Algérie

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Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Nous sommes encore dans cette patinoire qui a pour nom l'après-législatives. Ça zigzague brut. Ça chavire surplace. Le commentaire pousse avec des superlatifs en guise d'aile. Nous assistons, en victimes de la prestidigitation, à un nouvel envol : celui de Bouteflika.
Eh oui, on en est à voir des lanternes là où il n'y a que des vessies ! Nul doute que, peut-être, à son corps défendant, le président a été le principal protagoniste des législatives du 10 mai, à défaut d'en avoir été le héros. Il faut bien dire qu'il n'avait pas grand-chose à y perdre, mais plutôt tout à gagner ! Son engagement plein et entier en tant que président du FLN « Vous savez de quel bord je suis» : discours de Sétif était à double tranchant. La réussite des législatives aurait, pour lui, constitué un plébiscite. Leur échec, un référendum contre sa personne. Alors, après coup, est-il plébiscité ou pas ' C'est l'histoire du verre à moitié... Il est plutôt plein, lit-on çà et là ! Il déborde même. De véritables panégyriques de Bouteflika en relation avec le prétendu succès de ces législatives fleurissent dans la satrapie. Un commentateur à la plume dopée à l'exaltation révérencielle de l'autorité nous explique, en substance, que la réussite du scrutin est une confirmation de la popularité adhésive de l'opinion algérienne au président. On n'est pas loin de subodorer qu'il ne s'agissait pas d'envoyer des députés au Parlement mais de vérifier que le score obtenu par Bouteflika à la dernière élection présidentielle est bien le bon. Mais les chiffres ayant, eux aussi, leur envers, on peut et doit en déduire l'exact contraire. Responsable du verre, on l'est qu'il soit plein ou vide. Le taux d'abstention serait, de ce même point de vue, le fait de l'engagement présidentiel et donc de la responsabilité du président, étant entendu, par ailleurs, que l'abstentionnisme a des ressorts divers et complexes. Or même après leur sortie de l'atelier de bricolage, les résultats de la participation restent béants. Comme de coutume depuis l'indépendance, les lendemains de scrutin donnent lieu à un concert lyrique de commentaires sur les vertus de l'homme providentiel que la félicité nous garde. Avec Abdelaziz Bouteflika, ça dure depuis treize ans. Un discours franchement et ouvertement électoraliste, qui semble avoir porté ses fruits puisque le FLN a gagné, donne l'occasion aux chanteurs lyriques qui prolongent les échos de la parole présidentielle de nous dire que tout va changer dans la fidélité aux principes et à la mémoire de nos martyrs, etc., etc. Nous savons tous qu'il n'en sera rien. Nous savons tous que les législatives se sont tenues conformément à un calendrier qu'il est difficile de bouleverser, surtout en ces temps où les vieilles lunes s'éteignent de gré ou de force les unes après les autres. Nous savons aussi que, survenues après le «printemps arabe» qui a miraculeusement — ou curieusement — épargné le régime algérien, les législatives devaient se tenir dans l'offre d'une certaine transparence, du moins aux yeux des observateurs étrangers. Nous savons tous qu'en dépit de toutes les coercitions internationales, le régime a donné le SMIG en matière de régularité. Nous savons enfin que pour que les choses changent dans le sens de la construction d'un Etat de droit, il faudrait raser les citadelles de pouvoir et de privilèges à partir desquelles nous proviennent, comme une révélation, les décrets d'une gouvernance qui met le peuple à genoux. Il est donc recommandé que l'on cesse de se raconter n'importe quoi. La réalité politique que l'on est censé commenter, les Algériens eux la vivent, et il ne sert à rien de la travestir si ouvertement. La réalité est que, manu militari, on prend les mêmes et on recommence. Après le discours de Sétif où Bouteflika ambitionnait de rajeunir le personnel politique, c'est un vieux cheval de retour, au cuir endurci, qui est nommé à la tête de l'Assemblée nationale. Etant entendu, que seul le symbole est ici visé et non la personne de Mohamed-Larbi Ould Khelifa. En matière de rajeunissement, on peut mieux faire ! Et maintenant, on attend fébrilement, anxieusement, comme si le «changement» était en suspens, de savoir si oui ou non il y aura un nouveau gouvernement, avec qui, etc. Là encore, nous savons que si changement il y a, il ne sera que de façade. Au mieux, il sera le contraire de ce que les jeunes, majoritaires dans ce pays, attendent. La percée du FLN, vainqueur du scrutin en dépit du marasme, pour ne pas dire de la décomposition qui le mine, est le signe antinomique des attentes. Les Algériens post-indépendance ont un vieux contentieux avec le FLN qui, à tort ou à raison, continue d'être perçu non seulement comme une survivance du passé, mais aussi comme l'incarnation d'une sorte de Big Brother autoritaire, pour ne pas dire totalitaire, une institution éloignée du peuple dont elle flatte la sensibilité patriotique anticoloniale chaque fois que de besoin. Tous les responsables du FLN ne répondent pas, bien entendu, au portrait-robot du despote. Mais force est de constater que le FLN n'a pas réussi les différentes épreuves de son aggiornamento depuis 1989 et la fin du parti unique. Et voilà qu'en 2012, avec un personnel politique vieilli sous le harnais, sous la conduite d'un président à bout de souffle, on nous dit : en avant pour un nouveau départ ! Nouveau départ, peut-être, mais pour la même course. Il faut juste se souvenir, en prenant un exemple au hasard, depuis combien de temps un Benbouzid est au gouvernement... Les exemples semblables sont foison. Le seul talent de ce régime est de savoir gagner du temps. Il l'a encore montré s'agissant de ces législatives. On peut aussi le créditer d'avoir dégrisé les islamistes institutionnels qui s'y voyaient déjà. Mais tout ça, ça ne fait pas une espérance. Il ne faut pas rendre à César plus que ce qui est à César.


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