Algérie

Histoires vraies Les éléphants (1re partie)



Histoires vraies
 Les éléphants (1re partie)
Paul Courtois, seize ans, avance en rampant au milieu des fourrés. Il paraît plus que son âge, avec son 1,80 mètre et sa petite moustache brune. Pour l'instant, il fixe devant lui un point précis et semble aux aguets. Derrière lui, un chuchotement :
' Tu es sûr qu'on est bien contre le vent '
Paul Courtois se retourne. René Guillot, son compagnon, a juste quinze ans. C'est un blondinet aux joues pleines. Il se tient un peu en retrait, l'air inquiet. Paul Courtois suce son index droit et l'élève au-dessus de sa tête. Il attend quelques secondes et répond :
' Bien sûr qu'on est contre le vent...
Il marque un temps et continue :
' Moi, je vais rester ici. Toi, tu vas faire un mouvement tournant. Mais attention, hein, ne va pas casser des brindilles en rampant !
Retenant son souffle, les mâchoires crispées, René Guillot s'exécute. Il a parcouru une vingtaine de mètres lorsqu'une voix retentit à travers le bois :
' Paul ! René ! Où êtes vous '
La voix fait bondir les deux adolescents. Ils se précipitent à travers les fourrés et débouchent au sommet d'une butte surplombant une prairie.
' On est là, monsieur Legrand...
Tandis que les jeunes gens dégringolent la pente en courant, M. Legrand continue à les apostropher :
' Qu'est ce que vous faisiez dans le bois, petits vauriens '
Paul Courtois s'approche, l'air penaud, de son patron.
' On avait vu un lapin. On courait derrière. On s'était dit que si on le ramenait à la ferme, cela vous ferait plaisir.
M. Legrand hausse les épaules :
' Je vous paie pour garder les vaches, pas pour chasser les lapins...
Paul et René regagnent leur poste, la tête basse, au milieu des vaches qui ont observé la scène d'un air indifférent. Le fermier s'en va en maugréant... Une fois qu'il a disparu, René lance à son compagnon :
' Je t'avais dit qu'on allait avoir des histoires.
Paul réplique d'un ton autoritaire :
' Pour chasser l'éléphant, faut s'entraîner.
Chasser l'éléphant... Oui, c'est cela qui occupe l'esprit de Paul Courtois et René Guillot. Et pourtant, nous sommes à Dun-le-Comte, en pleine campagne française, en ce mois d'avril 1909. Pour les habitants du village, c'est aller à Nantes, à trente kilomètres de là, qui représente une expédition. Chasser l'éléphant, il n'y a que des adolescents pour avoir une telle idée dans un environnement pareil !
Malheureusement, les idées folles débouchent quelquefois sur la folie tout court...
Le soir tombe. Paul et René rentrent à la ferme Legrand en poussant leur vingtaine de vaches devant eux.
' Une fois arrivé à Brazzaville, il faut remonter vers le nord.
' D'accord, Paul. Mais comment on va trouver un guide et avec quoi on va le payer '
' Des guides, il n'y a que ça, là-bas. Et on n'aura pas besoin de le payer. On n'aura qu'à lui donner une partie de ce qu'on chassera.
' T'as vu ça dans tes livres '
' Oui...
Tandis que René Guillot se met à crier après la Noiraude, qui s'écarte du chemin, Paul Courtois retourne à sa perpétuelle rêverie... Heureusement qu'il sait rêver. La vie n'a pas été tendre avec lui : enfant de l'Assistance, il s'est très tôt passionné pour la lecture. Depuis qu'il en a eu l'âge, il n'a cessé de dévorer des livres d'aventures, principalement ceux parlant des pays africains. A quatorze ans, il est parti sur les routes pour se louer comme valet de ferme. Il a fini, par échouer chez les Legrand, Dun-le-Comte. René Guillot est arrivé quelque temps après et Paul a réussi à lui faire partager son projet : aller au Congo pour chasser les éléphants. Depuis un an et demi, les deux garçons, qui se privent de tout, mettent de côté leur paie du mois : vingt francs. (A suivre...)


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