- Quelle place pour la transparence budgétaire en Algérie 'Malheureusement, il y a peu de place accordée à la transparence budgétaire en Algérie. Je dirais même qu'on assiste à une régression par rapport aux résultats de l'enquête menée en 2015.
En effet, le score de l'Indice sur le budget ouvert (IBO) a changé au fil du temps, passant de 19 en 2015 à 3 pour 2017 sur une échelle de 100. Cela veut dire que très peu d'informations financières sont mises à la disposition des citoyens pour une compréhension de l'utilisation des fonds publics de l'Etat à travers son budget. La situation est donc désastreuse pour la transparence budgétaire.
Elle semble plus catastrophique quand on compare la situation de l'Algérie aux autres pays de la région comme le Maroc et la Tunisie sont à 45 et 39 respectivement. Même avec ces indices, ces deux pays sont considérés comme ayant une transparence budgétaire limitée, voire minimale. Seule la Jordanie émerge du lot avec un niveau de 63/100 et de ce fait peut être considérée comme un pays ayant une transparence budgétaire significative, juste en dessous de la catégorie la plus élevée.
- Quelles sont les principales anomalies dans la gestion du budget '
Le score 3% de l'indice sur le budget ouvert obtenu par l'Algérie en 2017 est bien inférieur au score enregistré en 2015. Il y a plusieurs raisons à cette baisse très significative : le projet de budget de l'Exécutif est bien élaboré mais n'est pas porté à la connaissance du public au moment de son examen par le Parlement. Il y a aussi une omission dans la publication des Rapports d'exécution du budget en cours d'année, au milieu d'année et en fin d'année. Finalement, il y a une absence totale du Rapport d'audit de la Cour des comptes.
Et on ne trouve pas dans les documents budgétaires un Budget des citoyens, qui est considéré comme une version simple et moins technique du Projet de budget de l'Exécutif ou du Budget approuvé, spécifiquement conçu pour diffuser des informations essentielles auprès du public.
Ce sont tous ces documents, au nombre de 8, que les bonnes pratiques internationales de la transparence budgétaire recommandent de publier à des intervalles réguliers afin de permettre un suivi de l'activité financière de l'Etat à travers l'utilisation des ressources publiques. Soulignons qu'afin qu'ils soient considérés comme «mis à la disposition du public», les documents doivent être disponibles en ligne conformément à un calendrier précis, mis en place par l'étude des bonnes pratiques.
En outre, l'enquête évalue l'exhaustivité et l'utilité des informations fournies dans les documents. Pour terminer, je dirais que toutes ces anomalies qui impactent négativement le classement de l'Algérie dans la transparence budgétaire peuvent être corrigées par la mise en ?uvre de la modernisation du système budgétaire annoncée depuis des années et qui tarde à se concrétiser.
- Au niveau local, on parle de la nécessité d'aller vers la gestion participative mais les citoyens n'ont pas accès aux données concernant le budget...
La gestion participative est une notion nouvelle qui nous vient de l'entreprise, plus particulièrement du monde de l'Entreprise sociale et solidaire (ESS). Elle se fonde sur l'association des différents partenaires au processus de gestion en vue d'aider, voire de participer à la prise de décision, au contrôle et à l'évaluation. Ce concept encourage le personnel à améliorer la performance économique et sociale de l'entreprise en permettant l'introduction de l'innovation.
Cette culture vise à encourager le dialogue, la communication, le respect de la différence, la délégation de pouvoir et surtout l'égalité des chances. En somme, permettre à tous les protagonistes de participer à la gestion d'un projet initié par l'entreprise en écoutant les avis de toutes les parties prenantes.
Si on applique ce concept au niveau de la gestion publique locale, cela implique bien entendu des changements importants dans la manière de gérer. En effet, la vie locale ne peut être régulée par un centre de décision éloigné des citoyens. Même quand les assemblées locales sont élues librement, la question de la disponibilité d'un certain nombre de données de bases aux citoyens demeure.
Or, la réalité nous le montre, et une brève navigation dans les pages Web des collectivités locales ou de la tutelle nous le confirme : il y a une frappante indigence des données et rapports sur l'activité financière de ces entités. Point de budget local, pas de données sur le niveau de la fiscalité locale, ou de la dépense locale et cela malgré l'armée de fonctionnaires qu'abritent ces institutions publiques.
En outre, même quand les chercheurs sont tentés de procéder à des analyses des finances de l'Etat central ou des collectivités locales, ils sont confrontés à la classique et redondante réponse de la structure : «chiffres confidentiels» ?Tant de fois nos étudiants ont reçu cette réponse glaciale et combien décourageante pour un jeune chercheur voulant en savoir plus sur le fonctionnement de ces institutions.
- Comment faire pour améliorer la gestion du budget, notamment en cette période de crise '
La question n'est pas simple et peut être appréhendée de deux manières. Si on veut améliorer la transparence budgétaire, l'Algérie doit simplement accorder la priorité à la publication en ligne de trois rapports principaux : le Projet de budget de l'Exécutif, une revue de milieu d'année, un rapport de fin d'année, d'un rapport d'audit et enfin d'un budget des citoyens.
Quant à l'autre voie d'amélioration de la gestion du budget particulièrement en période de crise financière, je dirais que l'expérience a bien montré que la gestion des ressources en période de crise ou pendant la période d'abondance financière que l'Algérie a connue pendant plus de 10 ans a fourni des résultats sous-optimaux. Les rentrées faramineuses du Trésor ont certes permis la réalisation d'un nombre considérable de projets sociaux et d'infrastructures, mais on se doit de poser des questions et faire quelques observations.
D'abord, à quel prix ' Ensuite, il y a des manques à gagner énormes pour le Trésor public induites par les surfacturations que l'on admet maintenant. Enfin, les prises de décisions peu rationnelles en matière de politiques publiques. C'est le fait d'avoir laissé échapper une opportunité pour ne pas asseoir une économie équilibrée et basée sur la création de la richesse diversifiée. En outre, durant ces années fastes, on a vu l'émergence et la prolifération d'une classe de pseudo-entrepreneurs parasites qui ont presque vidé les caisses de l'Etat.
Et voilà maintenant qu'en période de rétrécissement des revenus pétroliers dont l'Algérie est riche, un mouvement de panique s'installe pour essayer de trouver des ressources longtemps délaissées. Il est demandé à la population de supporter les errements de la gestion publique durant les années fastes.
Cela semble grotesque ! Certes, des voix s'élèvent ici et là pour l'introduction de plus de rationalité dans la gestion du budget ? notamment sur la question des subventions ? mais d'un autre côté il y a des réformes structurelles que l'on hésite très fortement à aborder, car elles comportent des risques sociaux et peuvent compromettre des positions acquises qu'il n'est pas question de remettre en cause.
En résumé, l'amélioration de la gestion du budget en temps de crise et même en temps normal passe par d'abord par une excellente formation de la ressource humaine en charge de la préparation, du suivi, de l'exécution et du contrôle du budget. Ensuite, il me semble fondamental de remettre à l'ordre du jour l'ancien projet de la modernisation du système budgétaire initiée il y a quelques années et dont la mise en ?uvre semble retardée ou très ralentie.
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Posté Le : 05/02/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Samira Imadalou
Source : www.elwatan.com