Le rideau est tombé sur le 11e Festival international du théâtre de Béjaïa, organisé exceptionnellement dans la ville d'Akbou pour suppléer l'inaptitude du théâtre Abdelmalek-Bouguermouh à l'accueillir du fait de la fragilité de sa structure, un tantinet ébranlée par le séisme du mois de mars dernier.La cérémonie de clôture, dimanche dernier, s'est caractérisée par deux moments forts, l'un marqué par un hommage rendu à Dalila Helilou, l'une des figures emblématiques du théâtre national, et l'autre par le déroulement de la nouvelle production du théâtre Kateb aaYacine, Si Mohand u Mhand, sortie des limbes il y a à peine quelques mois mais qui a réussi à se faire réclamer partout dans la vallée de la Soummam. Et visiblement l'attente du public n'a pas été vaine car la pièce, ficelée dans le genre comédie, a plu et séduit, d'abord par la qualité de la remise au goût du jour du personnage, grand troubadour et grand poète, mais aussi par sa scénographie, qui, tout en respectant le contexte historique, a réussi à offrir des tableaux chorégraphiques et musicaux d'une modernité saisissante.
Si Mohand u Mhand, né au lendemain du début de la colonisation (1845-1850) à Larbâa Nath-Irathène, est un personnage atypique. Et pour cause. A peine enfant, il a vu son père exécuté devant lui et tout son village, Ichariwene, soumis à la vindicte des flammes car soupçonné et accusé de faire dans la résistance anticoloniale. Lui et sa mère s'en sont sortis miraculeusement et pu fuir les lieux, en se cachant dans la région de Michelet.
Si Mohand U Mohand, déjà révolté et ayant manifesté auprès de ses oncles son désir de combattre les armes à la main, a ainsi décidé de faire de la résistance à sa manière, en exploitant notamment son potentiel littéraire, politique et religieux contre l'occupant. «Tu n'as pas le potentiel d'un combattant, mais tu as la tête qu'il faut pour faire face à l'ennemi», lui a suggéré alors son oncle déjà admiratif de son éloquence, de la qualité de ses dictons et proses et de sa maîtrise du Coran dont il a très tôt appris les 60 hizbs.
Ayant pris conscience de sa force «intellectuelle», il s'est résolu ainsi à faire le troubadour et aller partout pour semer le bon mot et la bonne graine. Il traîne sa canne et son polochon partout, arrivant jusqu'en Tunisie avant de revenir, sa notoriété bien établie. Il était adulé et aimé mais aussi détesté et jalousé, notamment par quelques notables qui n'appréciaient pas trop qu'un troubadour leur vole la vedette. La pièce reprend avec force détails ce parcours magnifique en restituant quelques-uns de ses poèmes épiques ou ses dictons dont celui qui tient encore dans toutes les bouches : Anerez walla aneknou (Mieux vaut rompre que s'agenouiller). 18 comédiens dont des artistes et des danseurs ont assuré le spectacle scénique. L'hommage rendu à Dalila Helilou a été poignant, malgré l'absence de l'artiste malade, mais qui, par vidéo et appels téléphoniques en direct, a tenu à saluer ce geste, «qui me touche au plus profond de moi-même. J'en suis bouleversée», a-t-elle répété. Dalila Helilou s'est éloignée de la scène depuis une vingtaine d'années mais y est restée attachée comme au premier jour, notamment depuis «son débarquement» à l'INADC de Bordj El Kiffan par accident pour une formation dans le domaine du théâtre, et qui a fait que, depuis, elle n'a eu de cesse de briller de mille feux autant sur les planches, au grand comme au petit écran.
Plus de 50 ans, qui l'ont vue côtoyer les plus grands dont Mustapha Kateb, Alloula, Medjoubi, Chérif Ayad et tant d'autres et qui lui ont donné la possibilité d'aller très loin dans son parcours, auréolée par une cinquantaine d'?uvres dans les trois registres (théâtre, petit et grand écran).
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Posté Le : 19/01/2022
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : R C
Source : www.lesoirdalgerie.com