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Histoires vraies L'assassin sans arme (2e partie)



Histoires vraies L'assassin sans arme (2e partie)
Résumé de la 1re partie - Le nouveau directeur dit à Richter ' en poste depuis dix ans ' que le rendement que personne ne lui conteste, lui le discute...
Et d'aligner des chiffres, de comparer, d'additionner, pour finir par soustraire :
«Si je garde le personnel, je suis obligé de réduire votre salaire. Or, j'ai décidé de garder le personnel. C'est à nous de prendre les dispositions qui vont améliorer la rentabilité de l'agence. Bien entendu, pour 500 marks de moins, je vous décharge d'une responsabilité. C'est moi qui contrôlerai les courtiers et les démarcheurs. Ils s'endorment. Vous aurez plus de temps pour la gestion. Et, comme je ne pratique pas la pêche, mes tournées d'inspection seront courtes. Nous nous comprenons ' Parfait. Si ma méthode fonctionne, le portefeuille de l'agence doit augmenter d'un tiers en deux ans. Vous utiliserez ma secrétaire. La vôtre est une surcharge, elle est mutée au siège central à Munich. Des questions '»
Konrad Richter n'en a qu'une : son salaire. Jusqu'ici il touchait 2000 marks par mois, pour faire vivre sa femme, son fils de dix-neuf ans et payer le loyer de son pavillon dans un quartier résidentiel de Francfort. Et il lui semble que réduire arbitrairement ce salaire à 1 500 marks est incompatible avec les conventions professionnelles.
«Relisez votre contrat, Richter. Les 500 marks ne font pas partie du salaire affecté à votre poste. Il s'agit d'une prime d'inspection. J'assure cette inspection, en tant que directeur c'est normal, et nous réalisons une économie. L'agence en a besoin. Autre chose, je réduis les bureaux, nous louons cent mètres carrés à l'un de nos courtiers. Deux avantages à cela, l'avoir à l''il et récupérer un loyer. Vous vous installez avec la comptabilité. Question '»
Konrad Richter n'a plus de question. Il aimerait en sortir une de son chapeau, mais il n'est pas magicien et l'autre a raison. C'est le genre d'homme persuadé qu'il a raison, d'ailleurs. Le genre d'homme qui fonctionne au raisonnement logique, ne se préoccupe pas des sentiments, n'a pas de temps pour les états d'âme. Il a étudié le droit, comme Richter, il fait partie de la même association d'anciens élèves, mais il est moins ancien et directeur à quarante-cinq ans, alors que Richter est sous-directeur à cinquante-six ans... Il rénove, organise, rentabilise les petites agences. On suggère, dans la profession, qu'il en a supprimé au nom de cette sacro-sainte rentabilité. On raconte aussi qu'il est utilisé par le siège central pour «faire le ménage» dans les agences, et qu'il est nommé ailleurs une fois sa tâche terminée. On ajoute qu'il sera un jour le grand patron d'une succursale.
Le dos courbé, Konrad Richter quitte le bureau directorial. Avant l'arrivée de ce requin mangeur de bénéfices, c'était un bureau sympathique, où l'on parlait autant d'assurances que de pêche, de famille et de l'air du temps. En quelques jours, le nouveau directeur l'a transformé en laboratoire, dépersonnalisé, vidé de tous ses accessoires superflus. Personne n'y entre sans y être convoqué. Personne n'attrape de rhume, personne n'arrive en retard, personne ne téléphone à sa femme, ou à son garagiste, ou à sa belle-s'ur. Il règne dans les bureaux de l'agence un murmure de travail, presque religieux.
Konrad Richter est dans l'engrenage d'une machine inhumaine qui s'apprête à le broyer, inexorablement. Deux ans plus tard, la machine a fait son travail. Deux ans c'est court, et c'est interminable à la fois. (A suivre...)


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