Elles étaient jeunes comme la vie, belles comme l’aurore, aussi déterminées que la Révolution, mais telles des bougies qui illuminent le chemin de notre mémoire, les moudjahidate s’éteignent les unes après les autres dans le silence d’une histoire faite de sacrifices, de douleurs et de larmes.
Fadéla Attia nous a quittés mercredi dernier. Frêle, la petite dame au teint clair, à la coupe carrée, aux cheveux jaune or, d’une élégance rare était de tous les combats. Elle avait l’Algérie au cœur. Cheville ouvrière de S.O.S Femmes en détresse, elle, que la maladie n’a pas quittée depuis 1965, a tenu à s’investir dans ce qui sera son dernier combat : Alger, capitale de la culture arabe. Ses premiers pas de militante tout comme d’ailleurs son dernier souffle, furent pour son pays : l’Algérie. Elle était fière d’être Algérienne. Elle a fait partie de cette poignée de jeunes lycéennes et jeunes étudiantes d’Alger qui épousèrent dès 1955 la cause sacrée. La voie du combat armé contre le colonialisme oppresseur. Fadéla Attia alias Manicus, alias Malika s’est mise au service du FLN dès 1955. Elle avait 18 ans. Le bel âge avec en prime la beauté et l’élégance qui seront ses atouts face aux paras de Massu et Bigeard. Le mythe de ce que Yacef Saâdi a appelé « l’européanité » (La Bataille d’Alger, t.1, ENAL 1984, p. 286). Massu a consacré tout un chapitre dans son livre-mémoire (La Vraie Bataille d’Alger ; Plon, 1972, pp. 191-212) au rôle que jouèrent les Algériennes dans le dur combat en milieu urbain, à Alger surtout. « Il est évident que le rôle joué par les femmes dans la lutte du FLN a été très important. Transporteuses et poseuses de bombes, elles formaient un véritable réseau. Leur équipement, leur charme, leur innocence apparente de leur comportement leur donnaient des facilités pour pénétrer partout sans provoquer, surtout dans les premiers temps, de méfiance » (p. 191). Les témoignages recueillis par Danièle Djamila Amrane Minne (Femmes au combat ; éditions Rahma, 1993) vont dans le même sens. « Je n’ai jamais été fouillée ni arrêtée aux barrages que je traversais très facilement », me disait la défunte Fadéla. « Le voile exposait celles qui le portaient au contrôle des papiers et parfois à la fouille dans les barrages », (Danièle Djamila Amrane Minne, p.131). Un peu de maquillage, une jupe à carreaux, un corsage bien ajusté, un visage avenant orné d’un sourire de circonstance et le tour était joué. Les militaires français tombaient parfois sous le charme trompeur de ces jeunes Algériennes qui donnaient, pour la circonstance, le bras à un bel homme lui aussi de type européen. Connue pour avoir fait parti des poseuses de bombes, Fadéla aimait dire : « J’étais une espionne au service du FLN. » Elle a commencé par faire, dès 1955, du renseignement. Elle était en contact avec Yacef Saâdi, Abderrazak Affaf, Ahmed Benhaddad et Bensmaïn pour l’Algérois. En 1957, elle est recrutée au cabinet Lacoste où elle a croisé dans les couloirs du siège du Gouvernement général le militaire Jacques Chirac. Elle fera parvenir les carbones des rapports, notes et instructions tapés en plusieurs exemplaires au FLN. « Régulièrement à des endroits différents, un jeune homme en Vespa venait prendre la livraison de carbones. Je n’ai jamais connu son nom. Je ne me rappelle même pas de son visage », (témoignage juin 2000). Boualem Dekkar dit Ali Guerraz, vice-président du MALG, voit en elle une « héroïne. Elle était courageuse. Elle prenait le train Alger-Oujda puis Tétouan pour ramener à Boussouf des documents très importants », (témoignage du 17 février 2007). Au lieu de « courage », Fadéla préférait parler d’« engagement », de « devoir » et de « sang-froid ». Avec ce sourire que ses amis lui connaissent, elle me racontait comment elle a transporté des documents à Abane Ramdane au Maroc. « J’avais une petite valise dans laquelle j’avais des documents à remettre à Abane Ramdane. J’avais pris le train Alger-Oujda. Dans le même compartiment que moi, avaient pris place en face de moi des militaires français. Ils m’avaient prise pour une Française et comme je n’étais pas accompagnée, ils ont commencé à me draguer. L’un d’eux m’a même demandé ce que j’avais dans ma valisette. Ah s’ils savaient ce que je transportais ! J’ai gardé mon sang-froid et ne me suis pas trop engagée dans la discussion avec eux. Je ne me suis sentie bien qu’une fois arrivée à destination », (témoignage juin 2000). A Tétouan, elle était en contact avec Kara Terki et Maâchou, à Rabat avec le commandant Boudjelti Hassan et à Casablanca, Bencheikh Hocine (document qu’elle m’a remis en décembre 2005 intitulé : « Résumé des activités exercées de 1954 à 1962 » daté du 11 novembre 1980). Démobilisée en septembre 1962 à sa demande en tant que membre du MALG, elle suivra des soins à l’étranger entre 1965 et 1980, date de son retour au pays. Modeste avec un rire qui ne laisse pas indifférent, elle dira à une radio étrangère venue l’interviewer : « Ce que j’ai fait, je l’ai fait pour mon pays. » Ou encore : « J’ai fait un petit peu. D’autres ont fait beaucoup plus que moi. Elles étaient maquisardes. » Avait-elle oublié que faire du renseignement à l’intérieur même de la citadelle Lacoste était tout aussi important et dangereux que tendre une embuscade à un convoi militaire ennemi ?! Son plus beau souvenir ! Ses rencontres avec les lycéennes et lycéens de Hassiba Benbouali, Mokrani 2, Emir Abdelkader. C’était sa façon à elle de perpétuer le combat pour lequel elle a donné sa jeunesse et toute sa vie. Une vie pleine. Fadéla, tu adorais les fleurs. Tu reposes désormais sous un jeune et beau mimosa. Ton vœu a été exaucé puisque tu reposes dans la même tombe que ta défunte mère. Dors en paix chère Fadéla.
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Posté Le : 20/02/2007
Posté par : hichem
Ecrit par : Malika El Korso
Source : www.elwatan.com