Algérie

Ici c'est mieux



Chaque soir, le vieux fossoyeur, après sa macabre besogne, aimait se rendre au café en face du cimetière après avoir enterré un plus vieux.
En le voyant entrer le cafetier le taquinait en lançant à toute la salle de sa voix rocailleuse : « vous savez messieurs, quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, ceux d'ici sont mieux que ceux d'en face », en lorgnant à travers une grande baie vitrée, au dessus du mur du cimetière, les tombes alignées.
Djelloul, le vieux fossoyeur s'asseyait à une table, la même depuis longtemps. Le cafetier lui apportait son café press et lui lançait à brûle pourpoint : « combien as-tu enterré de macchabées aujourd'hui, Djelloul '».
Le vieux Djelloul gardait toujours le silence et de ses doigts lui montrait le nombre de morts qu'il a enterrés aujourd'hui. Ce qui était bizarre, chez le vieux fossoyeur, c'est qu'on ne connaissait pas le timbre de sa voix, il ne parlait pratiquement jamais à croire qu'il était muet. Pour Djelloul, le vieux fossoyeur, les jours se ressemblaient, le même train-train, entre le cimetière, le café et sa masure où il vivait tout seul. Sa femme étant morte depuis des années, ses enfants sont partis pour un autre meilleur ailleurs. Un jour, il entendit le crieur de la ville qu'il connaissait bien, annoncer entre ses mains-porte-voix, que l'on enterrait aujourd'hui, après salat Dohr, si Flen. Une larme descendit du coin de son 'il, il s'agissait du propriétaire du café, en face du cimetière. Le lendemain, il se rendit comme à son habitude dans le café mais quelque chose avait changé, le cafetier n'était plus là pour le taquiner. Djelloul rejoignit la table de toujours prit son café press, un nouveau cafetier était là pour le servir et pour la première fois Djelloul lança à toute la salle des mots empreints d'une grande philosophie : « quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse messieurs ceux qui sont ici iront bien un jour en face », ces paroles, d'une vérité toute crue, se répercutaient sur le mur en écho et sur ces entrefaites, il avala la dernière gorgée de son café press.


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