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Histoires vraies De l'autre côté du tunnel (1re partie)



Les pieds de la jeune fille se posent dans la neige comme s'ils n'allaient plus se relever. Puis, dans un gémissement, elle décide de faire un pas de plus vers la vieille bergerie qu'elle aperçoit au bout du plateau, allongeant ses murs de granit noir dans le tourbillon des flocons.
Hélène a perdu une chaussure, son manteau et sa robe sont déchirés. Elle tremble de froid, mais il faut qu'elle marche et qu'elle marche encore. Encore cent mètres, que Dieu lui donne la force de faire ces cent mètres dans la nuit tombante, et elle sera sauvée.
Les murs silencieux de la bergerie du vieux Sébastien ne sont plus qu'à quelques pas. La voici, les genoux dans la neige, devant la porte... Elle frappe dessus de toutes ses forces en appelant son vieil ami :
«Au secours... Sébastien, ouvrez-moi ! Au secours !»
Hélas ! il est vingt heures et le berger qu'elle a quitté une demi-heure plus tôt se couche avec les poules, il doit déjà dormir profondément, dans sa chambre de l'autre côté de la bâtisse. Trois murs épais l'empêchent d'entendre les cris de désespoir de la jeune fille.
Alors, Hélène, horrifiée, jette un regard en arrière : «Mon Dieu ! Mon Dieu !» Il faut qu'elle se cache. Il le faut absolument. Mais où '
Elle se relève en titubant, presque à quatre pattes, et traverse le champ de neige en laissant derrière elle un long sillage.
Un quart d'heure plus tôt, un homme de petite taille, le visage dissimulé par un passe-montagne de laine, s'est jeté sur elle alors qu'elle regagnait le village à travers bois. Elle s'est débattue et il l'a frappée. Hurlant, griffant, mordant, elle a réussi à s'enfuir. L'homme a hésité à la suivre, craignant sans doute que le vieux Sébastien les entende. Mais peut-être a-t-il assisté de loin à sa vaine tentative de réveiller le vieux berger. Dans ce cas, rien ne lui interdit de recommencer. C'est pourquoi il faut qu'elle se cache, là par exemple, sous ce buisson. Elle s'écroule, jette encore un coup d''il en arrière. Sur sa trace, deux jambes avancent. Terrifiée, elle voit le monstre arracher son masque, se pencher sur elle et ses mains l'étrangler.
Le 12 février 1948 au matin, le ban et l'arrière-ban de la maréchaussée se sont portés sur le plateau dès la découverte du cadavre d'Hélène. Il est désormais difficile de suivre ses pas dans la neige. Aux traces des parents de la jeune fille qui l'ont cherchée dans la nuit, se sont ajoutées, dès l'aube, celles des villageois organisant une battue, et maintenant celles des gendarmes. Le brigadier Sholtiz, crâne rasé sous un képi, visage mince, 'il clair, uniforme impeccable, a l'air avec ses gants de sortir de Saint-Cyr :
«De toute façon, conclut-il après avoir longuement observé le plateau, tout converge vers cette bergerie... Elle semble y être venue deux fois et, lorsqu'elle en est sortie la seconde fois, c'est pour venir s'effondrer sous ce buisson où l'homme qui l'a suivie a fini par l'étrangler.»
Tous les regards se portent alors vers le vieux berger Sébastien Baton, soixante-quatre ans, qui, sur le seuil de sa porte, roulé dans une couverture épaisse et raide comme un tapis, observe les gendarmes avec curiosité.
«Qui est cet homme ' demande le brigadier.
' Il se dit berger. C'est vrai qu'il a quelques brebis. Il a aussi un potager derrière la bâtisse. Mais il vit surtout de braconnage. Nous avons déjà eu quelques petits problèmes avec lui. C'est un solitaire, un original. Il n'a pas très bonne réputation. (A suivre...)


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