Algérie

Histoires vraies Le saut en voltige (3e partie et fin)



Résumé de la 2e partie - Indirectement, le jeune mécanicien Gérard Fuzier accuse François Lepage d'avoir tué Roudier...
Avec ce témoignage, la situation change évidemment du tout au tout. Cela signifie que le malheureux Roudier n'est pas mort sous les roues de l'express, mais dans la locomotive, que ce n'est pas un accident, mais un crime. François Lepage est arrêté et inculpé de meurtre, malgré ses protestations d'innocence.
Lors de la réunion, qui a lieu pour décider de la poursuite du mouvement, l'atmosphère n'est plus du tout la même. Martin Leroy est tout aussi déterminé que la première fois.
' Pour moi, rien n'est changé. Je n'ai jamais eu confiance en Fuzier. Ou il s'est trompé ou il ment. II faut continuer la grève.
Mais, cette fois, il n'y a plus unanimité.
' Pas d'accord ! Lepage déshonore notre profession. Il faut se débarrasser des brebis galeuses.
' Oui, il a tué l'un des nôtres !
' A mort, Lepage !
C'est alors qu'une voix s'élève, une voix de femme :
' Vous n'avez pas le droit de dire cela ! C'est ignoble !
Tout le monde se retourne dans sa direction. Une petite blonde s'est levée de son siège et parcourt l'assistance. Un silence gêné s'installe. Chacun a reconnu Hélène Lepage, la femme du chauffeur emprisonné.
' Mon mari est innocent ! Vous savez tous qu'il est incapable d'une chose pareille. Vous écoutez les accusations du premier venu. C'est Fuzier qui devrait être en prison. C'est un vendu, un traître ! Après quelques paroles de sympathie, prononcées par les uns et par les autres, la discussion reprend. Deux camps opposés se forment et on passe au vote. La grève est suspendue à une courte majorité. Les participants au meeting se retirent dans une atmosphère d'amertume et de défaite. Seul reste un petit groupe autour de Martin Leroy. Hélène Lepage se dirige vers eux d'un pas décidé.
' Il faut faire parler Fuzier !
' Il ne parlera pas.
Hélène Lepage, malgré sa petite taille, toise les hommes qui l'entourent.
' Il parlera ! Il fut le menacer, si c'est nécessaire, mais il faut qu'il dise qu'il a menti. Si vous ne voulez pas m'aider, j'irai toute seule !
Le visage de Martin Leroy se crispe.
' Oui. C'est le seul moyen...
Le lendemain, alors que Gérard Fuzier traverse les voies pour prendre son poste de travail, il voit surgir cinq hommes qui s'étaient cachés derrière un wagon. Il reconnaît à leur tête Martin Leroy. Il veut crier mais, d'un même mouvement, tous les cinq sortent une barre de fer de leur combinaison et l'entourent. Il les regarde avec un air désespéré.
' Non. Ne faites pas cela !
Martin Leroy l'agrippe par le col.
' On ne vient pas pour te tuer, mais pour te proposer un marché. Tu as bien menti en accusant Lepage, n'est-ce pas '
' Oui, oui, j'ai menti.
' La direction t'a payé '
' Non. Elle m'a dit de témoigner d'abord et qu'après on verrait.
' Bien. Alors, tu vas aller immédiatement retirer ton témoignage. Sinon, je vais t'expliquer ce qui va se passer...
Gérard Fuzier regarde les visages impitoyables qui l'entourent. Martin Leroy continue posément :
' Tu es mécanicien et, un jour ou l'autre, un chauffeur te cassera la tête par derrière. Même si tu changes d'équipe, il y en aura toujours un pour le faire. Alors on dira que c'est un accident et on l'aura quand même notre grève. A ta mémoire !
Gérard Fuzier avale sa salive et dit d'une voix étranglée :
' Lâchez-moi... Je vais chez le commissaire.
Le jour même, François Lepage est sorti de prison et Gérard Fuzier a pris sa place. La direction de la compagnie, gravement mise en cause, a protesté de son innocence. Une enquête a été faite, mais elle s'est terminée par un non-lieu. Inutile de préciser que certaines revendications des cheminots ont été satisfaites et, en particulier, des passerelles ont été installées entre le tender et le wagon-dortoir. Thomas Roudier a été la dernière victime du « saut en voltige ».


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)