Algérie

Histoires vraies Grand-mère adoptive (1re partie)


Il est là, l'assassin. Dans la pièce, au milieu des autres. Comme les autres, il picore des petits fours et boit du champagne. Comme les autres, il échange des propos anodins, sourit, plaisante. Ce n'est qu'un invité d'une petite réception entre amis. Tout à l'heure, il reprendra son manteau, son écharpe et son parapluie. Il dira au revoir sur le pas de la porte.
«Merci, c'était une charmante soirée, à bientôt.»
Dans la rue, il cherchera un taxi, en pestant contre les flaques d'eau.
C'est un assassin qui ne porte aucun signe distinctif. Un M. Tout-le-monde, âgé de trente ans, plutôt beau garçon, exerçant le métier d'entrepreneur en bâtiment. Un artisan devenu patron à force de travail et de sérieux. Un célibataire sans histoires et sans famille, qui a connu des débuts difficiles. Père mort alcoolique, alors qu'il n'avait que seize ans, mère envolée avec un autre, disparue. Ni frère ni s'ur. Il a appris son métier sur le tas, d'abord apprenti, puis ouvrier, puis ouvrier qualifié.
Lorsque l'entreprise qui l'employait a déposé son bilan, il est parti en chasse tout seul. Petits chantiers de-ci, de-là, une cuisine à refaire, une maison à repeindre, et ainsi de suite. A présent, il a des associés, un compte en banque, des travaux en prévision pour plusieurs mois, un appartement dont il est propriétaire, entièrement remis à neuf de ses propres mains. Depuis peu, il a étendu ses activités dans la récupération de matériaux anciens.
Le hangar où il entrepose les objets rescapés des démolitions, représente, à lui seul, une bonne petite fortune. Charpentes, portes, cheminées, sanitaires de luxe, déjà cotés à la vente, panneaux sculptés, fontaines, fresques, boiseries anciennes... Il commence à travailler avec les décorateurs, il a des idées, un jour, il sera riche. Un jour, il oubliera son vieux père alcoolique et les quartiers sinistres où il a traîné une enfance solitaire de demi-pauvre.
Il est chez lui, l'assassin. Il verrouille sa porte comme tout le monde et va dormir comme tout le monde.
Son nom importe peu. Dans le métier on l'appelle Rezi, un diminutif, ou une contraction de son nom de famille, devenu la marque de son entreprise.
La vieille Mme Mosser est morte dans son lit, de sa belle mort, à quatre-vingt-onze ans. Un âge acceptable pour quitter ce bas monde, après une vie bien remplie. Un âge où on a depuis longtemps laissé derrière soi amis, époux, et où l'on se sent l'ultime survivant d'une époque révolue.
Mme Mosser disait :
«Je tarde à m'en aller, c'est un peu indécent pour tous ceux que j'ai connus et qui m'attendent là haut.»
Elle disait cela souvent à son ami Rezi. Son confident, une sorte de petit fils récupéré sur le tard. Pour avoir repeint le salon et rénové sa cuisine, Rezi était devenu l'intime de la vieille dame. Deux ans d'affection et de tasses de thé partagées, de conversations tranquilles, d'attentions affectueuses.
Rezi vient saluer une dernière fois sa vieille amie défunte. Il s'occupera des formalités de l'enterrement. Son chagrin est visible, sincère. Même si la dame de compagnie en doute, elle l'a marmonné à une voisine.
«Ce garçon ne m'a jamais plu ! Il l'appelait mamie. Il en faisait trop, à mon avis. Et elle le gâtait ! Un petit cadeau par-ci, un souvenir par-là. Vous vous souvenez de la réception qu'elle a donnée le mois dernier ' C'était pour l'anniversaire de Monsieur. J'ai vu le cadeau : une montre suisse en or. On peut dire qu'il aura tout fait pour avoir l'héritage, celui-là.
Parce qu'il hérite ' (A suivre...)
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