Algérie

ICI MIEUX QUE LA-BAS Quel feu l'étincelle d'In Aménas allumera-t-elle '



Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Retour sur In Aménas ! Encore du mal à digérer ! Mais bon, passé le stade premier de la réaction émotionnelle, il faut se résoudre à considérer les choses avec recul.
D'abord, que n'aura-t-on entendu dans la docte bouche des experts et dans celle, finaude, de certains politiques de là-bas et même d'ici ! Vous l'aurez deviné, il s'agit moins oh, le paradoxe ! de l'attaque par un commando d'Aqmi du complexe gazier d'In Aménas, et de la trouble connexion avec l'intervention française au Mali et, plus perfidement, avec des visées impériales sur la région que de l'attaque de l'armée algérienne pour régler son compte à la bande interlope de Belmokhtar, le borgne, roi au pays des aveugles. On a vite oublié que l'attaque du commando salafiste est un acte plus que brutal, ces gens-là ne faisant pas dans la dentelle, pour ne se focaliser que sur la «brutalité» de la riposte. Renversement de la logique : le problème, en quelque sorte, c'est la solution ! Oh là, là, on en aura fait des gorges chaudes ! On aura à tire larigot fustigé «la brutalité de l'armée algérienne », sa répulsion à négocier, bref on en aurait presque déploré son manque... d'humanisme. Et, tant que nous y sommes, pourquoi ne pas aller carrément jusqu'à parler de barbarie héréditaire ' Ça aurait au moins l'avantage de donner une piste pour comprendre ce que signifie ce label usité à outrance : «Une solution à l'algérienne. » Toutes proportions gardées, ça me rappelle cette histoire que je tiens d'un ami qui en fut un témoin visuel. C'était dans les années 1993-94. Un terroriste, missionné pour abattre un journaliste à l'entrée de la Maison de la presse à Alger, eut la désagréable surprise de constater que son arme s' était enrayée. L'attentat échouant, les passants qui, paniqués, s'étaient égaillés dans un premier temps, revinrent en force après avoir constaté que l'assassin ne pouvait plus compter sur son arme. Alors toute la peur, naturelle, qui avait provoqué leur fuite se mua en une sorte d'énergie vouée à faire payer au tueur sa lâcheté. Dans un délire irrationnel, la foule lui tomba dessus à bras raccourcis. Il s'effondra. Puis, coup de gong : la surprise ! L'assassin se mit à supplier ses victimes de l'épargner au nom de la rahma. Il invoqua leur humanisme et le fait qu'ils étaient tous des musulmans, chose qui n'aurait évidemment eu aucun effet si son arme de poing avait fonctionné au moment où il visait le journaliste. Il en aurait presque appelé au respect des droits de l'Homme ! Il fut sauvé du lynchage par une foule déchaînée par des… policiers. Ce rappel n'est pas l'éloge de la Loi du Talion, ni la réhabilitation de la politique «éradicatrice», comme le craignent certaines âmes sensibles, mais un aperçu de la psychologie des djihadistes. La négociation avec eux consiste à abdiquer, rien de plus. Les Algériens les connaissent bien. Ce n'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace. Parce qu'il y avait parmi les malheureux otages des Japonais et des Britanniques, et parce que leurs gouvernements respectifs savent jouer du violon auprès de leurs concitoyens, il eut fallu que l'Algérie souveraine et ravagée par des décennies de terrorisme destructeur et meurtrier complaise à Londres et Tokyo en dorlotant les assassins d'Aqmi pour les amener par la négociation à relâcher leurs otages tout en faisant publiquement acte de pénitence. De quoi rire jaune, et avec flegme, bien sûr ! Car outre que l'on sache par expérience la vanité d'engager des pourparlers avec des desperados, on leur fournit les armes pour des coups renouvelés. On connaît leur méthode : tu tends le doigt, c'est le bras qui est pris. Si le soutien de François Hollande à l'attaque contre les terroristes d'Aqmi par l'armée algérienne a rétabli un certain équilibre en France, celui de Barack Obama a eu le mérite de calmer les envolées vengeresses de David Cameron et de quelques épigones disséminés a travers les azimuts de l'Empire. Au-delà des aspects techniques de l'intervention de l'armée algérienne sur les preneurs d'otages, le tombereau de fleurs jetées sur elle à partir des capitales qui conduisent l'OTAN serait presque inquiétant par les contradictions qu'il révèle. Comment, en effet, évaluer le fait que Washington et ses sous-traitants européens se fendent de satisfecit à l'adresse de l'Algérie pour avoir foudroyé un commando salafiste, alors même que ce groupe est le frère jumeau de ceux qu'ils soutiennent en Syrie et de ceux que jadis ils ont appuyés en Libye ' Plus extensivement, quel sens caché recèle l'intervention française dans le Nord-Mali' S'il s'agit uniquement de combattre Aqmi et les autres groupes djihadistes, que ne le fait-on pas aussi en Syrie où c'est tout le contraire qui se joue, et surtout sur le front diplomatique en isolant les pays qui financent ouvertement ces groupes, comme le Qatar. Quelle cohérence trouver entre l'envoi d'un corps expéditionnaire pour «détruire» les terroristes, bien accueilli, il est vrai, par la population et par le pouvoir malien issu d'un putsch, et les liens privilégiés que Paris entretient avec leur bailleur qatari ' Et si le terrorisme, le djihadisme n'avaient rien à voir dans cette histoire ' Et si Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche, avait raison en déclarant au quotidien Métro (23 janvier) que «nous sommes là-bas parce que nous ne pouvons pas permettre que les autres pays de cette région, et donc l'extraction de l'uranium dont dépendent les centrales françaises, soient mis en danger». Si c'est le cas, l'attaque d'In Aménas annonce un tournant dans l'équilibre géopolitique de la région. Ça ne sentirait pas forcément très bon pour l'Algérie.


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