Algérie

Histoires vraiesTu ne boiras point (5e partie et fin)



Histoires vraiesTu ne boiras point (5e partie et fin)
Résumé de la 4e partie - Atteint par les balles, le petit Benoît ne bouge pas. Est-il paralysé, mort 'Alors elle sort en courant et se met à hurler devant le café :«On a tué mon fils ! On a tué mon fils !» Puis, se rendant compte qu'elle a laissé Benoît dans la voiture, elle y retourne en courant. Jean prend l'enfant dans ses bras ; ils courent jusqu'au café, c'est la panique.
Sophie n'a rien, c'est elle qui a répondu : «Ça va.»
Le patron du café appelle la gendarmerie, sa femme court chercher des serviettes, on dépose Benoît sur une table, il ne bouge toujours pas, avec ce regard immense de terreur, mais il respire, faiblement.
C'est long, si long avant d'entendre la sirène, avant que les pompiers surgissent, appellent un Samu, puis un autre, avant que l'ambulance arrive enfin et emmène le petit garçon à l'hôpital de la ville.
Là, aux urgences, le médecin dit rapidement : «S'il a pris des plombs de chasse, on va le sauver.»
Francine et Jean se raccrochent à cette phrase. On va le sauver, il respire, il est vivant : des plombs de chasse, ce n'est pas mortel Puis le médecin revient avec une autre phrase terrible. «Les pompiers ont retrouvé trois douilles, ce sont des balles explosives. Des balles de guerre.» Benoît est dans le coma, mais son regard s'est calmé, il respire toujours, il faut attendre. Jean a échappé de peu à la mort. Dans le repose-tête de son siège, les gendarmes découvrent un morceau de balle explosive qui s'est encastré dans la plaque de métal. Sans cela, il l'aurait pris dans la nuque. C'est une balle à fragmentation, chaque morceau est comme une grenade. On transfère Benoît à Paris, pour un scanner. Les médecins sont partagés. L'un dit : «C'est fichu, il faut considérer qu'il est mort.» Et l'autre est plus optimiste : «La chirurgie fait des miracles...» ! Mais le petit Benoît a pris une balle explosive dans la tête. Comme à Sarajevo, comme en Somalie, comme dans un safari au Kenya... Un chasseur fou a tiré dans le noir, il a visé ce qu'il pouvait viser, la vitre arrière. Il a tiré sur un ennemi ' Sur un gibier ' Pendant que ses parents et sa s?ur foncent à Paris, pendant que Benoît n'est plus qu'un petit souffle sous le respirateur, que son c?ur fait un petit bip-bip sur l'écran de contrôle, comme une mince étoile fragile qui ferait de tout petits bonds dans l'espace... pendant ce temps, les gendarmes ont arrêté les tueurs. Ça n'a guère pris de temps. Une heure après le drame, les trois ivrognes se font prendre dans un autre bar, en train de jouer au baby-foot. Deux grammes quarante d'alcool dans le sang de Jules. Un peu moins dans celui de Lulu. L'autre ronflait à l'arrière, il ne s'est réveillé qu'en entendant ses copains tirer comme à la foire. Et ils continuaient leur virée, sans soucis et sans remords. Jules n'était plus au régime sec : ça se fête, un événement pareil. Jules est inculpé d'homicide volontaire. Comme son copain Lulu, Jules a tiré. Pourquoi ' Au bout d'une heure d'interrogatoire, devant le chef de la gendarmerie, Jules, qui n'a encore rien trouvé à répondre, finit par marmonner : «Ben, c'était pour leur faire peur.» Alors pourquoi ne pas tirer en l'air ' Hein, Jules ' Parce qu'il est stupide, Jules ' Parce qu'il est fou ' Parce qu'il est alcoolique ' Parce qu'il est chasseur, tireur de cible, et qu'un homme, un vrai, ne tire pas en l'air pour faire peur ' C'est ça, Jules ' Parce que deux grammes quarante d'alcool, brutalement déversés dans le sang d'un alcoolique en manque depuis trois mois, révèlent enfin la vérité : qu'on est mû par une pulsion meurtrière, qu'on est un tueur ' Tirer dans la vitre arrière d'une voiture où se trouvent un couple et deux enfants, c'est juste tirer pour faire peur, vraiment ' On ne pense pas une seconde que la balle de guerre va tuer n'importe qui en explosant ' On ne pense plus, Jules ' A-t-on jamais pensé, d'ailleurs ' À Paris, le petit corps de Benoît est passé dans la grande machine du scanner, les chirurgiens ont compris. Ils ne pouvaient rien faire. La petite étoile du c?ur de Benoît allait s'arrêter, ce n'était plus qu'une question d'heures, ou de minutes. Et la petite étoile s'est arrêtée. Elle a disparu de l'écran, le dernier petit bond s'est achevé en une ligne plate. Benoît avait six ans, Jules. C'est ça une cible '




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