Algérie

"Il est primordial d'aider les chefs d'entreprise à retrouver confiance"



Liberté : Selon les données communiquées par le gouverneur de la Banque centrale, les crédits à l'économie n'ont évolué que de 3,82% au cours des dix premiers mois de 2021. Visiblement, l'activité crédit marque le pas et n'évolue que faiblement dans un contexte post-pandémique exigeant un effort plutôt soutenu. D'après vous, à quoi est due cette faible croissance des crédits à l'économie 'Mohand Touazi : Dans la loi de finances 2022, le gouvernement affiche sa volonté d'aller dans la diversification de l'économie et d'impulser une croissance forte. Ce v?u, pour être réalisé, nécessite des conditions préalables importantes, parmi lesquelles l'accès au crédit par les entreprises.
En effet, ce sont les entreprises privées qui seront les fers de lance de cette diversification et de cette croissance. Notons que le secteur privé est à l'origine d'une grande partie de la valeur ajoutée produite et emploie un pourcentage élevé de la population, mais en contrepartie, selon la dernière note de conjoncture de la Banque d'Algérie, le secteur public a reçu 50% des crédits octroyés par les banques et le secteur privé en a reçu seulement 41% ; la proportionnalité n'est même pas respectée.
Par ailleurs, au niveau macroéconomique, les banques sont prises comme dans un étau. D'une part, entre l'injonction de financer les déficits du Trésor public et d'octroyer des crédits importants aux entreprises publiques pour les maintenir en vie. Et, d'autre part, le manque de ressources (collecte de l'épargne). La conjonction de ces deux contraintes produit indubitablement un effet d'éviction au détriment des entreprises privées.
Cet effet d'éviction dont vous parlez, les entreprises et l'économie en souffrent, en sortie d'une crise sanitaire qui a laissé d'importantes séquelles socioéconomiques. Cette faible évolution de l'activité crédit n'est-elle pas de nature à lézarder la reprise et les espoirs de sortie de crise '
En avril 2020, alors que la pandémie se répandait, suivie du début du confinement, le Cercle d'action et de réflexion pour l'entreprise (Care) avait proposé un plan de sauvegarde des entreprises, comme cela a été le cas dans pratiquement tous les pays. Malheureusement, cela n'a pas été appliqué. Il s'en est suivi un taux de mortalité élevé de ces entreprises et celles qui ont survécu ont vu leur trésorerie au plancher. La sortie de crise devra se faire avec des entreprises plus fragiles et moins importantes en nombre. D'où l'extrême urgence de les soutenir si nous voulons enclencher ce processus de croissance tant souhaité. Il faut noter tout de même que la facilité dans l'octroi de crédits aux entreprises n'est pas l'unique condition d'une réelle relance de l'économie, mais juste une mesure nécessaire et très loin d'être suffisante. L'action des pouvoirs publics doit être rapide et multiforme.
Justement, puisque vous évoquez l'action des pouvoirs publics, quelles sont, selon vous, les mesures qui s'imposent urgemment afin de débloquer la situation au sein des banques et de faciliter l'accès aux crédits '
La première action consiste à sauvegarder les entreprises "vivantes" par une facilité d'accès au crédit pour éviter cet effet d'éviction dévastateur. La prise de conscience de cet enjeu est cruciale. Un environnement économique sain, stable et encourageant permettra à l'entreprise d'avoir confiance et de s'engager par des investissements productifs. Aujourd'hui, les chefs d'entreprise ont peur de l'avenir : chat échaudé craint l'eau froide. Les aider à retrouver cette confiance est primordial. Cela passe par un meilleur climat des affaires. Qu'attend-on pour dépénaliser l'acte de gestion dont on parle depuis si longtemps ' Il s'agit aussi de débureaucratiser le plus possible et le plus rapidement, de mettre à la disposition des acteurs économiques des données actualisées qui permettront à l'entrepreneur de se projeter avec confiance.
Il est important, par-dessus tout, d'éviter ce cafouillage dans la diffusion de directives et de contre-directives qui crée une non-visibilité tétanisante. Et, enfin, il est pour le moins urgent de penser un plan stratégique concerté, crédible, dans lequel les entreprises s'inséreront naturellement.
Notons que si les investisseurs locaux n'ont pas retrouvé la confiance nécessaire, les IDE (investisseurs étrangers) ne se bousculeront pas à la porte de l'Algérie.


Propos recueillis par : Ali Titouche


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