Algérie

Hommage aux dribbleurs



La première Coupe du monde organisée en Afrique restera controversée sur de nombreux points, comme la qualité du jeu et l'arbitrage, mais elle a consacré l'émergence, ou le retour, d'un nouveau type de footballeur, qui tranche avec les stars qui ont dominé le football mondial depuis quelques années. Le footballeur de l'année 2010 est un homme cosmopolite, en même temps qu'un joueur technique, avec un sens tactique très développé. A contrario, les joueurs athlétiques, qui s'imposaient grâce à leur puissance physique, ont été relégués au second rang. La mutation de l'équipe d'Allemagne constitue l'exemple le plus abouti de ce nouveau modèle de joueur. Daniel Cohn-Bendit a relevé que cette équipe allemande est la plus cosmopolite de l'histoire du pays, avec des joueurs d'origine polonaise, turque, brésilienne, etc. Certes, on trouve encore le Müller de service dans l'équipe d'Allemagne, mais la vedette est d'abord un collectif dans lequel brillent un Polonais, Miroslav Klose, et un Turc, Mesut (Messaoud) Ozil, âgé de 22 ans. Avec cette nouvelle génération, l'Allemagne pratique un jeu latin, en gardant sa rigueur tactique traditionnelle. De plus, elle n'a pas de superstar, ce qui donne à son jeu une fraîcheur rare à ce niveau de la compétition. Le résultat est très séduisant, avec un football à la fois agréable et efficace. On aura beau chercher, on ne trouvera pas, dans l'équipe allemande, des joueurs du profil de Rumminegge ou Mätthaus, qui s'imposent d'abord par leur puissance athlétique. A l'inverse, on n'a jamais vu des joueurs d'une équipe allemande faire preuve d'un tel talent dans le dribble. Ozil paraît plus brésilien qu'allemand.

 L'équipe d'Espagne affiche les mêmes qualités. Elle n'aligne pratiquement aucun joueur d'un physique supérieur à la moyenne. A l'exception de Sergio Ramos et Piqué, ses joueurs sont même au-dessous de la moyenne, concernant la taille et la masse athlétique. Mais ils compensent par une habileté technique et une vivacité qui ont écoeuré leurs adversaires. Ce n'est pas un hasard si l'Espagne et l'Allemagne ont été finalistes de l'Euro 2008. La Hollande joue dans le même registre, avec une pléiade de techniciens exceptionnels. Dans ce pays, c'est une tradition, poussée cette fois-ci à son point extrême. Comble de l'ironie, c'est même un petit gabarit, Wesley Sneijder, 1.70 m, qui a marqué de la tête le but de la victoire face au Brésil, qui alignait pourtant deux arrières centraux au gabarit impressionnant, Lucio (1.87m) et Juan (1.82 m).

Le Brésil a, de son côté, choisi un chemin inverse à cette évolution. Certes, son échec s'explique d'abord par la petite forme de ses meilleurs joueurs, en raison de blessures récurrentes, mais la plupart des spécialistes ont déploré le jeu aride du Brésil. Le Hollandais Johan Cruyff a même déploré que des supporters soient contraints de se déplacer pour suivre une équipe aussi peu attrayante. L'échec de l'Argentine ne contredit pas cette tendance. Cette équipe aligne un prodige de technique et de vivacité, Lionel Messi, et deux autres attaquants qui répondent à ce profil, Tévez et Higuain. Elle a réalisé un excellent parcours, mais elle est tombée sur l'Allemagne, qui était supérieure au plan collectif tout en faisant preuve des mêmes qualités techniques. Pour une fois, d'ailleurs, les joueurs des deux équipes étaient interchangeables. Higuain et Tévez pouvaient parfaitement jouer en équipe d'Allemagne, alors qu'Ozil avait un profil plus proche de la tradition sud-américaine que celle d'Allemagne.

 Dans cette évolution, les équipes qui comptaient traditionnellement sur leur puissance physique ou leur rigueur tactique pour s'imposer ont piteusement échoué. L'Italie et l'Angleterre en sont les symboles les plus évidents. Ce qui est réconfortant lorsqu'il faudra, dans quelques mois, désigner le footballeur de l'année 2010: ce ne sera pas un défenseur, de type Canavarro, lauréat en 2006 lorsque l'Italie avait remporté la Coupe du monde. Qu'il s'agisse de Messi, Xavi, David Villa ou Forlan, ce sera un brillant dribbleur. Rien que pour ça, la Coupe du monde 2010 aura été un succès.




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