Algérie

"Il est attendu de l'Etat une intervention forte"


Liberté : Le Premier ministre, ministre des Finances, Aïmene Benabderrahmane, a insisté, lors d'une récente réunion du gouvernement sur "la nécessité de parvenir au rétablissement des équilibres financiers interne et externe de l'Etat". La maîtrise du déficit budgétaire ainsi que celui du compte extérieur courant est-elle possible dans la situation actuelle 'Zine Barka : En effet, la question mérite d'être posée en ces circonstances que le pays connaît. La pandémie est toujours là avec ses conséquences sur le monde du travail, beaucoup d'entreprises et de commerces tournent au ralenti, ce qui induit une faible fiscalité sur ces activités.
En outre, il a fallu acquérir des doses de vaccin pour immuniser la plus grande partie de la population ce qui représente un coût important. La fermeture des frontières également gêne drastiquement l'importation des matières premières notamment nécessaires aux entreprises.
En bref, le monde des affaires est pénalisé du fait de la Covid-19. Et on ne sait toujours pas quand prendra fin ce cauchemar. Comment dans ces conditions parler de maîtrise des déficits budgétaires ' À la limite, le compte extérieur peut être maîtrisable car l'Algérie a mis un frein à l'inflation de l'importation en privilégiant les importations des produits de première nécessité essentiellement à destination des ménages. Cette politique commerciale restrictive a eu des effets positifs sur la balance commerciale et, par ricochet, sur la balance des paiements qui a dégagé un surplus.
En cette période de crise multiforme, il est attendu de l'Etat une intervention forte et soutenue, afin de permettre l'émergence d'une croissance solide. Cela peut conduire à une détérioration momentanée des déficits, mais c'est pour la bonne cause en espérant renouer avec la croissance. La dette publique devrait être contrebalancée par de futures rentrées fiscales.
Le Premier ministre a rappelé également la nécessité d'atteindre l'objectif de couverture des dépenses de fonctionnement par la fiscalité ordinaire. Quelle est la marge de man?uvre du gouvernement '
Pari difficile à tenir dans les circonstances actuelles dues à l'impact de la Covid-19. Regardons les dépenses publiques de fonctionnement et la fiscalité ordinaire publiées par l'ONS. La fiscalité ordinaire ne couvre que 52,29% des dépenses de fonctionnement de l'Etat en 2014 (en chiffres réalisés la Cour des comptes donne 52,96%). Quelques années plus tard, cette couverture passe à 83,83% en 2017, ce qui représente une bonne amélioration de la situation budgétaire. Selon les prévisions du ministère des Finances pour 2021, cette couverture se situerait à 64,14%, ce qui représente un recul net par rapport à 2017.
Cela prouve que les dépenses de fonctionnement, c'est-à-dire le coût de fonctionnement de l'administration publique dérive et ne semble pas être contenu, malgré la qualité dégradée des services avec une administration pléthorique et souvent stérile. On peut également invoquer la faiblesse du recouvrement fiscal induit en grande partie par les conséquences de la Covid-19 et de ses effets dévastateurs sur le tissu économique. Mais le défi reste à relever et cela nécessite l'adoption d'une politique budgétaire osée via la modernisation de l'administration.
Il est inquiétant de voir cette dérive se poursuivre depuis des années et de consacrer ainsi une bonne partie de la fiscalité pétrolière à des dépenses non rationnelles et injustifiées. La fiscalité pétrolière doit servir à la construction d'une base économique saine, diversifiée, afin d'assurer un développement économique et social équilibré, et en rapport avec les capacités financières du pays. Sinon, les autorités sont en train de sacrifier l'avenir des générations montantes en puisant dans des ressources fossiles qui sont en train de s'épuiser.
L'économie algérienne a renoué avec la croissance au premier trimestre 2021 avec un bond du produit intérieur brut (PIB) de 2,3% sur un an selon l'ONS. Comment analysez-vous ces résultats '
Cette croissance a été générée par les composantes du PIB, à savoir le secteur des hydrocarbures qui a connu un rebond depuis le début de cette année après avoir été moribond au cours du premier trimestre 2020. Ce redressement trouve son origine dans la hausse des prix des hydrocarbures.
En effet, le prix du baril de pétrole connaît depuis le début de cette année une augmentation de 52,2 $ US à 61,7 $ US au premier trimestre 2021. Il y a aussi une légère augmentation de l'activité agricole, mais qui reste confrontée à des problèmes climatiques défavorables (faible pluviosité notamment).
L'industrie a également contribué positivement après avoir connu une baisse sur la même période en 2020. Ce sont les industries agroalimentaires, les industries sidérurgiques, métalliques, mécaniques et électriques, ainsi que les matériaux de construction qui ont été le moteur de cette croissance. Le secteur du bâtiment, travaux publics et hydraulique a connu une forte croissance après la dégringolade de 2020 qui a ralenti l'activité. Les services marchands ont repris mollement après avoir connu une régression en 2020. Mais ils restent encore confrontés aux restrictions prises par le gouvernement pour endiguer les effets de la Covid-19, notamment par l'imposition des couvre-feux, la fermeture des cafés et restaurants, ainsi que des hôtels, et les limitations des déplacements de la population entre wilayas.
Enfin, les services non marchands ont connu une progression tirée principalement par les services financiers et les affaires immobilières.
Ces chiffres peuvent paraître des indicateurs de bonne nouvelle sur l'amorce d'une reprise de l'activité économique en 2021, mais l'attention doit être attirée sur le fait que les services de l'ONS ne donnent pas les chiffres de l'emploi généré ou perdu au cours de cette période.
En juillet dernier, la Banque d'Algérie a mis en place un programme spécial de refinancement d'un montant de 2 100 milliards de dinars pour une durée d'une année. Qu'en pensez-vous '
Ce montant de 2 100 milliards de dinars que la Banque d'Algérie a ouvert correspond à un besoin financier complémentaire pour mener à bien le programme de relance de l'économie nationale à moyen terme 2020-2024.
C'est une liquidité supplémentaire, pour éviter le recours au financement extérieur tant décrié, qui est introduite dans le circuit financier, afin de faire face aux nombreux besoins de financement des activités économiques diverses qui visent à moderniser l'économie par un certain nombre d'actions. Il est également question de soutenir et de faciliter des investissements dans des secteurs créateurs de richesse et d'emploi. Le bilan de cette décision reste à faire en termes de création d'emploi et de modernisation du secteur économique et du secteur administratif. Car le moins qu'on puisse dire c'est que ce refinancement est peu transparent quant aux détails des allocations aux divers secteurs bénéficiaires, ainsi qu'une quantification des effets attendus.

Propos recueillis par : M. Rabhi
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