Algérie

Histoires vraies L'odidhem (1re partie)


Un graffiti : «Claudine, menteuse, parjure.» Un peu plus loin, sur un autre mur, une main appliquée a écrit : «Paul, sournois, petit salaud.»
Dans cette paisible rue d'une petite ville de la région parisienne, tous les murs sont couverts de semblables injures, et concernent toutes une dénommée Claudine et son fils Paul. Lorsque, de semaine en semaine, les habitants découvrent une de ces nouvelles insultes, ils jettent un regard désolé vers une modeste villa qui tente de se cacher derrière trois arbustes chétifs et quatre pots de géraniums : la demeure de Claudine Chauvet et de ses trois enfants, dont l'aîné, Paul, a douze ans.
Claudine Chauvet, la voici : sortant de son jardin, un cabas dans une main et tenant de l'autre son fils Paul.
«Bonjour, madame Chauvet.»
Du fond de son garage, un retraité rondouillard lui fait un petit signe de la main et ajoute :
«J'ai prévenu la voirie. Ils m'ont promis de venir effacer tout cela.»
Claudine Chauvet hoche la tête.
«Merci... mais il recommencera.»
A voir cette pauvre Claudine Chauvet, il est difficile d'imaginer ce qui peut justifier une telle haine. Elle est sans charme, banale, peu attirante, ne cherche pas à séduire : petite bourgeoise un peu près de ses sous sans doute, mais pas avare. Très correctement vêtue mais sans coquetterie, le minimum de ce qu'il faut comme maquillage, la voix de tout un chacun, le cheveu ni brun ni blond. Elle entraîne son fils d'un pas rapide vers l'école, tout près de la piscine dont elle est la caissière.
Quant à Paul, à part un nez en trompette et un regard vif et noir, rien ne le distingue des autres enfants qui se pressent déjà devant la porte de l'école. Soudain, il baisse la tête et dit à voix basse :
«Maman !
' Quoi '
' Voilà papa.
' Papa '
' Oui, le voilà... Il est en voiture.»
Claudine Chauvet, comme chaque fois, pâlit. Mais sans regarder ni à droite ni à gauche, sans manifester son inquiétude, elle accélère insensiblement le pas.
«Il nous suit, dit l'enfant.
' Tu crois '
' Oui, oui... il roule tout doucement.»
Grâce au ciel, l'entrée de l'école n'est pas loin : de l'autre côté de la rue.
En même temps qu'elle le pousse vers la chaussée, la main de Claudine serre plus fort celle de son fils. Instinctivement, elle se place entre lui et la voiture:
«Vas-y, Paul, on traverse !»
Mais à peine font-ils un pas en dehors du trottoir que de la Simca 1000 blanche qui les suivait, jaillit un hurlement :
«Vengeance ! Vengeance !»
La voiture a bondi, mais ce n'est qu'une Simca 1000. Claudine Chauvet et son fils reculent et se plaquent contre le mur. La voiture tente de les rejoindre sur le trottoir. Déséquilibrée par la bordure, elle zigzague quelques mètres et plie le poteau de l'arrêt d'autobus contre lequel elle s'écrase.
Une table ronde qui n'a que les apparences du chêne, quelques chaises cannées ornées de petits coussins de cretonne, le brigadier de gendarmerie et le commissaire de police de Melun regardent sans oser s'y asseoir un canapé de skaï trop bas. Claudine Chauvet, honteuse de ses yeux rougis, et la photo d'un sergent chef à l'air brave trônant sur la cheminée, tels sont les personnages et les objets de la scène qui se déroule dans cette modeste maisonnette le 6 mai 1972. Avec un autre détail important : une photo où, cette fois, toute la famille est réunie. (A suivre...)
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