Algérie

Hors-jeu



Les peintres M'hamed Issiakhem et Mustapha Louaïl se sont connus adolescents, à la fin des années quarante, en jouant au football derrière le Foyer civique de la place du 1er Mai à Alger. Ils ignoraient encore qu'ensemble, ils entreraient aux Beaux-Arts, iraient plus tard vivre et étudier à Paris, alors capitale mondiale de l'art moderne, et parcourraient ensuite la vie artistique de l'Algérie indépendante. C'est Louaïl, au chevet duquel nous nous sommes rendus, qui évoque ce souvenir dans les pages que nous avons tenu à lui consacrer dans ce numéro. Ces deux jouaient au football, mais n'ont jamais consacré une de leurs 'uvres à ce sport. En revanche, le peintre Nicolas de Staël, qui n'a jamais tâté du ballon rond, a laissé une série de toiles magnifiques sur les footballeurs. C'est ainsi en art où, souvent, l'absence de pratique nourrit les fantasmes.Idem dans le reste de la société où ceux qui parlent le plus de football sont ceux qui n'en ont jamais joué.Au moment où Alger, à l'approche imminente de la Coupe du monde, commence à ressembler au western La fièvre monte à El Paso, les institutions culturelles ont dû étudier attentivement le programme des matches, non seulement ceux de l'équipe nationale, mais également tous les autres, de crainte d'avoir des salles de théâtre, de cinéma ou de concert désespérément vides. Ainsi, paradoxalement, on a plus parlé de foot dans le secteur de la culture que dans celui du foot qui ' coupe et championnat bouclés ' a pris ses vacances. On fait état, çà et là, de réunions marrantes où des hommes de culture ont dû essorer toutes leurs connaissances footballistiques pour évaluer le potentiel de faisabilité de leurs projets en pleine Mondialmania. Ils auraient pu faire appel aux gens des clubs, inoccupés, en tant que consultants.Ou alors surfer sur la vague et imaginer des programmes culturels branchés football. Pourquoi pas d'ailleurs ' Revenir sur les livres de Laâdi Flici, qui ponctuait ses textes des matches de la période coloniale. Ou alors ceux de Boudjedra, seul écrivain à avoir écrit deux romans liés à ce sport. Ou encore passer les films sur le même sujet, depuis les classiques, La Solitude du gardien de but ou La troisième Mi-temps, jusqu'à Omar Gatlato ou Kahla ou Beïda' Avant-hier, la chaîne Arte a passé Hors-jeu, le magnifique film du réalisateur Jafar Pahani, racontant l'histoire de filles de Téhéran se déguisant en supporters masculins pour soutenir l'équipe d'Iran, lors des éliminatoires du Mondial 2006.Une programmation justifiée par la libération du cinéaste après 80 jours de prison. Finalement, un artiste sous les verrous, ce n'est pas bien, surtout un cinéaste voué aux salles obscures sans doute, mais pas aux sombres cachots. Et, à propos d'autres libérés, juste une petite interrogation lexicale : pourquoi les humanitaires qui activent dans le monde sont-ils des « humanitaires » et deviennent soudainement des « activistes » quand ils humanisent près d'Israël ' Peut-être que cela intéressera l'Académie française, soucieuse du bon usage des mots. En tout cas, on aura posé la question.


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