Histoires vraies La maison des deux ponts (5e partie et fin)

Résumé de la 4e partie - Rose ' considérant que la maison qu'elle a vendue lui appartient toujours ' tire sur un des nouveaux propriétaires et le tue...
Revenons à votre crime. L'homme sur qui vous avez tiré, M. Charles C., était mort '
' Je pense. Je ne m'en suis pas préoccupée sur le moment.
' Personne d'autre ne s'est présenté à l'entrée de la cave '
' Non. Ils ont eu peur. Des lâches. Je les ai entendus crier et courir au-dehors.
' Qu'avez-vous fait '
Je suis ressortie par le soupirail et je suis allée me cacher un moment dans l'entrée du souterrain. J'ai attendu un moment, mais ils s'étaient enfuis avec la voiture.
' Ils ne s'étaient pas enfuis. Ils allaient chercher du secours !
' Non. S'ils n'avaient pas été lâches, ils seraient descendus chercher l'autre...
' Ce n'est pas à vous de juger vos victimes ! Vous aggravez, sans cesse votre cas ! Je plains l'avocat de la défense !
' Je n'ai pas demandé d'avocat, je n'ai pas besoin d'être défendue.
' Passons. Poursuivez le récit des faits ! Vous étiez à l'entrée du souterrain '
' J'en suis partie au bout d'un moment, je n'entendais plus rien. J'ai refait le chemin à pied. J'ai dormi dans un fossé, une heure ou deux je crois. J'étais fatiguée. Ensuite je suis rentrée chez moi.
' Vous n'aviez pas l'intention de vous dénoncer '
' Ça n'était pas nécessaire. Dans ce pays les gens passent leur temps à m'observer. Je n'avais qu'à attendre. D'ailleurs j'avais besoin de dormir après deux nuits sans sommeil.
' Avez-vous quelque chose à ajouter '
' Non.
' Ces dames et ces messieurs du jury attendaient peut-être, de votre part, l'expression d'un remords. Vous venez de passer plusieurs mois en prison. On nous dit que vous priez beaucoup... Espérez-vous un pardon '
' Je n'attends rien. Et je n'ai rien à dire.
' Pourtant, vous n'avez rien fait pour échapper à votre châtiment ' Vous auriez pu fuir. C'est donc que vous vouliez être jugée '
' Votre jugement ne me concerne pas. Je n'ai rien à fuir, je ne suis pas lâche, j'ai fait ce que j'avais à faire...
' Voulez-vous préciser à la cour le mobile exact de ce crime prémédité.
' Non.
' Le jury appréciera.»
C'est toujours ce que doit faire un jury. Apprécier. En 1971, si la peine de mort existait encore dans les textes, on ne condamnait plus les femmes depuis longtemps à cette peine suprême.
L'appréciation du jury fut donc : réclusion à vie.
Le propriétaire de la maison des deux ponts étant mort sous les balles de la carabine de chasse de Rose D., personne n'est venu y habiter depuis. La famille de la victime a tenté de remettre en vente ce bien chèrement acquis. Mais nul acheteur ne s'est présenté. L'eau de la rivière coule sous les ponts déserts, le long de terres en friche.
A quoi pense-t-elle, dans sa prison, cette femme vieillissante ' Et où vont ses prières '