Algérie

Humour d?Algérie



Sans qu?on le sache vraiment, il y a comme une grosse farce qui se profile sur le dos de l?Algérie : notre pays qui a résisté à l?une des pires barbaries des temps modernes est sommé d?arrêter de produire une hormone vitale de cette résistance : l?humour. Au final dans la guerre livrée contre le rigorisme rétrograde on aura tout perdu. Et surtout l?âme du pays. Pourtant la veine est loin d?être tarie. Entre autres, un mot d?humour circule ces temps-ci en Algérie : à la question rituelle « Comment ça va ? », on vous répond : « ça va local ». D?un seul coup sont balayées deux idéologies étouffantes qui ont gangrené le pays. Et ainsi sont remisés au placard autant le « socialisme spécifique » du parti unique FLN, que sa succédanée greffe de l?islamisme politique. Par « local » entendons la nokta ? comme disent les Egyptiens ? de devoir résister aux appétits des multinationales fourguant leurs produits. Un pays désarmé par absence d?un Etat émanation et défenseur de la société ; mais redoublant de féroce résistance des ancêtres, dirait Kateb Yacine. De par le monde les deux mamelles qui ont développé le journalisme sont d?un côté les papiers d?investigation et d?information, et de l?autre les papiers d?humeur (commentaires, éditos, chroniques, caricatures, etc.). Des saillies qui pointent autrement des sensibilités d?auteurs écorchés de vivre leur société. Les mafias algériennes, acoquinées aux ramifications de la bureaucratie d?Etat, ont réussi à réduire à peau de chagrin le journalisme d?investigation. La nouvelle étape voudrait enlever les restes de raison d?être de la presse de droit privé. Un récent procès de justice pratiqué à Jijel - qui couve des émirs de guerre «  repentis » contre leur pays, par la magie d?une grâce présidentielle et réhabilités en super citoyens ? a condamné à deux mois de prison ferme deux journalistes d?El Watan, Omar Belhouchet et le chroniqueur Chawki Amari. Pour une simple chronique, un papier d?humeur. A la récente inauguration de la station de dessalement d?eau de mer du Hama/Alger, on a vu à la « Une » de nombre de nos quotidiens la photo de M. Bouteflika un verre de cette eau dessalée à la main. Personne ne peut rapporter s?il la bue ou non. Moins d?autres personnes pourrai(en) t encore rapporter qu?elle lui a fait du bien, s?il l?a bue. Si l?auteur professionnel d?un papier d?info, indispensable, aura souci de récolter et livrer les données brutes sur la soif d?eau de la capitale, et du pays, un caricaturiste pourrait incruster en bulle de son dessin, accompagnant la photo : « Je bois de plus savoureuses choses que ça. ».


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