Algérie

"Il est fort à parier que d'autres associations vont suivre"


Rassemblement Actions Jeunesse est une association de jeunes dont l'activité consiste à sensibiliser la jeunesse en matière de lutte pour la bonne gouvernance, la promotion des droits de l'Homme et l'enracinement de valeurs citoyennes. Cela, selon le politologue Mohammed Hennad, va à l'encontre de ce que nos dirigeants espèrent.Liberté : À quoi obéit, selon vous, la décision de justice de dissoudre l'association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ) '
Mohammed Hennad : Est-ce le début d'une dystopie après un Hirak qui a permis tous les rêves et élargi les horizons du possible dans notre pays ' Mais, à vrai dire, la dissolution du RAJ était attendue dès que le ministère de l'Intérieur a déposé une requête de dissolution et depuis que plusieurs membres de cette association ont été poursuivis en justice ou incarcérés, dont le président.
Cette décision du tribunal administratif confirme nos craintes quant à la dérive totalitaire que le pouvoir actuel est en train de prendre depuis la dernière élection présidentielle. Depuis cette date, les acquis obtenus de haute lutte, depuis Octobre 1988, ne cessent d'être grignotés. Et l'on est en droit de se demander si la justice traitant des "affaires administratives" dans ce pays n'est pas en passe de devenir, en fait, une sorte d'homme de main du pouvoir.
Pourquoi précisément le RAJ, après 28 ans d'existence '
Parce que le RAJ est une ONG très active. Et il n'est pas dans la culture de nos rustres dirigeants de concevoir l'utilité, voire la nécessité, des ONG pour un pays. Ils n'acceptent pas qu'il puisse y avoir des organisations autonomes échappant à leur pouvoir, d'autant que les ONG ont vocation d'avoir des rapports avec leurs homologues à travers le monde pour des raisons de solidarité et d'entraide ! Et puis, le RAJ est une association de jeunes dont l'activité consiste à sensibiliser la jeunesse en matière de lutte pour la bonne gouvernance, la promotion des droits de l'Homme et l'enracinement de valeurs citoyennes. Cela va à l'encontre de ce que nos dirigeants espèrent.
Force est de constater que le RAJ, créé en 1992, n'a jamais été menacé de dissolution même au plus fort du terrorisme, et voilà qu'il se trouve aujourd'hui dissous, assurément pour avoir été très actif au sein du Hirak. Mais en même temps, le pouvoir continue d'espérer vendre sa piètre formule de "la nouvelle Algérie" ! Cela dit, Il est fort à parier que d'autres associations vont suivre, à l'image de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme, parce que le pouvoir ne semble pas près de se calmer avant d'avoir obligé au silence toute opposition sérieuse.
Cette décision intervient après l'emprisonnement du président de l'association SOS Bab El-Oued et au moment où la menace pèse sur les partis politiques. Est-ce la confirmation de la gestion sécuritaire de la vie politique nationale '
On a du mal à comprendre les vraies raisons de l'emprisonnement du président de SOS Bab El-Oued parce que les gens s'accordent sur le fait que cette association faisait ?uvre utile, notamment au profit des pauvres. Quand un pouvoir impose de plus en plus de restrictions à la vie politique et multiplie arrestations et emprisonnements, cela veut dire que le pays n'est pas géré par les politiques, mais par les officiers des services de sécurité. D'ailleurs, la gestion sécuritaire de la crise est confirmée par la récurrence des réunions du Haut Conseil de sécurité, lequel s'emble s'arroger un pouvoir de fait, alors qu'il n'est qu'un simple organe consultatif !
Quant aux partis, d'une manière générale, et aux partis "rebelles" d'une manière particulière, il est évident qu'ils sont toujours dans la ligne de mire du pouvoir. Aujourd'hui, c'est à eux de choisir : soit ils décident de procéder ? sur la base d'une plateforme consensuelle ? à une remise en cause fondamentale de leurs rapports au pouvoir en faisant bloc contre lui pour le forcer à accepter le changement, soit ils continueront à régler leur montre, en contrepartie de quelques bribes, au gré des rendez-vous électoraux à travers lesquels, le pouvoir compte les vassaliser.
Les acquis démocratiques d'Octobre 88 sont-ils remis en cause '
En effet. Et hasard du calendrier, le RAJ est dissous un jour du mois d'octobre ! Ce qui est plus grave, c'est la tentative du pouvoir de détourner l'attention nationale loin des revendications exprimées lors des marches du Hirak, lesquelles revendications sont l'écho de celles d'Octobre 88.
Pour ce faire, le pouvoir tente d'accentuer les désaccords avec la France et le Maroc au lieu de faire preuve de responsabilité et de pragmatisme en la matière dans la mesure où, ennemis ou pas, ces deux pays restent ceux auxquels nos intérêts nationaux demeurent très liés pour des raisons qu'on n'a même pas besoin d'énumérer tant elles sont évidentes.
Il est malheureux de constater que les dirigeants algériens donnent l'impression de vivre en dehors du temps. Au lieu de travailler pour un consensus national qui réponde aux aspirations profondes de changement au sein de notre population, ils se croient être les seuls à aimer le pays et à connaître ce qui lui faut et ce qui lui sied. Mais se rendent-ils compte à quel point ils sont tournés en dérision ' Notamment sur les réseaux sociaux !

Propos recueillis par : KARIM BENAMAR
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