HOCINE ZEHOUANE, PRESIDENT DE LA LADDH :

Pour Hocine Zehouane, les régimes totalitaires arabes et africains ont tétanisé leurs sociétés, à tel point qu'aujourd'hui elles sont incapables de reconstruire des institutions solides et des anti-corps pour faire face à la manipulation et l'influence de puissances étrangères.
Mehdi Mehenni - Alger (Le Soir) - Le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, Hocine Zehouane, qui s'exprimait hier, à l'occasion d'une conférence de presse, a l'ultime conviction que «les régimes arabes et africains s'écroulent tour à tour et sont appelés à disparaître». Un constat qui, à ses yeux, pose une grande problématique : «Après des années de blocage, quels changements et quelles politiques '» Nul ne peut, penset- il, prévoir où tout cela va déboucher. Cette réalité, explique-t-il, s'inscrit dans un ordre planétaire régi par des rapports de force de puissances qui tendent à établir une nouvelle carte mondiale. Ces rapports de force, précise- t-il, sont élaborés pas des guerres armées, économiques ou souterraines. «L'Afrique et le monde arabe sont le ventre mou de forces de recolonisation et de reconquête d'espaces de richesses, parce que des régimes despotiques tombent après des décennies de blocage de sociétés aujourd'hui incapables de se reconstruire elles-mêmes », a-t-il souligné. Sur ce chapitre, Zehouane cite l'exemple de l'Irak : «Ce n'est pas les 10 000 soldats américains dépêchés par l'armée des Etats- Unis qui ont fait tomber l'Irak, mais le régime baâthiste de Sadam Hussein qui a depuis toujours tétanisé sa société. Les labos américains n'ont fait que saisir l'occasion d'un malaise profond et général dans le pays.»
Le cas algérien
Dans ce nouvel échiquier mondial, Zehouane situe l'Algérie. Quelles échéances et quelles perspectives ' Pour lui, l'Algérie a connue des tests pour des scénarios qui se rapprochent des révolutions libyenne ou tunisienne. «Nous avons eu affaire à la CNCD qui prônait un changement. Comment et par quel moyen ' Je dirais qu'il s'agissait d'un changement dicté par des relais extérieurs. La preuve, les caméras de chaînes de télévisions étrangères étaient présentes en force, attendant le moindre dérapage pour l'exploiter à fond.» Mais pour Zehouane, «l'Algérie est quand même un gros morceau. Ce n'est pas ce genre de scénario qui s'applique sur elle». Abordant les grands défis de l'Algérie, Zehouane évoque le cinquantenaire de l'indépendance : «Nous sommes à 80 jours du cinquantenaire et l'élite doit comprendre que l'Algérie a besoin d'une refondation capitale sur le volet constitutionnel, le recentrage économique et la standardisation sociale. Nous sommes face à une situation historique qui nécessite une refondation et non pas des réformes. Nous avons besoin de reconstruire un standard social minimum pour permettre à chaque citoyen de s'inscrire dans la reconstruction du pays.» Sur ce point, Zehouane semble ne pas être tout à fait rassuré : «J'ai un sentiment de crainte que notre génération s'en va et ne laisse pas aux générations futures des institutions solides et cela relève du rôle d'un projet de Constitution cadre.» Pour lui, «la Constitution est un enjeu majeur, voire un texte sacré, pour le confier à une majorité parlementaire inexpérimentée et inculte». Zehouane pense, à ce propos, qu'une telle procédure relève de l'aventurisme. Enfin et abordant les prochaines législatives, le président de la LADDH révèle son sentiment : «Nous avons profané l'idéal politique à l'avance. Nous avons vu des têtes de liste soumises au plus offrant. Le peuple n'y croit pas et j'appréhende une forte abstention. Ce sera un grand message et ceux qui détiennent la hauteur doivent retenir la leçon. Je leur dis, attention il ne faut pas aborder l'avenir de l'Algérie avec des réformes de saupoudrage».