Les Algériens pourront prochainement se faire soigner à domicile ! Si cette nouvelle rassure de nombreux malades, elle laisse perplexe les professionnels de la santé, notamment ceux du secteur privé.«Il y a quelques années, j'offrais mes services aux malades nécessitant des soins ou une hospitalisation à domicile. Mais j'ai été contraint d'arrêter mon activité, car j'ai subi de nombreuses pressions auxquelles je n'ai pas souhaité céder».Le Docteur Ahmed Menguelti, médecin généraliste, a du mal à cacher sa colère. «J'avais monté une équipe qualifiée composée de huit professionnels de la santé avec qui nous faisions un travail remarquable, mais la Direction de la santé publique (DSP) m'a obligé à les déclarer tous.Etant donné qu'en Algérie, le fonctionnaire n'a pas le droit à la double fonction, je ne pouvais donc pas déclarer tous mes employés, qui occupaient des postes ailleurs», explique-t-il. Déjà existante dans de nombreux pays, l'hospitalisation à domicile devrait peu à peu s'installer chez nous. Le discours du ministère de la Santé est encourageant même si pour l'instant, concrètement et logistiquement rien n'est mis en place pour faciliter la démarche.En effet, tout récemment, le ministre Abdelmalek Boudiaf, en déplacement à Oran, a fortement encouragé l'intensification de ce service. Qu'est-ce qu'une hospitalisation à domicile ' «C'est un système de soins hospitaliers délivrés par une équipe pluridisciplinaire, c'est-à-dire médecins, infirmiers, aide-soignants, puéricultrices, kinésithérapeutes, sages femmes, nutritionnistes?au domicile du patient ou bien dans des sites d'hébergement, comme les maisons de retraite et pouponnières», explique Ahmed Benfares, pharmacien.De son côté, Mostefa Khiati, chef de service de pédiatrie à l'hôpital de Belfort, affirme : «Beaucoup de pays ont opté pour l'hospitalisation à domicile, car elle réduit les dépenses de soins et donne beaucoup de confort au malade». Selon lui, «elle n'est pas difficile à mettre en place, cependant sa privatisation lui donnerait plus de vitalité, créerait des emplois».Un avis que semble partager le ministre de la Santé, qui a soutenu que cette activité «implique autant le secteur public que le secteur privé qui incite à s'organiser dans cette activité naissante».AgrémentsUn discours officiel qui n'est forcément pas applicable sur le terrain. Le secteur privé peine, en effet, à trouver ses marques dans cette nouvelle activité. «Nous avons un sérieux problème d'agrément», confie Cherif, un représentant de Cylka, une entreprise de soins à domicile.«On aime ce que l'on fait et on pourrait exceller, malheureusement, en l'absence d'agrément, notre activité est limitée», poursuit-il. Docteur Menguelti vient appuyer son avis et soutient : «En Algérie, les problèmes d'agréments et de bureaucratie n'encouragent pas cette activité à prospérer». Selon lui, «le dossier à fournir à la DSP est quasiment équivalent à un dossier pour monter une clinique, alors que c'est une activité ambulatoire».Par ailleurs, ce dernier confie que pour avoir droit à l'agrément «la DSP exige que le dossier soit à titre individuel. C'est-à-dire qu'un infirmier qui veut faire cette activité est contraint de travailler seul et ne pas embaucher de médecins ni d'autres spécialistes. Dans ce cas de figure, nous ne sommes pas face à un projet d'hospitalisation à domicile, mais seulement à des soins paramédicaux».Il s'interroge : «Comment peut-on constituer une équipe pluridisciplinaire si les paramédicaux indispensables dans cette équipe sont tenus sous contrat étatique et risquent la radiation s'ils travaillent ailleurs au même titre que tous les autres spécialistes qui occupent déjà des postes '» Alors que la mise en place de l'hospitalisation à domicile est de plus en plus abordée par les autorités, il semblerait que certaines difficultés viennent entraver ce nouveau projet.DifficultésSelon Dr Rakif Miloudi, médecin spécialiste en oncologie médicale «une des premières difficultés à laquelle on doit faire face sont les moyens mis à la disponibilité du personnel». Selon lui, cela reste insuffisant étant donné que «le matériel médical est cher, son acquisition demeure difficile. Le pire est que parfois l'hôpital est dans l'incapacité de le fournir puisqu'il n'en dispose pas». De son côté, le Pr Khiati estime : «La division de l'offre de soins en secteurs géographiques devrait faciliter l'opération, mais le personnel doit disposer de nombreux éléments, notamment un parc roulant, une connexion internet, un PC dans chaque secteur sanitaire pour suivre ces opérations, les évaluer, avoir accès aux autres hôpitaux pour effectuer les examens nécessaires biologiques et imagerie.Du matériel logistique». Pour remédier à ce problème, le cardiologue Mohamed Chaalal suggère : «Il est vrai qu'il existe ce problème de disponibilité de quelques machines nécessaires dans certains examens, mais on peut effectuer tous les examens nécessaires puis se faire hospitaliser chez soi par la suite». Le professeur Khiati, quant à lui, propose : «Cette opération devra être facilitée par la création de centrales de prêt de matériel médical, par exemple location de lits, de matériel divers facilitera aux malades l'accès aux soins. Elle sera d'autant plus efficace que cette location est prise en charge par la sécurité sociale».ParamédicalAutre problème : la qualification du personnel lui-même. Selon le Dr Menguelti, «il s'agit d'un domaine urgentiste et pas seulement de paramédical, c'est pour cela que cette activité exige une formation au préalable». Khiati le rejoint : «L'hospitalisation à domicile exige une bonne organisation et un personnel consciencieux. Etant donné que le personnel de soins, notamment les infirmières qui ne sont pas destinées pour ce travail, il faut donc les former pour cette mission».De plus, poursuit-il : «Une telle activité doit être volontariste et s'appuyer sur des cadres qui y croient. Sa réussite doit ainsi s'appuyer sur la mise en place d'équipes préparées disposant de moyens matériels adéquats et bénéficiant d'une parfaite coordination avec les centres de santé et les hôpitaux».Ainsi, pour Ahmed Benfares, cette pratique nécessite «une bonne réflexion, une bonne préparation, une organisation efficace et la formation d'un personnel qualifié et spécifique à cette activité».Autre problème auquel l'hospitalisation à domicile doit faire face est la disponibilité des médicaments. Selon Cherif de Cylka, «certains médicaments, indispensables dans le traitement, ne sont disponible qu'au niveau des hôpitaux et ne sont pas en vente sur le marché.On doit nous débrouiller pour nous en procurer, ce qui complique notre tâche». Un avis partagé par Dr Menguelti qui explique : «La disponibilité des médicaments à notre niveau pose réellement problème. Souvent, nous sommes dans l'obligation d'importer des pays voisins puisque même l'hôpital n'en dispose pas, ce qui revient relativement cher».Par ailleurs, et afin de réussir un tel challenge, l'opération doit être progressive. Selon Khiati «il serait judicieux par exemple de prendre une zone pilote en milieu urbain et une autre en milieu rural pour tester le dispositif à mettre en place».SoulagementLe cardiologue Chaalal partage son avis et confie : «Ce serait plus pertinent de commencer par lancer des essais et évaluer les résultats sur un an». De son côté, Dr Selma, diabétologue, propose : «Il faut s'inspirer des expériences des pays étrangers qui ont mis en place l'hospitalisation à domicile depuis des années.Cela demandera beaucoup de temps et c'est au fur et à mesure qu'on réglera toutes les défaillances». Pour Chérif, «Il est aussi impératif d'inclure à la population cette culture d'hospitalisation à domicile, sans laquelle rien ne sera possible».Au final, l'hospitalisation à domicile, comme toute nouvelle expérience, son évolution dépendra de la qualité de sa mise en place et de sa gestion. «Plus elle est efficace et bien prise en charge, plus elle sera demandée, et le contraire est malheureusement également possible», conclut le professeur Khiati.Par ailleurs, sa réalisation apportera beaucoup de soulagement à l'hôpital qui réalisera d'importantes économies en évitant d'hospitaliser à grand coûts des malades qui nécessitent des soins par intermittence donnés par une équipe pluridisciplinaire pas toujours existante au niveau de cet hôpital. «Le soulagement sera bien plus ressenti par les malades à qui on épargnera une hospitalisation stressante ou des séjours fréquents en milieu hospitalier avec toutes ses nuisances, un dépaysement et l'éloignement du milieu familial sécurisant», soutient Ahmed Benfares.
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Posté Le : 20/11/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ouahib
Source : www.elwatan.com