Algérie

Histoires vraies Divorce à la marocaine



Histoires vraies Divorce à la marocaine
Mouloud B. se tient les bras ballants au milieu du living-room de son appartement dans l'immeuble HLM des Pyrénées-Atlantiques. La pièce, décorée à l'orientale de grandes tentures colorées qui courent le long des murs, est parfaitement rangée. Des sièges bas, des cuivres bien astiqués qui luisent dans la lumière électrique. Pas un bruit à cette heure tardive, au dehors les échos de la nuit d'été. Mouloud tend l'oreille mais seul le silence parvient de la chambre des jumeaux Nasser et Aïcha. Le petit Brahim, dans son berceau, dort paisiblement, tout est en ordre. Enfin presque...Ce qui fait désordre dans l'appartement c'est la jolie Raya, la femme de Mouloud. Pour le moment, elle gît de tout son long sur le tapis marocain. Aucun souffle n'anime sa poitrine. Elle est morte et les marques bleues laissées par les mains robustes de Mouloud indiquent d'un seul coup d''il les causes de sa mort. Mouloud, honnête et solide ébéniste qui vit en France depuis vingt et un ans, vient de tuer Raya, sa seconde épouse. Et, à présent que le pire est accompli, il se demande ce qu'il doit faire pour éviter l'inévitable...
Comme dans un film accéléré, Mouloud revit toutes ses dernières années : sa dure condition d'émigré marocain qui cherche du travail dans les années soixante-dix. Puis son intégration en douceur, ses bonnes relations avec ses patrons qui apprécient en lui l'homme honnête, fiable, adroit, sans problèmes. Sa lente montée dans l'échelle sociale. Son mariage, là-bas au Maroc, et la naissance des jumeaux, Nasser et Aïcha. Quatorze ans déjà. Puis la disparition de son épouse. La solitude d'un homme jeune encore et vigoureux. Le remariage avec Raya, trente-huit ans, plus jeune que lui d'une quinzaine d'années, l'arrivée en France de cette jolie brune pulpeuse, rieuse, pleine d'ambition.
C'est sûrement là que les choses de sa vie commencent à déraper. Un problème de générations sans doute. Mouloud connaît, pendant un temps, une période de chômage et Raya décide, en femme moderne, qu'elle peut contribuer aux revenus du ménage. Elle suit des cours pour apprendre à mieux parler le français, elle se trouve un travail, fait un stage pour être caissière dans le supermarché de la ville. Elle est liante, indépendante. Le matin, elle part pour son travail et elle rentre le soir, toujours souriante, heureuse de cette nouvelle vie à la française qu'elle ne pouvait en aucun cas espérer connaître dans le lointain Maroc...
Mouloud subit cette perte d'autorité sans trop faire de commentaires. À dire vrai, il espère bien fonder en France une famille qui s'intègre. Il fait venir les jumeaux et se saigne aux quatre veines pour leur assurer une éducation complète qui leur permette d'accéder à des professions valorisantes. Mouloud aimerait bien avoir un enfant de Raya, mais celle-ci, hélas ! se révèle incapable de procréer. Bah ! qu'importe, elle servira de mère de substitution aux jumeaux et la vie sera belle quand même. La maison de Mouloud et de Raya est accueillante, les voisins, maghrébins ou métropolitains, y sont facilement accueillis et invités à partager un café odorant, un thé à la menthe «comme là-bas», un couscous ou des tajines parfumés. Mais, petit à petit, les choses se gâtent entre Mouloud et Raya. Des disputes éclatent et les voisins viennent tambouriner à la porte de l'appartement pour demander : «Qu'est-ce qui se passe là-dedans, c'est fini ce boucan '» Mouloud, sans ouvrir, répond que «ce n'est rien : la télé». Les voisins n'insistent pas, pourtant ils avaient bien cru entendre des cris de femme.
Le lendemain, comme on voit les jumeaux, toujours pimpants, aller à l'école, comme Raya, toujours souriante, apparaît, on n'y pense plus. (A suivre...)


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