Nous commençonsnotre sujet par cette épigraphe dédiée par Tchékhov à l'adresse de MouloudFeraoun pour «Le fils du pauvre». «Nous travaillons pour les autres jusqu'ànotre vieillesse, et quand notre heure viendra, nous mourrons sans murmure etnous dirons dans l'autre monde que nous avons souffert, que nous avons pleuré,que nous avons vécu de longues années d'amertume, et Dieu aura pitié denous...» Tout le secret qui entoure cet écrit, c'est la peur de la mort, lalutte contre l'oubli et le temps. C'est par pur hasard, en zappant d'une chaîneà une autre, quête nocturne sans doute, que je tombe sur une émission intitulée«La vie d'un artiste» et que je suppose être une critique intelligente sur lemonde de l'art et de la culture et dans laquelle le réalisateur (le personnage)souligne majestueusement ses préoccupations présentes et futures quant auxproblèmes liés à la production et à la créativité et annonce, du coup, sonprochain projet cinématographique consacré à la vie du grand érudit etsociologue Ibn Khaldoun, avec pour cadre la ville de Frenda. C'est de la pure fiction. Taoughazout, unepetite bourgade située à 7 km au nord/est de Frenda. Très connue par leshistoriens pour ses vestiges romains ainsi que les célèbres grottes qui ontabrité Ibn Khaldoun durant sa longue errance. La tribu des Béni-Salama en fitune citadelle. Et c'est en 1376, fuyant les conflits politiques et privilégiantla vie à la réflexion féconde, aux études et à l'écriture, qu'il se réfugiadans cette région des Béni-Salama et rédigea les fameux prolégomènes(El-Mukadima), qui traitèrent des aspects importants de la sociologie àl'économie politique et à la philosophie de l'histoire. Son séjour dura quatreannées. Ibn Khaldoun est connu pour être un penseur des plus brillants, sedistinguant par le sens de la précision et de l'observation. La citadelle desBéni-Salama, et à leur tête l'émir Abou Babkine Arif Béni Salama, lui a offertl'inspiration et la paix intérieure, facteurs de la créativité. Loin desconflits et complots des autres régions visitées. Sachant qu'Ibn Khaldoun avaitchoisi cette région sur d'autres sollicitations émanant d'émirs réputés etinfluents, et qu'une entreprise serait menée pour le transfert de toutes lesactivités relatives à cet illuminé, ainsi que le projet de fonder uneinfrastructure portant son nom au niveau de Tiaret-ville serait, encore unefois, une atteinte au patrimoine local ainsi qu'à sa population. Car, il estaberrant de confisquer à la ville de Frenda, à la population de Taoughazout cedroit d'accueillir à titre posthume une deuxième fois son hôte. Car, quellesque soient les raisons invoquées, nous estimons que pour promouvoir lapolitique présidentielle qui s'inscrit dans la continuité du programme dudéveloppement local, il est nécessaire, voire impératif que chaque région seconsacre à sortir de son isolement et à valoriser ses propres ressources. Notredémarche s'inscrit dans la lutte contre l'oubli et le temps. Et nous ne voulonsplus ressusciter nos morts dans l'évocation du seul souvenir, mais dansl'implication des ressources humaines locales, et elles existent. Bannir àjamais la décision unilatérale sans consultation de la société civile et laredynamisation des structures intellectuelles confinées dans une léthargiepesante et grave. Condition inéluctable pour sortir du monopole et du silenceimposés. Nous sommes conscients qu'une telle démarcheest un affront à l'histoire locale. Nous ne voulons plus mourir comme nos aînésauxquels on consacre à la hâte une épitaphe, bien des fois mal comprise etdémesurée. Qu'Ibn Khaldoun, Jacques Berque retournentdans leurs village et que leurs enfants puissent prospérer dans l'apprentissagedes itinéraires parcourus. Un tel projet, et nous le savons, c'est uneinfrastructure qui va naître, des routes, du tourisme, des étudiants, des intellectuels,la création de toute une dynamique sociale et culturelle. Nos enfants n'enseront que plus fiers, parce que plus éveillés, plus avertis, et peut-êtreéchapperont-ils à la monotonie qui a envahi et leurs coeurs et leurs âmes dansune ville transformée en dortoir. Nous voulons ce savoir. Seul salut pour créerla richesse et la prospérité, pour peu que les autorités concernées y mettentde leur volonté. Nous voulons travailler pour les autres jusqu'à notrevieillesse; et quand notre heure viendra, nous mourrons dans la dignité, fiers,et nous dirons dans l'autre monde que nous avons été heureux, que nous avonsvécu de longues années de bonheur. Et Dieu saura reconnaître les siens...Désormais, la population ne peut être exclue des évènements qui devraient laconcerner et une communication largement diffusée aiderait le citoyen le pluséloigné, le plus profane à mieux saisir la dimension culturelle véhiculée parde telles légendes. Des associations peuvent naître, des élans de générositécapables de prendre le relais se dévoileraient et une réconciliation avec sapropre histoire rendrait possible la réinsertion des jeunes dans leur sociétéavec des espoirs nouveaux où le rêve serait permis et où l'on verrait unemutation sociale à même de transformer un cabaret en théâtre, un drogué en unlecteur assidu de la bibliothèque locale et un dortoir en une ville réelle oùses habitants s'échangeraient des politesses le matin, et le soir seréuniraient au boulodrome pour une partie de pétanque, pour les plus vieux. Etpour les plus jeunes, le cinéma El-Emir offrirait une pièce de théâtre deAbdelkader Alloula où l'antithéâtre serait de mise. Comme dans le temps. Unrêve où serait exclue toute nostalgie et où les regards seraient futurs.
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Posté Le : 15/03/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Benali Mohamed
Source : www.lequotidien-oran.com