. Ce n'est pas une spécificité algérienne, mais le rôle de la Cour des comptes est identique dans le monde entier», a-t-il soutenu. Le rôle de la cour en ce qui concerne la lutte contre la corruption consiste seulement à «s'assurer du bon emploi des fonds publics», a-t-il martelé. Pour bien mener ses missions alors que les recrutements sont gelés dans ce corps, la cour, avance son président, fera appel, conformément à l'article 58 de l'ordonnance de 1995, à des agents qualifiés du secteur public et à des experts susceptibles de l'éclairer ou de l'assister dans ses travaux.
Un manque d'effectifs pénalisant
Selon son premier responsable, la Cour des comptes souffre d'un manque d'effectif qui la pénalise. Dotée de 170 magistrats et de 45 vérificateurs financiers, cette institution de contrôle des finances publiques «souffre d'un manque d'effectifs, notamment pour ce qui concerne sa chambre de discipline financière et budgétaire (CDFB) qui compte sept magistrats seulement»; à cause de cela, cette chambre est considérée comme «le talon d'Achille» de la cour, a-t-il regretté. Vu le nombre réduit des magistrats, les traitement des affaires au niveau de la chambre «se fait à une cadence ralentie», a-t-il témoigné, en expliquant que les sept magistrats assurent simultanément leur mission au sein de la chambre de discipline et leur mission de contrôle au niveau des chambres nationales et territoriales de la cour.
«Vu leur charge de travail, les magistrats répugnent à faire les deux missions, laissant traîner les affaires soumises à la chambre», a-t-il confié. La CDFB est la formation de la Cour des comptes chargée de l'instruction et du jugement des dossiers relevant de son domaine de compétence. Elle statue sur la responsabilité des agents en cas de commission d'infractions aux règles de discipline budgétaire et financière, notamment les fautes ou irrégularités constituant une violation caractérisée des dispositions législatives et réglementaires régissant l'utilisation et la gestion des fonds publics et des moyens matériels ayant causé un préjudice au Trésor public ou à un organisme public.
600 comptes publics en moyenne traités chaque année
Interrogé pour connaître sur quoi porte exactement le contrôle de la cour, M. Benmarouf a précisé que l'apurement des comptes publics et le contrôle de la qualité de la gestion publique constituent les deux activités principales de la cour. Sur quelque 10 000 comptes publics existants en Algérie, la cour traite en moyenne 600 comptes/an au niveau de ses huit chambres nationales et neuf chambres territoriales. Suite à l'examen des comptes publics, la cour élabore son rapport annuel, en plus de son rapport d'appréciation sur le règlement budgétaire.
M. Benmarouf a regretté la non-publication des rapports annuels de la cour qui, depuis sa création, a rendu publics deux de ses rapports seulement (1995 et 1997). «La Cour des comptes est la mémoire budgétaire du pays (...) Ses rapports annuels doivent être rendus publics comme ça se fait à l'échelle internationale», a-t-il vivement recommandé. Interrogé sur le degré d'indépendance de la cour, alors que son président et ses magistrats sont désignés par le président de la République lui-même, il a estimé que l'institution jouissait de l'indépendance conformément de la Constitution algérienne. Cependant, l'indépendance de la cour «sera certainement renforcée si son président était élu par le Parlement pour un mandat bien défini au lieu d'être désigné par le président de la République», a-t-il suggéré.
Le contrôle des finances des EPE ne relève pas de la Cour des comptes
A une question pour savoir si les fonds des entreprises publiques économiques (EPE) étaient soumis au contrôle de la cour, son président a expliqué que tous les revenus des entreprises publiques commerciales sont des deniers privés dont le contrôle n'est pas du ressort de la cour. «Le denier public représente toute ressource qui sort du Trésor public au profit des administrations publiques, en plus des subventions accordées aux entreprises publiques économiques. Mais les finances d'une entreprise publique, comme la Sonatrach par exemple, sont des finances privées, car il s'agit d'une entreprise commerciale même si son capital est public», a-t-il précisé. La Cour des comptes ne contrôle donc pas les flux financiers de ces entreprises, mais contrôle uniquement l'utilisation des subventions qui leur sont accordées par l'Etat.
Evoquant le contrôle des fonds publics au niveau des collectivités locales, il a souligné que ces dernières gagneraient à améliorer le contrôle a priori de leurs finances, c'est-à-dire le contrôle interne effectué par les comptables de l'entreprise. «Au niveau des communes, l'outil de contrôle interne, qui constitue une sécurité pour le bon emploi des finances publiques, n'est pas bien élaboré et n'est pas performant», a-t-il regretté. Cette «faille» dans le système de contrôle interne, poursuit-il, rend compliqué le contrôle a postériori effectué par les magistrats de la Cour.
A ce propos, M. Benmarouf a proposé l'adoption du modèle allemand, où le contrôle interne est directement placé sous la tutelle de la Cour des comptes. Interrogé par ailleurs sur les nouveautés introduites par la nouvelle loi organique des lois de finances, pour ce qui est des missions de la cour, Il a précisé que cette loi donnera, notamment à cette juridiction, le rôle d'expert-comptable des comptes de l'Etat. «La cour va certifier les comptes de l'Etat. Nous nous sommes dotés de techniques nouvelles pour réussir cette mission compliquée», s'est-il réjoui.
Synthèse Djilali Hadjadj
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Posté Le : 06/05/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Djilali Hadjadj
Source : www.lesoirdalgerie.com