Algérie

ICI MIEUX QUE LA-BAS Sacre de François Hollande, gauche introuvable



Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
La vie politique en France a été marquée ces six derniers mois par deux événements successifs et concomitants. En premier lieu, l'affaire DSK qui a tenu la France en haleine tout un été. En second lieu, la primaire socialiste à l'issue de laquelle François Hollande a été élu candidat du Parti socialiste. Les rapports entre ces deux actualités ' L'exhumation du parti socialiste arasé par le bulldozer sarkozyste. D'autre part, sans l'affaire DSK nul doute que le destin de Hollande aurait été autre.
Le fait est que, DSK out, la primaire menée à l'américaine a permis au PS de rendre publiques de riches potentialités de débats, d'occuper l'espace médiatique en quasi-exclusivité au point où le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) s'en est ému. Ces débats, sortis de l'ornière des réunions organiques du PS pour être portés devant un électorat blasé, ont certainement revivifié la vie démocratique en France. C'est en tout cas ce que montrent des études d'opinion. Accessoirement, le franc succès de la primaire socialiste a abouti à ce paradoxe : avec son leader incontesté en la personne de Nicolas Sarkozy qui ne supporte ni critique, ni divergence dans son camp, la droite passe pour un vieux parti totalitaire dont le leadership est assuré à coups de culte de personnalité. Autre paradoxe, un courant majoritaire de l'UMP reproche au PS d'organiser une compétition démocratique et transparente pour désigner son candidat. Ce fut l'occasion, lors de ces primaires, de découvrir la personnalité d'un apparatchik, François Hollande qui a su fertiliser une traversée du désert d'où il est sorti doublement lifté. Lifté physiquement sans doute conscient de l'impact de l'image médiatiquement formatée. Lifté politiquement puisque, transformant l'inconvénient de la condition d'apparatchik en avantage, il a su capitaliser la sympathie qu'il a suscitée dans le monde rural. D'une certaine manière, il a mis ses pas dans ceux du Jacques Chirac de 1995, et ce n'est pas un hasard si ce dernier a déclaré vouloir voter pour lui. Tout cela est déjà une victoire en soi puisque nous vivons une époque où tout ce qui porte l'odeur de la gauche est diabolisé. Depuis la chute du mur de Berlin, on observe l'hégémonie idéologique et politique de l'ultralibéralisme inauguré par Reagan, son Ecole de Chicago et Thatcher. Cet ultralibéralisme qui culmine dans le capitalisme financier générateur d'injustice et d'inégalités phénoménales a, en dépit des crises structurelles liées à ses excès, dévalué les idées de gauche à tel point que, dans un pays comme la France, berceau du service public, parler de la sauvegarde du service public de la poste équivaut à utiliser un gros mot. On est loin, très loin même, de la droite sociale du général de Gaulle attachée à une forme de justice sociale et à une indépendance nationale. C'est dans ce contexte où toute revendication sociale à la justice et à l'égalité des droits est considérée comme irréaliste, voire hérétique, que le Parti socialiste français qui n'est pas à proprement parler un parti bolchevique, est parvenu à glisser à la faveur de ses primaires un certain nombre de ces idées hérétiques dans un débat français carburant à la désespérance et à la démobilisation. Evidemment, François Hollande, sorti vainqueur des primaires, n'est pas Jean-Luc Mélenchon, un ancien socialiste qui s'est radicalisé à gauche au point de devenir le fondateur du Parti de gauche et de se faire élire candidat du Front de gauche pour la présidentielle de mai 2012. Ce n'est pas à proprement parler le modèle du révolutionnaire guidant le peuple à l'assaut des privilèges. François Hollande est tout juste un militant socialiste du centre gauche, voire social démocrate. Mais ses idées pourtant bien libérales suffisent à donner de lui, aux yeux de la droite ultrasarkozyste, l'image du Bolchevique un couteau entre les dents. La dévaluation des idées de justice sociale, d'égalité, de fraternité, de service public qui sont le fondement de la droite républicaine en France, est telle qu'on assiste à ce phénomène incroyable : François Hollande se fait traiter d'irréaliste subversif pour avoir proposé, non pas de nouveaux emplois dans l'éducation, mais la préservation de 60 000 parmi les centaines de milliers prévus pour être liquidés. Ainsi, cette dévalorisation des repères républicains a conduit le PS à proposer aux électeurs de sa primaire, élargie aux membres du corps électoral qui le souhaitent, d'adhérer aux dispositions d'une charte. Elle est censée consigner les valeurs de la gauche. Quelles sont-elles ' Liberté, égalité, fraternité, laïcité, justice et progrès solidaire. Voilà de quoi ratisser large et réduire à peu de frais les clivages entre la droite et la gauche. Les limites de la gauche ne proviennent pas uniquement de contradictions intrinsèques. Elles découlent de la lente érosion des valeurs d'humanisme et d'égalité conséquente à la chute du monde socialiste. Les travers de ce dernier sont à ce point prégnants que quiconque proclame son attachement à la justice sociale se voit opposer par les tenants du capitalisme mondialisé et triomphant rien moins que le Goulag. C'est donc dans un mouchoir de poche que joue le candidat du Parti socialiste. Sa marge de manœuvre paraît si étroite qu'il a préféré, lors des différents débats de la primaire, éviter soigneusement les thèmes susceptibles d'éloigner les électeurs potentiels du centre gauche et même du centre droit. Il n'a pas évoqué une seule fois l'immigration et la nécessité de la protéger autant en raison des traditions d'asile que pour les intérêts économiques bien compris de la France. Il n'a pas non plus dit un mot sur la politique internationale, et notamment sur le conflit israélo-palestinien, nœud gordien du monde actuel. Bref, François Hollande a éludé tous les thèmes piégés susceptibles de fissurer ses gisements électoraux. Ce choc entre l'intention et la réalité est condensé dans toute sa contradiction dans le premier acte politique de François Hollande, élu la veille candidat du PS. Le 17 octobre, il a rendu hommage aux Algériens victimes de la répression policière en octobre 1961 à Paris. Mais la scène avait quelque chose du cinéma muet puisqu'aucun sous-titrage n'est venu préciser son geste. A aucun moment, il n'a exprimé verbalement l'hommage dû à des hommes et des femmes jetés dans la Seine par les représentants de l'Etat français, dans la capitale de la France, pour la seule raison qu'ils s'opposaient à un couvre-feu raciste qui leur était imposé pour oser réclamer leur indépendance. S'il avait prononcé ces mots, nul doute qu'ils auraient densifié le «réenchantement du rêve français». Seulement, voilà...


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)