Algérie

Histoires vraies Vocation irrésistible (1re partie)



Histoires vraies Vocation irrésistible (1re partie)
Dominique C. semble somnoler assis sur un banc au fond du parc des Petites S'urs des Pauvres. II aura bientôt quatre-vingts ans et il jouit d'un repos normal au bout d'une vie bien remplie.On serait tenté de dire «repos bien mérité», mais est-ce bien le cas ' Pourtant, on peut prétendre que sa vie n'aura pas manqué de péripéties, depuis son plus jeune âge. Qu'on en juge plutôt.Dominique, comme son prénom l'indique, est natif d'une île que l'on dit bien française et que beaucoup jugent la plus belle de la Méditerranée. Son père est militaire, comme il est de tradition chez beaucoup d'insulaires. Dominique n'est encore qu'un gamin de cinq ans et son frère cadet, François, est plus jeune d'un an lorsque leur papa quitte ce bas monde. Immédiatement le conseil de famille décide que les deux bambins iront poursuivre leur éducation à Lyon, pratiquement dans les brumes du Nord, sous l'aile, qu'on espère bienveillante, de leur tonton Frédéric.
Tonton, hélas ! n'a pas la fibre paternelle et, très rapidement, il confie les deux mouflets à la garde vigilante des bonnes s'urs. Malheureusement les deux enfants, sans doute nostalgiques de leur belle île natale, se montrent très rapidement rétifs et insupportables, même pour des femmes qui ont fait v'u de patience. De chahuts en révoltes sévèrement réprimées, de fugues en chapardages, ils descendent, en prenant de l'âge, la pente qui mène à la délinquance et conduit derrière les barreaux. Leur père avait sans doute espéré pour eux un autre avenir.
Les voilà presque des hommes. Le temps du service militaire est là. Période qui ne se passe pas plus tranquillement que celle de l'éducation de base. Quand Dominique, après vingt-quatre mois de service dans la marine, se retrouve en civil, il reprend tout naturellement la seule activité qu'il ait jamais pratiquée assidûment : le chapardage. On est à Paris, en 1943, les temps sont troublés, mais la police fait encore son travail. Dominique est convié à un séjour de deux ans en prison et on lui assigne comme résidence la centrale de Poissy.
Le régime alimentaire n'a rien d'idyllique. Pis encore, le camp de l'occupant allemand, dans la forêt toute proche de Saint-Germain, est bombardé. Les « Fridolins» ont besoin d'une corvée pour récupérer les bombes qui gisent, intactes, dans la forêt. Dominique est sélectionné pour ce travail minutieux qui met les nerfs à rude épreuve. Décidément, pense-t-il en croyant sauter à chaque fois qu'il manipule une bombe, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Certains ont toutes les chances au départ, les autres tirent le mauvais numéro...
Dorénavant Dominique s'estime libéré de tout remords. Il déclare la guerre aux nantis, à la société. Tout lui est bon pour tirer le maximum d'autrui.
Au bout de deux ans, juste à la fin de la guerre, Dominique retrouve à la fois la liberté et la paix. Désormais il est «voleur » patenté. Mais le choix de cette vocation n'implique pas qu'il jouisse du plein succès dans ses entreprises... L'année suivante, le voici à nouveau sous les verrous. Condamnation sans ambiguïté : flagrant délit. Il ne lui reste qu'à prendre son mal en patience...
C'est peut-être à cela que Dominique pense aujourd'hui, sur son banc, dans le parc tranquille des Petites S'urs : à toutes ces années si lointaines. Mais soudain son regard s'illumine : de l'autre côté de la rue, il observe, comme il le fait depuis plusieurs jours, l'activité régulière d'un lieu qu'il connaît bien, qui hante ses jours et ses nuits depuis soixante ans : une banque...Il note l'heure d'arrivée du directeur puis retombe dans ses pensées... Voyons, où en était-il ' 1946. Ah oui ! Là, il inaugure la série des « interdictions de séjour», assorties de deux ans de prison. En définitive, deux ans, ça passe vite... (A suivre...)


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