Les experts plaident pour le gel des privatisations
D’aucuns sont d’accord pour dire que «le processus de privatisation se fait dans l’opacité...»
Regroupés hier autour d’une table au forum d’El Moudjahid, les experts soutiennent que le processus de privatisation a besoin de marquer une pause. Le premier à défendre cette idée est le consultant Malek Serrai qui estime qu’il est nécessaire aujourd’hui d’observer une trêve de réflexion supplémentaire à même de permettre de niveler tous les problèmes liés aux textes, aux fonciers industriels, aux dettes cumulées par les entreprises déficitaires ainsi que la situation des milliers de travailleurs en suspens, menacés par les compressions, donc le chômage. Pour Malek Serrai, il s’agit tout d’abord d’apporter des clarifications sur les privatisations, élément structurant de la future stratégie industrielle.
Sur ce point, Serrai demande une nouvelle nomenclature de la nouvelle industrie algérienne, en proposant notamment un nouveau listing des secteurs à développer destiné en particulier, selon lui, aux opérateurs économiques à l’affût de la moindre information concernant la politique de réindustrialisation. Sauf que, relève le consultant, «la bureaucratie des SGP demeure un mal terrible qui pénalise plus qu’il ne résout les contraintes liées à la privatisation». S’y ajoutent, d’après lui, les pressions de corruption minant ce processus.
Le rôle de l’IGF dans ce cas, explique t-il, n’apporte qu’un plus moral et cela ne suffit pas puisqu’il est question, selon lui, d’un travail pédagogique d’ordre économique et financier.
Pour sa part, Réda Amrani, consultant et gérant d’une entreprise industrielle, estime que les privatisations tant annoncées sont caractérisées par une mauvaise gouvernance. «Ce n’est pas au fonctionnaire qu’on doit assujettir le droit de vendre une entreprise à l’insu des travailleurs», lâche-t-il indigné. Le consultant qualifie d’absurdes les opérations de vente des cimenteries et des câbleries, et de la marine marchande, patrimoine national par excellence. Il trouve que les privatisations telles qu’entamées, avec des excès de dogme, «serviraient en fait à nous dépouiller d’un capital expertise indéniable que nous avons acquis par le passé», de plus, en criant haro sur les techniciens et les gestionnaires algériens. Alors que le plus important à ses yeux est plutôt d’essayer d’intégrer les 250.000 diplômés algériens et 350.000 autres ayant un bac plus un. En tous les cas, l’entrepreneur trouve qu’on ne peut pas parler aujourd’hui de privatisation sans une démarche de concertation à large échelle avec les opérateurs économiques, les universités et sans une réelle déconcentration des pouvoirs centraux au profit des intermédiaires locaux. «L’Etat est, selon lui, responsable plus que jamais de l’émergence d’un marché des managers à l’instar de la démarche de l’ancien Chef de gouvernement, Mokdad Sifi, qui a eu, soutient-il, à innover dans ce sens en lançant notamment un appel public de recrutement des cadres.» En sus, Réda Amrani, ressassant le patriotisme économique, se résout à dire que l’investissement doit être national et l’investissement international n’est que complémentaire. De son côté, Zaïm Bensaci, président du Conseil consultatif national pour le développement des PME, en défendant comme ces prédécesseurs la nécessité d’un large débat entre les pouvoirs publics et les opérateurs, souhaite que des champions nationaux reprennent les entreprises privatisables. Quant aux entreprises stratégiques, Bensaci plaide pour que l’Etat conserve sa mainmise, en jouant son rôle régulateur, tout en permettant des ouvertures de capital à la fin d’acquérir de la technologie et du management. Revenant sur les missions des SGP, il dira qu’elles sont à 80% terminées. L’expert financier Gharnaout, défenseur acharné des privatisations, dresse, quant à lui, un constat alarmant de la situation du secteur public qui tourne, selon lui, à un peu plus de 50% en 2006, en ayant englouti depuis 1989 -de par les opérations d’assainissements- pas moins de 60 milliards de dollars, soit 5 milliards de dollars par an. L’équivalent estime-t-il, de 500.000 logements. Plus pragmatique, le commissaire aux comptes, Mohamed Gharnaout, souligne que même les entreprises stratégiques sont privatisables. Seulement, il estime que l’Etat doit s’engager dans des réformes structurelles et institutionnelles, y compris sur le plan politique pour accompagner ce processus qui n’a produit entre 2005 et 2007 qu’un maigre bilan de 412 entreprises privatisées dont 29 opérations de partenariat. En tout état de cause, il adhère à l’idée qu’il est venu le moment de faire une pause après «l’échec», selon lui, de privatisation du CPA et d’ouverture du capital d’Algérie Télécom. D’autant plus que la stratégie industrielle n’est venue, d’après lui, que pour noyer la privatisation dans la masse et l’écarter de nos yeux. Le privé, a-t-il tenu à souligner, est exclu, et se trouve malgré lui hors course de la stratégie industrielle menée tambour battant. D’un air de regret, il considère que cette manière de faire nous renvoie directement aux années 70, période au cours de laquelle l’Etat était le seul investisseur. Alors qu’aujourd’hui, met-il en garde, la situation sociale est en ébullition, avec un chômage très élevé. Et de conclure que l’implication de l’IGF dans le processus de privatisation n’a pas lieu d’être. «L’Inspection n’est pas qualifiée pour ces missions, selon M. Gharnaout, missions qui sont à la charge des commissaires aux comptes et d’autres organes de contrôle».
Abed Tilioua
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Posté Le : 10/03/2008
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com