Algérie

Histoires vraies L 'histoire qui n'existe pas (1re partie)



C'est l'histoire d'une femme. Puis d'une autre femme. Puis d'une petite fille. Et aussi celle d'un petit garçon.C'est une histoire qui a changé d'histoire. Une histoire que personne n'a le droit de raconter sans prendre d'immenses précautions. C'est aussi l'histoire d'une voiture et d'un homme au volant.
Et c'est avant tout l'histoire d'une pulsion jalouse.
La jalousie est un sentiment caché très souvent, honteux parfois, visible, nous dit-on, sur le visage. L'homme jaloux arbore en général des sourcils froncés, réunis en barre obstinée au-dessus d'un regard suspicieux.
S'il s'agit d'une femme jalouse, la morphologie est moins évidente au niveau des sourcils, mais le nez compense en général. Aigu, à l'affût, grand ; en revanche, la bouche est mince, comme rétrécie sur des phrases ritournelles : «Avec qui étais-tu '» «Où étais-tu '» «Qui regardes-tu '» «À quoi penses-tu '» «Que faisais-tu '
Ces deux descriptions, empiriques, du visage du jaloux et de la jalouse n'ont fait école que dans les essais de morphologie du XIXe siècle, lesquels, on s'en doute, étaient loin d'être scientifiques, puisqu'ils abordaient avec la même autorité des descriptions de différentes races, en les agrémentant d'adjectifs douteux et de commentaires qui ne l'étaient pas moins. Exemple : le Chinois est paresseux...
Restent les phrases, qui elles n'ont pas changé, et ne changeront jamais. L'extraordinaire dans cette histoire qui n'est plus une histoire, qui n'a plus le droit d'être une histoire, qui ne devrait donc pas se raconter, et ne le sera pas ici, c'est le résultat de la jalousie elle-même.
Et ce résultat, il est racontable.
Imaginons un homme et une femme. Dans une voiture, sur une route de campagne, et pourquoi pas un dimanche. Imaginons que leur enfant, un petit garçon par exemple, se trouve à l'arrière de cette voiture.
L'enfant a l'âge de raison, sept ans. L'âge d'entendre et de comprendre l'essentiel de la conversation que tiennent ses parents à l'avant du véhicule. Banale et quasi quotidienne.
Elle : «Prends plutôt à droite !»
Lui : «Mais non, c'est plus court à gauche !
' Oui, mais à gauche, la route est mauvaise !
' D'accord, mais sur deux kilomètres seulement !
' Tu veux toujours avoir raison !
' Pas du tout, de toute façon c'est plus joli à gauche !
' Joli ! Avec toi, il faut toujours que ce soit joli ! Tu ne penses qu'à ça, d'ailleurs...
' À ça quoi '
' Aux jolies femmes, par exemple !
' Comment fais-tu pour détourner la conversation à ce point ' Nous parlions du paysage... c'est bien toi ça... l'obsession !
' Je ne suis pas du tout obsédée, c'est toi qui l'es ! Hier au supermarché, hein, cette caissière '
' Quelle caissière '
' Ne fais pas l'innocent, en plus ! Je t'ai bien vu la regarder...
' Tu me fatigues. Je l'ai regardée uniquement parce qu'elle ne trouvait pas le prix de cette boîte de choucroute !
' Ben voyons.., je te connais... le moindre prétexte est bon !... Et naturellement, tu as pris à gauche !»
Silence. On peut imaginer un silence à cet instant, puisque de toute façon ce dialogue est imaginaire, « elle» n'a pas de nom, «lui» non plus, et nous ne saurons pas de quelle route il s'agit.
Elle boude, Il conduit, à l'arrière le gamin s'ennuie. Les gamins s'ennuient toujours le dimanche. (A suivre...)


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