Algérie

Histoires vraies Ennemis intimes (2e partie)



Histoires vraies Ennemis intimes (2e partie)
Résumé de la 1re partie - Retraités, les deux ennemis ' survivants des familles Bizeux et Carret ' continuent à se lorgner en chiens de faïence...
Ce n'est plus Clochemerle. Ce n'est plus drôle du tout, cette vieille femme qui tremble sur ses jambes et s'égosille à en perdre le souffle...
«Tu l'as tué ! Maudit assassin ! Tu l'as tué ! Je t'ai vu !»
Le corps du délit est devant la porte, absolument pas mort mais passablement éborgné. Il a dû se passer la chose la plus simple du monde : le chien Carret, teigneux et chasseur de métier, a coursé le chat Bizeux. Ce n'est sûrement pas la première fois, mais c'est une fois de trop.
La pauvre femme n'en peut plus d'angoisse, ce qu'elle craignait depuis des années est arrivé. C'est le vieux Carret qu'elle traite de maudit assassin, autant que son chien... Et la voilà partie, son chat dans les bras, ameuter le village et réveiller le vétérinaire. Le chat restera borgne. Un mauvais coup de croc lui a arraché l''il droit.
Sa maîtresse porte plainte, exige des dommages et intérêts, le remboursement des frais, toute chose impossible en ce village et entre ennemis héréditaires. Le vieux Carret refuse tout net de rembourser l''il du chat. La maréchaussée lui enjoint fermement d'attacher son chien, sous peine d'amende pour vagabondage et menace de fourrière. Il l'attache donc. Mais au bout d'une chaîne si longue que le nez du fauve vient renifler aux limites du jardin ennemi.
C'est au bout de sa chaîne que le pauvre animal mourra empoisonné, par de la mort-aux-rats.
Le père Carret écume de rage devant le portillon de sa voisine :
«C'est bien du Bizeux, ça ! Tous des traîtres. Toujours des coups en douce, espèce de lâche ! Vieille lâche ! Tu l'emporteras pas au paradis ! Je vais prévenir qui de droit !»
Hélas ! qui de droit, c'est la S.P.A. locale, représentée à la fois par la vieille Bizeux, son ennemie, et le vétérinaire du coin. Le père Carret s'en va donc voir les gendarmes, M. le maire, mais n'obtient rien. Le village en a assez des querelles Bizeux-Carret. La mort-aux-rats, il en traîne un peu partout ! Le chien aura avalé un rat mort, déjà empoisonné ! S'il le nourrissait convenablement, ça n'arriverait pas !
Le père Carret rentre chez lui un soir de pleine lune, décroche son fusil, et le retraité rondouillard se transforme en fou furieux, le guérillero de campagne se prend pour le justicier du monde.
Toute l'affaire un peu ridicule entre chien et chat n'aura duré que deux semaines. Cette nuit-là suffira pour une lamentable histoire d'hommes.
Il fallait sûrement un public au père Carret, sinon il n'aurait pas tiré en l'air d'abord. A moins qu'il ait voulu indiquer par là un coup de semonce.
Le plus extraordinaire, dans l'histoire, est que la Bizeux a surgi de chez elle, affolée, au lieu de rester prudemment enfermée. Après tout, l'attaquant espérait peut-être cette réaction. Il connaissait mieux que quiconque son ennemie intime. Il savait ce qu'elle mangeait, connaissait les jours de lessive, les jours de ménage, ceux des conserves. Il aurait pu dire avec exactitude combien de salades poussaient dans son jardinet la couleur de ses roses, aussi bien que celle de son linge. Ces deux-là vivaient presque comme un vieux couple qui s'observe, et la haine leur servait d'amour. (A suivre...)


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