Algérie

Honoris Causa



L'université d'Alger a célébré son centenaire dans une discrétion effarante. Il est vrai que l'événement coïncidait avec le départ en vacances. Mais on aurait pu trouver d'autres moments et d'autres moyens pour marquer le coup. Donner des éléments d'information aux étudiants, mais aussi à leurs enseignants, sur l'histoire de cette institution, sa naissance dans le contexte colonial, son évolution sans doute unique et le choc des événements extérieurs dans son enceinte. Engager une réflexion sur son devenir quand, de partout, et d'abord dans le niveau des sortants, des clignotants inquiétants s'allument comme feux d'artifice. Montrer qu'en dépit de tout cela, ici et là, demeurent des ilots d'excellence ou, disons, de tentatives d'excellences, en tout cas des initiatives et pratiques qui échappent vaillamment aux sirènes de la médiocrité. Célébrer utile est toujours possible, à plus forte raison dans notre pays où nous avons appris jusque là à célébrer sous vide et in-vitro.Il est affligeant que l'université qui fut un bastion essentiel de la vie culturelle, le carburant de l'esprit et même du savoir-vivre, un laboratoire des idées, soit devenue cet ensemble morne et informe, flasque et routinier, dilettante et inconsistant. Bien sûr, elle n'en est pas seule responsable, étant terriblement perméable à son environnement, sans système immunitaire actif, travaillant sur les résultats de l'éducation nationale, incapable pour sa part, de donner la base de tout savoir, soit la maîtrise des langues sans lesquelles ni science, ni technique, ni littérature, bien sûr, et ni esprit individuel ne peuvent se construire valablement. Il est remarquable, d'ailleurs, qu'au moment où la vie culturelle a repris dans le pays, avec certes des hiatus et des couacs, mais en tout cas un bel élan et une immense attente, l'université se tienne en retrait de cette dynamique.Le théâtre, le cinéma, la littérature, y compris dans les instituts scientifiques, étaient des aliments de la vie quotidienne, des éléments de discussions et d'échanges. On comptait des troupes de théâtre universitaires, des groupes de musique, des clubs poétiques'Seule activité et seul point positif de ce centenaire, l'organisation par cette même université d'un colloque international Mohammed Ben Cheneb, cet astre brillant qui incarna avec élégance et compétence, dans un contexte hostile, le compagnonnage vital du Savoir et de la Culture. Polyglotte (arabe, français, anglais, espagnol, turc'), érudit impressionnant, cet homme, né en octobre 1869, dans le petit village de Aïn Deheb, près de Médéa, fut le premier docteur algérien de l'université d'Alger.Il devient membre de l'Académie de langue arabe de Damas et sauva, par ses ouvrages, des pans entiers du patrimoine populaire algérien (proverbes, boqalates, parlers locaux'). Il avait compris très tôt que notre âme était dans ce terroir combiné aux meilleurs savoirs de l'Orient et de l'Occident. Mais qui le connaît aujourd'hui ' Au fait, existe-t-il une université à son nom ou quoi que soit d'important, hormis la medersa près de Sidi Abderrahmane ' Horribilis causa.


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