Algérie

Il est parti


Ce jour-là, il trouva la porte de l?entreprise fermée et la bouche de ses enfants ouverte. Il vendit alors les meubles qu?il avait achetés par facilité à la coopérative. Puis, les bijoux de sa femme que ses parents lui avaient achetés, afin de remplacer les études qu?ils lui avaient refusées. Puis, il brada son âme qui ne valait pas une semelle. Puis il attendit et rien ne vint frapper à sa porte.

Alors, il se retourna vers ses amis qui le vendirent contre un rictus d?excuses. Alors, il se donna le luxe d?être indigné, puis constata que c?était vraiment du chiki. Alors, il écrivit des lettres ouvertes pour les journaux fermés sur leurs nombrils. Puis il attendit. Alors, il signa des pétitions à défaut de chèques. Puis marcha dans les rues avec les autres pour revendiquer, puis tout seul, pour oublier. Puis il pleura. Mais cela ne changea rien à la couleur du ciel. Puis il s?assit au seuil de sa maison en retard de paiement de loyer. Et il repensa. Que faire quand que faire est brûlé ? Puis il commença ses châteaux d?Espagne avec un jeu monopoly usé. Puis il fuma sa dernière cigarette et proféra son dernier blasphème. Sur ses quatre enfants, deux étaient scolarisés. Les deux autres étaient en salle d?attente. Puis il visita les cimetières. Et il s?interrogea pourquoi les morts ne parlent pas. « Ô mort, échangeons pour un instant, pour un instant seulement, nos deux existences. Ainsi, tu pourras sentir le poids de ma misère », dit-il dans un accès d?amertume philosophique. Le mort préféra garder le silence. Même les morts ne parlent pas aux compressés.

Alors, il installa une table pour vendre au détail des cigarettes qu?il a fini par fumer. Alors, il songea au Sud. Mais le grand Sud était pour les étrangers. Puis il pensa mettre fin à ses jours, mais cela ne mettait pas fin à sa misère. Alors, il alluma une bougie à l?occasion du prochain 5 Juillet et brûla ses fiches de paie, ses souvenirs, sa mémoire... avant de mourir la veille d?un saint juillet.




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