A l’âge adulte, l’amour qui liait les deux cousins, Hyzia et Seyid, issus d’une tribu de Sidi Khaled, dans la wilaya de Biskra, commençait à se heurter aux lois implacables de la tradition qui interdisait toute liaison amoureuse en dehors du mariage.
Le nom de Hizia, une jeune femme de la tribu nomade des Douaouda, qui transhumait régulièrement à Bazer-Sakra (El Eulma, dans la wilaya de Sétif) est définitivement lié à une passion amoureuse à la fois romantique et authentique, immortalisée par le poète Benguitoun qui en a fait l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la poésie populaire algérienne. Cette histoire d’amour, à laquelle la commune de Bazer-Sakra consacrera dès mardi prochain le 2e festival national Hizia des patrimoines et arts populaires rapporte l’APS, peut être classée dans le même registre que les passions mythiques,éternisées dans les littératures des peuples, à l’instar de « Kaïs et Leïla » ou « Antar et Abla » pour la littérature arabe classique, ou encore « Roméo et Juliette », « Tristan et Iseult » et « Paul et Virginie » pour la littérature universelle.
Une histoire aux liens très forts avec Bazer-Sakra.
Les organisateurs du festival ne ménagent aucun effort pour faire de cette manifestation le 2e plus grand évènement culturel de la wilaya de Sétif après le festival international de Djemila, en veillant à ce que les activités au programme soient en rapport avec le patrimoine qui s’est tissé autour de Hizia.
Benguitoun mentionne, en effet, dans son poème élégiaque, le nom de Bazer comme lieu de l’idylle entre Hizia et Seyid, son amoureux. C’est en rentrant d’un séjour à Bazer, par où transhumait sa tribu nomade, que Hizia fut ravie à la vie d’une manière mystérieuse. Elle n’avait que 23 ans.
L’on rapporte que Hizia Bouakkaz, fille d’Ahmed Ben El Bey, de la tribu de Douaouda, et son cousin, Seyid, élevé par son père dans la même famille et sous le même toit, se sont épris l’un de l’autre dès leur jeune âge, pour voir leur amour grandir. A l’âge adulte, l’amour qui liait ces deux cousins issus d’une tribu de Sidi Khaled, dans la wilaya de Biskra, commençait à se heurter aux lois implacables de la tradition qui interdisait toute liaison en dehors du mariage.
Les deux tourtereaux étaient forcés de se voir en cachette, se contentant de voler des moments furtifs pour se rencontrer lors des placements des caravanes, pendant la période de transhumance entre le Sud et les Hauts-Plateaux, notamment dans la région de Bazer-Sakra où ils avaient pour habitude de marquer de longues haltes. Seyid s’arrangeait pour parader sur son cheval autour du « Haoudedj » (sorte de litière dressée sur le dos d’un chameau) de Hizia, montrant fièrement ses prouesses de cavalier hors pair et Hizia lui répondait, par l’échancrure de la tente, par des sourires complices lui signifiant sans mot dire, sa fidélité et l’intensité de ses sentiments, et lui rappelant, par des apparitions furtives, la splendeur de sa beauté.
La liaison ne tarda pas à être découverte et à la nouvelle se répandit au sein de la tribu, impitoyable lorsque son honneur et en jeu, poussant Seyid à quitter les lieux.
La séparation, raconte-t-on, eut des conséquences fatales sur la santé de Hizia qui décéda peu après, d’une manière mystérieuse, juste après le retour de sa tribu d’une transhumance à Bazer. La mort de sa bien-aimée plongea Seyid dans un profond chagrin, à tel point qu’il abandonna biens et famille pour errer dans le désert avant de s’établir sous une tente dressée sur les berges de l’oued de Ouled Djellal où il demeura jusqu’à sa mort.
Un amour immortalisé par le poète Benguitoun
C’est sur la demande de Seyid que son ami le poète Benguitoun composa en 1878 la célèbre « qacida »de Hizia, immortalisant par le verbe, cette passion légendaire, et faisant « parler » les sentiments de douleur et de grande détresse de l’amoureux affligé et éploré par la mort de sa bien-aimée.
Une stèle, très visitée, notamment par la gent féminine, a également été érigée à Bazer-Sakra à la mémoire de ces amoureux de légende.
La « qacida » de Hizia a été chantée par un grand nombre de grands artistes algériens, dont El Bar Amor, Abdelhamid Ababsa, Rabah Driassa, Khelifi Ahmed et d’autres. Le programme du 2e festival Hizia des patrimoines et arts populaires, comporte une grande opérette intitulée Matar Edhakira (Pluie de la mémoire), écrite et mise en scène par Abdelouahab Tamhencht, avec la participation du groupe Bila Houdoud. Une grande palette d’artistes participera au spectacle qui aura lieu en plein air, sur le terrain de l’hippodrome qui se trouve – belle coïncidence – à l’endroit même où la tribu des Douaouda avait pour habitude de dresser son campement, lors de sa transhumance par cette région. Des comédiens d’El Eulma, à l’instar de Abbas Chouar, Mourad Kamel, Saïd Harabi, ainsi que la star de la chanson sétifienne Cheb Arrès qui s’essaie pour la première fois au théâtre, Kamel Nemri et Ibtissem Riahi, une lauréate de l’école Alhan oua Chabab, figurent parmi les participants et animateurs de ce spectacle qui sera agrémenté, annonce-t-on, d’une fantasia. Des troupes folkloriques représentant de diverses régions du pays, des courses de chevaux et des fantasias, sont également au programme de cette manifestation qui aspire à devenir un rendez-vous incontournable pour les arts et patrimoines populaires. Une « kheïma » (tente) des poètes, des shows de troupes folkloriques et des expositions mettant en exergue les traditions et l’artisanat local, ainsi que des conférences sur le patrimoine et la littérature populaires, sont également au menu de la manifestation.
La 1ère édition du festival Hizia, organisée à El Eulma en 1995, avait connu un franc succès.
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Posté Le : 26/07/2021
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Nadine aladia
Source : Publié dans Le Midi Libre le 31 – 05 – 2011