Algérie

Hommage à Youcef Chahine Juste un mot



Hommage à Youcef Chahine                                    Juste un mot
Chahine nous a quittés il y a juste 4 ans, il nous manque déjà et beaucoup. Cet immense personnage, ce grand artiste cinéaste aurait pu nous expliquer aujourd'hui ce qui se passe en Egypte, son grand pays qu'il aimait tant. Il y a quelque 20 ans, alors qu'il était dans la force de la l'âge et en période de grande créativité, il disait avec intelligence : «Avec Moubarak, c'est tout simple, non seulement il ne sait pas quoi faire de moi vivant, mais de plus il ne sait pas quoi faire de moi mort.» En deux textes ayant pour titres, pour le premier, Chahine et nous, et pour le second, Chahine et le cinéma, nous allons essayer de rendre hommage à l'ami, l'ami de l'Algérie.
Chahine et nous Youssef Chahine, que tout le monde appelait Jo, alors que pour nous il est Yahia, son nom dans Bab El Hadid, était un homme plein de vie, il était la vie même.
Bien sûr, notre ami était un réalisateur talentueux et tout le monde le sait, mais il était aussi un scénariste intelligent, un producteur avisé et surtout un comédien brillant, ce que les gens savent moins. Pour revenir à Bab El Hadid, l'un de ses films phares, disons tout d'abord que son titre en français, Gare centrale, est aussi fort et juste que l'original, ce qui est bien rare au cinéma, et ajoutons que le personnage de Yahia est absolument sublime. Chahine, malgré son bégaiement et sa myopie, ou plutôt grâce à eux, apporte à ce bouffon tragique, un peu fou et analphabète, toute sa dimension humaine pleine d'émotion et de sensibilité. Nous nous demandons d'ailleurs aujourd'hui, naïvement bien sûr, s'il n'aurait pas dû interpréter des rôles plus souvent. Nous sommes cependant tellement heureux qu'il soit le réalisateur prolifique qui nous a apporté d'inoubliables moments de bonheur. Il nous a aidés à comprendre et à aimer le cinéma à travers la trentaine de films réalisés, dont beaucoup de chefs-d uvre, depuis Baba Amin (1950) jusqu'à Héya fawda (Le chaos, 2007).
A l'occasion de ses nombreux voyages à Alger et pour toutes les rétrospectives et premières de ses films qu'organisait la cinémathèque, il était devenu familier de ce lieu qu'il aimait tant et qu'il visitait au moins tous les 2 ou 3 ans, c'est mon pèlerinage, disait-il. Il est malheureusement parti sans réaliser l'un de ses rêves, celui de tourner une séquence dans l'escalier étroit et tortueux qui mène à la cabine de projection de cette salle. Ce feu follet, habitué des lieux, ne cesse que lorsqu'il est chez nous de faire des allers-retours entre la salle et la cabine, non seulement pour contrôler la projection, mais surtout pour être en contact avec les projectionnistes tant il aime et respecte les gens de cette profession. Heureusement, en ce qui concerne les rêves et notre pays, il en a réalisé quelques-uns, grands et bien grands.
N'a-t-il pas tourné, en 1958, Djamila l'Algérienne, en hommage à la femme algérienne combattante et à notre lutte de Libération nationale, dont il était admiratif ' L'autre, en coproduisant avec l'ONCIC El ousfour (Le moineau, 1972), ce qui était d'autant plus important pour lui qui traversait alors un moment difficile et d'arrêter sa carrière. Ce film mythique lui a permis de regagner sa place de réalisateur déjà reconnu, mais il a également mis en lumière sa dimension d'homme politique perspicace. Lors des premières projections du film, à la Cinémathèque d'Alger et à celle de Paris, Chahine ne manquait pas de répéter : «Au moment où j'étais rejeté dans mon pays, l'Algérie m'a recueilli et a relancé ma carrière. Elle m'a permis de retrouver mon honneur et ma dignité.»
Par la suite, Chahine a entretenu des relations permanentes riches et fructueuses avec notre pays. Il a recruté des comédiens et techniciens algériens pour certains de ses films. On peut citer parmi eux Sid Ali Kouiret et Doudja, l'ingénieur du son Mekesseur, et surtout Farouk Belloufa qui a été son premier assistant dans Le Retour de l'enfant prodige (1976). Par ailleurs, durant les pénibles années du terrorisme destructeur, il a offert les copies de ses derniers films (six au total) à la Cinémathèque algérienne. A l'occasion des tirages de ces copies, il disait à ses neveux, Gabi et Marianne, ses fidèles adjoints : «La première copie est pour la Cinémathèque algérienne, elle est pour Bouguémaâ et je la porterai moi-même, au diable les terroristes.» Mieux que des mots, n'était-ce pas là le témoignage concret de sa gratitude et de son profond amour pour notre pays ' En tout cas, nous, on ne l'oubliera jamais.


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