Algérie

Histoires vraies Les mouches à viande (5e partie et fin)



Histoires vraies Les mouches à viande (5e partie et fin)
«Ces mouches arrivent généralement dans les vingt-quatre heures qui suivent à la condition que le cadavre ne soit pas isolé de façon à leur rendre l'accès impossible. (Ce qui fait que même l'absence de larves est un indice.)
Parvenues au cadavre, elles pondent des 'ufs qui se transforment en larves et ces larves ne se transforment pas sur place en mouches, elles migrent pour cela et parfois à de grandes distances. De même, la température et les variétés de mouches, différentes selon les pays, sont des paramètres importants.»
Dix années plus tôt, M. Shoeler a suivi pas à pas le déroulement de l'enquête déclenchée par l'assassinat de son fondé de pouvoir, et il se souvient avoir lu qu'au procès le médecin auteur de l'autopsie, qui n'était pas un spécialiste de la médecine légale, s'était plaint qu'on lui eût amené le cadavre bien tard, déjà infesté de larves. Alors M. Shoeler se pose naturellement la question : «Si le crime a été commis la veille de l'autopsie, est-il normal que les larves l'aient déjà envahi '»
«Absolument pas, lui répond l'auteur de l'article joint par téléphone, d'autant que les mouches à viande du nord de l'Europe sont plus lentes à se reproduire. Il fallait qu'elles aient pris possession du cadavre plus tôt, à quoi s'ajoute le délai qui doit s'écouler entre l'instant de la mort et celui où le corps peut être identifié par elles comme étant un cadavre, en tout au moins vingt-quatre heures. Le crime a été commis vingt-quatre heures plus tôt, c'est une certitude.
' Vous êtes formel '
' Absolument. Si vous voulez, je vous l'écris.»
La lettre de l'entomologiste fait dans les bureaux de la justice luxembourgeoise, l'effet d'une bombe. Le rapport du médecin légiste, exhumé des archives poussiéreuses, ne laisse planer aucun doute : le cadavre, à seize heures, était infesté de larves. Tous les spécialistes de médecine légale consultés, s'ils l'ignoraient alors, le savent aujourd'hui : il fallait pour cela que le crime eût été commis non pas la veille, mais l'avant-veille. Or, l'avant-veille, le condamné qui croupit en prison depuis onze ans et demi était bien loin des lieux du crime. Sa stupeur de se voir libérer au moment où il s'y attendait le moins n'a d'égale que celle des extraordinaires témoins ayant permis cette liberté : les mouches.
Or, si ce n'était lui le criminel, qui était-
ce ' Pour M. Shoeler et ses voisins, aucun doute : le «gigolo typographe», alors amant de Mlle Schmitt. Ce sera aussi l'avis de la police suisse lorsqu'elle reprendra l'enquête.
Le crime fut probablement décidé par l'ensemble de la famille et exécuté par le jeune homme, à trois cents kilomètres de là, au Luxembourg, pour brouiller les pistes. Rare exemple de crime couronné par la chance. Car la police ne réussira jamais à étayer sa conviction de la moindre preuve. C'est pourquoi, comme les assassins sont toujours parmi nous et pourraient utiliser la justice contre nous, nous avons changé les noms propres, les noms de lieux et même les pays.
Pardon la Suisse, pardon le grand-duché. Aucun pardon aux assassins.


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