Algérie

«Hors-la-loi» à l'affiche à la cinémathèque d'Oran De l'enthousiasme des cinéphiles au vide culturel



La projection d'un film peut-il combler le vide culturel qui fait sombrer Oran dans la monotonie des jours automnaux gris ? Même si le film «Hors la loi» de Rachid Bouchareb, à l'affiche à la cinémathèque d'Oran, à partir de mercredi prochain jusqu'à la fin du mois, est en lui-même un événement cinématographique majeur, il n'en demeure pas moins, et pour reprendre les déclarations de Kouider Métaïer, l'un des vice-présidents de la commune d'Oran et président de l'association Bel Horizon, «qu'on ne peut pas combler le vide culturel avec une goutte dans l'océan». Un constat édifiant sur le Oran culturel d'aujourd'hui qui se morfond dans une léthargie à peine visible puisque, savamment, occultée à travers la programmation de festivals frappés du sceau de l'amateurisme, terme utilisé par M. Métaïer, pour qualifier celui du cinéma arabe qui n'est même pas pérennisé par une date fixée et qu'il assimile plutôt à des rencontres cinématographiques. «Les festivals, dignes de ce nom, ont toujours une date fixe et ce n'est pas en déroulant le tapis rouge qu'on va refaire Cannes», dira-t-il en substance. Quant aux autres festivals comme celui de la chanson oranaise ou celui du raï, il s'interrogera sur leur durée, une fois que l'argent des subventions viendrait à manquer. «Ils étaient portés autrefois par des associations, la société civile, ce qui n'est plus le cas actuellement après leur institutionnalisation». Un vide culturel «structurel» qui peut être évité avec un peu d'imagination et de bonne volonté à l'instar de ce qui est en train de se faire par les instituts culturels français et espagnol. «Cervantès et le CCF sont en train de nous donner des leçons», ajoutera-t-il en guise de conclusion. Cette absence de perspectives culturelles est ressentie par l'Oranais qui ne s'est plus où se tourner pour un quart d'heure «utile», histoire de recycler ses connaissances. Pour Salim, 45 ans, universitaire, Oran reste en souffrance par rapport à l'acquis culturel en absence de nouveautés à même d'intéresser le citoyen lambda. «Vous vous imaginez que pour une grande ville comme la nôtre, il n'existe aucun cinéma commercial en dehors de la cinémathèque de Miramar», se désole-t-il. Quant à la projection de l'Å“uvre de Bouchareb, «Hors la loi», qui continue de faire polémique outre-mer, sa programmation est très bien accueillie par les nombreux cinéphiles que compte la ville. Pour Kouider Métaïer, « cette projection est une excellente initiative et il ne faut pas avoir peur des controverses ». Quant à la polémique suscitée par le film, Javier Galvan, le directeur de l'institut Cervantès, estimera qu'il ne faut pas entraver la liberté d'expression, « on ne doit pas oublier que ce n'est qu'un film après tout », dira-t-il en expliquant plus loin que « le film retrace des événements historiques encore très récents et qu'il est toujours difficile d'en faire l'analyse d'une façon scientifique et je trouve personnellement que c'est une bonne chose de faire des films pareils ». L'enthousiasme est partagé par la rue oranaise qui aurait aimé voir, tout en respectant les comédiens algériens invités à l'occasion de l'avant-première, la présence des principaux acteurs du film ainsi que celle du réalisateur. «Cela nous aurait fait grandement plaisir de les avoir dans nos murs et de pouvoir discuter un moment avec eux autour du film», dira Mahmoud, un cinéphile invétéré. Pour rappel, «Hors-la-loi» projeté la première fois à l'occasion du festival de Cannes a alimenté une polémique vivifiée par les nostalgiques de la guerre d'Algérie et l'extrême droite. Ainsi, le soir du vendredi dernier, à Bordeaux, quatre individus ont jeté plus de deux litres d'ammoniaque sur le sol d'une salle d'un cinéma où était projeté le film de Rachid Bouchareb. Les militants d'extrême droite sont sortis d'une première salle de projection pour se glisser dans la salle où était diffusé « Hors la loi», puis ont lancé des petits tracts à propos racistes avant de vite se sauver. Sur les tracts, on pouvait notamment lire «Ici c'est la France». A Marseille, le 20 septembre dernier, une centaine de manifestants s'étaient déjà rassemblés devant un cinéma où était organisée par le Conseil régional Provence Alpes-Côte d'Azur une projection en avant-première. Par ailleurs, un sexagénaire du Var, reconnu coupable d'avoir menacé de commettre des attentats contre les cinémas projetant le film de Rachid Bouchareb en se réclamant du groupe d'extrême droite Charles Martel, a été condamné à un mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Draguignan.




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