Livres
Les mouvements amazighs en Afrique du Nord. Elites, formes d'expression et défis. Sous la direction de Nacer Djabi. Ouvrage collectif. Chihab Editions, Alger 2019, 367 pages, 1. 500 dinars
Cinq pays ciblés par la recherche : Algérie, Maroc, Tunisie, Egypte et Libye et une douzaine d'universitaires chercheurs mobilisés. Une idée née en 2014... à Beyrouth à l'occasion d'une conférence. A la base, selon le coordinateur du projet, « la découverte (non surprenante) que les intellectuels du Moyen-Orient (présents ce jour-là) ne connaissaient presque rien sur la question ». A qui la faute ' Nous « qui n'avons rien écrit dessus ». Un reproche sévère, me semble-t-il... Peut-être fallait-il ajouter, « rien écrit en arabe ».
Trois rencontres en deux ans (temps imparti à l'étude), à Alger, Djerba et Ghardaïa. Des analyses d'échantillons recueillis dans neuf régions des cinq pays. Une première du genre dans toute l'histoire des études amazighes... avec les inévitables retards dus aux aléas nés des situations politiques et les difficultés habituelles rencontrées, chez nous, par la plupart des recherches sociologiques (comme l'absence de statistiques, à l'exception du cas marocain, prenant en considération les profils linguistiques des populations... ce qui donne une « bataille des chiffres »). Malgré tout, la rigueur académique et scientifique a prévalu.
Postulats de départ :
Ne pas partir d'une lecture ethnique ou raciale de la question amazighe et favoriser une approche socio-démographique, les sociétés étudiées ayant connu un brassage culturel et un métissage certain.
La revendication amazighe diffère d'un pays à un autre selon l'histoire nationale particulière de chaque pays, selon l'émergence (ou pas) d'une élite politique, selon la démographie, selon la répartition géographique (la réalité amazighe étant très diffuse concernant aussi bien des montagnards que des oasiens que des habitants du désert que des îliens... et, aujourd'hui, des citadins... dont des émigrés), selon le dynamisme de chaque communauté...:
Des confirmations : précocité de la revendication en Algérie (Kabylie) puis au Maroc, en comparaison du retard constaté dans les autres pays... dégâts de la folklorisation du fait amazigh, poussée par des finalités purement touristiques et mercantiles (cas de la Tunisie et de l'Egypte) ;
Une dimension (nouvelle) éludée (car nouvelle), celle de la graphie (tifinagh, arabe, latine) à choisir pour la transcription de tamazight ; faisant actuellement l'objet de débat (passionné, cela va de soi !)... Et attendant son dénouement, ce qui facilitera la diffusion de tamazight dans les médias et son incorporation au sein du système éducatif.
Quelques conclusions :
. Maroc : les transformations de la question amazighe ne sont pas à dissocier de la politique de cooptation institutionnelle et semi-institutionnelle pratiquées par l'Etat.
. Algérie : après des décennies de combat, ponctuées par des hauts et des bas, la revendication amazighe trouve de plus en plus d'écho positif à l'échelle nationale, aussi bien chez les élites que chez les couches populaires... mais, encore de nombreux obstacles.
. Tunisie : l'analyse des positions des acteurs, des parcours et des ressources du mouvement amazigh qui voit le jour au lendemain de la « révolution de la dignité » de 2011, tout en ayant des racines profondes dans le passé lointain et récent, aboutit à un bilan fort mitigé.
. Libye : la question amazighe en Libye est récente, ayant eu peu d'impulsion dans l'histoire moderne et contemporaine du pays, jusqu'à la révolution anti-Kadhafi.
. Egypte : on ne peut évoquer la question amazighe en Egypte de la même manière qu'au Maroc, en Tunisie et en Libye. Ceci est dû à un ensemble de facteurs dont le plus important est sans doute la minorité numérique des amazighophones égyptiens (espace restreint à l'oasis de Siwa, au c?ur du Sahara, bien loin des centres urbains... et assez exploitée touristiquement). A noter que le règne des Amazighs qui avait duré près de 200 ans (de 950 à 746 av. J.-C.) avec trois dynasties a ensuite périclité pendant quatre siècles environ.
Les Auteurs : Nacer Djabi (coordinateur), Noureddine Harami (décédé avant la publication de l'ouvrage), Khalid Mouna, Idris Ben El Arbi, Dida Badi, Nouh Abdallah, Samir Larabi, Mohamed Kerrou, Asma Nouira, Houaida Ben Khater, Bilal Abdallah, Hany El-Assar... et Sarah Haidar pour la traduction.
Une recherche effectuée grâce à une subvention du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), établi à Ottawa, au Canada, en collaboration avec le Centre de recherche d'économie appliquée du développement en Algérie (CREAD). Et, « les opinions exprimées ne représentent pas nécessairement celles du Crdi ni de son Conseil des gouverneurs ».
Avis : du sérieux, du lourd, de l'utile et du nécessaire (pour les étudiants et les chercheurs... et les journalistes intéressés par la question... ainsi que pour les « influenceurs » ; ce qui leur éviterait de raconter n'importe quoi sur la question)
Extraits : «Les années 1960 ont vu apparaître (au Maroc) le mot amazigh / homme libre, et le rejet du terme «berbère», perçu comme péjoratif. Cependant, toute critique du choix de l'arabisation faite par l'Etat était réprimée et considérée comme une atteinte à la cohésion de la nation, car synonyme de division coloniale entre Arabes et Berbères » (p 27). «L'élément «amazigh» est déclaré par la Constitution (marocaine) de 2011 «composante fondamentale» de la nation. Le berbère est déclaré langue officielle du pays » (p 35). «La Kabylie fut et reste le fer de lance de la revendication amazighe en tant que caractéristique politique propre grâce notamment à ses élites fortes et intégrées dans l'Etat national» (p 88). «Si la Kabylie était et est toujours à l'avant-garde du Mouvement Amazigh, comparée aux autres régions berbères en Algérie et au Maghreb, c'est dû principalement à son parcours socio-historique» (p 173). «La question amazighe émerge en Tunisie au lendemain de la «révolution de la dignité» qui entraîna, le 14 janvier 2011, la chute du régime autoritaire de Ben Ali» (p 187).
Citations : « Le Hirak a fondé une nouvelle culture politique, autonome mais surtout il abrite un véritable débat audacieux sur la question de la démocratie au Maroc » (Driss Benlarbi, Harrani Noureddine et Khalid Mouna / Université Moulay Ismail, p 61)., « Contrairement à ce que prétend le discours du courant autonomiste et indépendantiste, l'élite politique kabyle est l'une des plus intégrées au pouvoir depuis l'apparition du mouvement national, durant la révolution et après la naissance de l'Etat national » (Dida Badi, Nouh Abdallah, Samir Larabi, p 154). « L'amazighité est fondamentalement un fait d'histoire et de culture, plus qu'un fait ethnique et démographique » (Asma Nouira, Houaida Ben Khater, Mohamed Kerrou, p 194).
AU FIL DES JOURS:
ACTUALITES :
- Jeudi 8 août 2019 : L'acquittement prononcé au profit du jeune manifestant, Nadir Fetissi, par la juge du tribunal d'Annaba, est assurément une bonne nouvelle.
Une bonne nouvelle pour lui et sa famille à la veille de l'Aïd mais aussi pour le droit.
La juge Ghania Semah a fait preuve de courage et de professionnalisme en obéissant à l'esprit de la loi et à sa conscience.
Entre les dix ans de prison ferme assortis d'une amende de 200.000 dinars requis jeudi 1 août par Tarek Moualkia, le procureur de la République près la cour d'Annaba (un ancien « militant » du Hirak ') - qui a certainement simplement « lu » la loi - et l'acquittement prononcé par la juge, c'est le grand écart !
Ainsi, Mme la juge Ghania Semah a considéré que le port de l'emblème amazigh n'était pas un délit... d'autant que cela n'est pas prévu par le code pénal. Mieux encore, elle a ordonné la restitution « des objets saisis », c'est-à-dire des deux emblèmes amazighs que Nadir Fetissi brandissait quand il avait été arrêté il y a plus d'un mois.
Politiquement et juridiquement ce verdict a un sens : le port de l'emblème amazigh n'est pas attentatoire à l'unité nationale ni ne constitue un danger pour quoi que ce soit.
Un cas de jurisprudence qui devrait faire « tache d'huile » ' Il faut tout de même ne pas crier victoire avant la confirmation du verdict d'Annaba. Il faut aussi espérer ne pas voir lors des marches populaires des comportements provocateurs porteurs d'emblème amazigh... tout particulièrement lorsqu'il est mis « en concurrence » ou en « opposition » avec le drapeau national.
- Vendredi 9 août 2019 : « Faire caca un jour sur deux», voilà la solution préconisée vendredi 9 août par le président brésilien Jair Bolsonaro, le « capitaine tronçonneuse », climatosceptique notoire, pour préserver l'environnement. Le dirigeant d'extrême droite répondait à la question d'un journaliste lui demandant s'il était possible de concilier »croissance et préservation de l'environnement», tout en relevant le défi de nourrir une population mondiale toujours plus nombreuse.
«Il suffit de manger un peu moins. Vous me parlez de pollution environnementale. Il suffit de faire caca un jour sur deux, ce sera mieux pour tout le monde», a-t-il ironisé, à la sortie du palais présidentiel d'Alvorada.
Il est pour une politique de planning familial... tout en avouant qu'il a cinq enfants. On ne prête qu'aux riches. Dit-on !
CITATIONS :
- On ne dit pas d'un chrétien qu'il fait du christianisme lorsqu'il est vraiment croyant ' Parce que les chrétiens dans l'ensemble ne se prennent pas pour Jésus-Christ (Malek Haddad, « Je t'offrirai une gazelle », Roman © Media-Plus. Constantine 2008).
- Chacun se vit, s'exprime ou se comporte en victime. Tout est la faute de l'autre. Pour le prince, c'est le peuple qui est mauvais ou « médiocre » ou « se détestant lui-même », pour l'homme de la rue, c'est la gent publique prise en bloc qui est pourrie. Pour les uns, c'est le militaire qui est le mal absolu, dans d'autres consciences ce sont les hommes publics qui sont des incapables-nés dont on ne peut, au mieux, que dégager le « moins mauvais » d'entre eux. Chacun récrimine tous les autres (...). C'est l'alibi absolu des faibles qui ont choisi la résignation dans l'inaction, c'est l'argument suprême des puissants qui s'obstinent à perdurer dans l'impuissance (Sid Ahmed Ghozali, « Question d'Etat. Changer ou disparaître. Entretien avec Mohamed Chafik Mesbah ». Essai © Casbah Editions, Alger 2009).
- Parler ou écrire sur la corruption aujourd'hui en Algérie, en faisant mine d'être stupéfié par son ampleur, peut paraître ringard, tellement ce fléau fait désormais quasiment partie des m?urs nationales (Achour Bounoui. Essai - Témoignage (c) « Appelez-moi Colonel ! » Koukou Editions. Alger 2012).
- La « démocratie » du dernier despote, au lieu de permettre le déploiement du génie créateur en est devenue le tombeau et celui de tous les rêves (Ali El Hadj Tahar, « Encyclopédie de la poésie algérienne de langue française (1930 - 2008) » © Editions Dalimen, Tome 1 et Tome 2, Alger 2012).
- On s'engage au nom de ce qui va être différent sans qu'il s'agisse d'idéologie. Lutter, combattre même pour un changement que l'on estime nécessaire, n'implique pas que l'on y mette tous ses espoirs ou que l'on s'y perde ; il suffit d'espérer seulement qu'à l'issue du combat s'inscrive une différence (Chekri Alice, « Mémoire anachronique. Lettre à moi-même et à quelques autres ». Essai © Editions Barakh, Alger 2016).
ARCHIVES BRÛLANTES :
- 8 - 14 mai 2011 : interviewé par Jeune Afrique, l'ex-président Ahmed Ben Bella, 94 ans, s'en prend aux figures emblématiques de la lutte de libération nationale : Boudiaf, Aït Ahmed et Abane Ramdane en particulier.
Pour lui, «le 1er Novembre, c'est moi !»
Aït Ahmed, pour lui, «a été beaucoup plus Kabyle qu'Algérien».
Mohamed Boudiaf «n'était pas un véritable combattant. Zéro sur le plan militaire».
Messali Hadj «faisait trop de cinéma. Il jouait trop au personnage avec sa barbe et sa tenue vestimentaire».
De Gaulle est « au-dessus de tous les autres ».
Et, il rappelle, au passage, que « son père et sa mère sont tous deux Marocains ».
Par ailleurs, il regrette que Bouteflika ne se soit pas marié.
De Gaulle avait raison : la vieillesse (certainement des hommes politiques) est un naufrage.
- Dimanche 15 mai 2011 : le président A. Bouteflika désigne Mohamed Touati (son conseiller chargé des affaires de sécurité et général à la retraite, surnommé « El Mokh ») et Mohamed Ali Boughazi, un autre conseiller (ancien député MSP / Skikda) pour « assister » Abdelkader Bensalah pour ce qui concerne les consultations nationales sur les réformes politiques qui seront entamées le 21 mai.
- Lundi 16 mai 2011 : Mohamed Chafik Mesbah, politologue (et colonel à la retraite des services de renseignements de l'ANP) publie dans la presse une « analyse » axée surtout sur les rapports A. Bouteflika - DRS. Pour lui, « l'hypothèse d'une initiative de l'armée sous la forme imaginée par Me Ali Yahia Abdenour a peu de chances de se vérifier... En premier lieu, à l'exception notable du chef du DRS, les chefs militaires qui ont intronisé le président A. Bouteflika ne sont plus en activité. Ils ne peuvent plus agir sur la chaîne de commandement militaire. En deuxième lieu, les jeunes officiers qui, désormais, détiennent les leviers de commande ne sont plus dans une logique d'interférence dans la sphère politique... De surcroît, il n'existe pas, parmi eux, de figure charismatique capable d'audace et susceptible d'exercer un effet d'entraînement sur l'ensemble de la chaîne de commandement... Le seul cas de figure (...), c'est bien donc le scénario égyptien où l'armée, sans prendre elle-même l'initiative, viendrait appuyer un soulèvement populaire devenu non maîtrisable... »
- Mardi 17 mai 2011 : Seconde partie de l'analyse politique de Chafik Mesbah (Le Soir d'Algérie). Pour lui, « nous assistons, avec l'affaissement psychologique et physique du chef de l'Etat, à l'agonie du système.
Et, dans la démarche du président Bouteflika, « c'est l'aspect tactique qui prédomine, avec la ruse et le louvoiement, en aucune manière, la dimension stratégique reposant sur une volonté audacieuse de transformer radicalement le système de gouvernement n'est présente.
Par ailleurs, le président Bouteflika, selon lui, cherche à gagner du temps pour « arranger les conditions de sa succession sans âme. Avec l'ambition de laisser une empreinte sur l'histoire et le souci de disposer de garanties pour lui-même et pour ses proches ».
- Mercredi 7 août 2019 : dans un enregistrement d'une réunion interne du RND, «fuité» sur les réseaux sociaux, on entend l'ex-chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, faire le procès en bonne et due forme du régime dont il était une pièce maîtresse.
Tout au long d'une vingtaine de minutes, Ouyahia flingue le « système FLN » bâti sur le fric et le partage de la rente... Pour lui, les années Bouteflika - qu'il n'a pas critiqué personnellement par ailleurs - ressemblent à un désastre sur tous les plans.
« Eux ont pris la patrie, et nous ils nous ont laissé le patriotisme ! La patrie c'est tout ; ce sont les postes de responsabilité et autres privilèges. Ces gens-là ont pris la patrie pour se la partager... », tonne Ahmed Ouyahia dans une allusion au parti FLN.
Et de mettre les pieds dans le plat : «Cela fait trois mandats électoraux entre présidentielle, législatives et sénatoriales qu'ils ramènent l'argent du FLN, de Tliba et d‘autres», accuse-t-il.
L'ex-Premier ministre qui tenait ce langage cru à la veille de la présidentielle, et au lendemain de l'échec de son parti aux législatives, voulait sûrement se révolter contre la fraude au profit de l'ex-parti unique... Il a conclu : « Comment voulez-vous après cela convaincre le peuple de vous suivre et vous soutenir. Non ce système ne peut plus durer », conclut Ouyahia qui est remonté jusqu'au congrès de Tripoli pour retracer le faux départ de l'Algérie.
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Posté Le : 15/08/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Belkacem Ahcene Djaballah
Source : www.lequotidien-oran.com