Algérie

Histoires vraies «On n'est pas sérieux quand on a quinze ans'» (2e partie)



Histoires vraies
                                    «On n'est pas sérieux quand on a quinze ans'» (2e partie)
Résumé de la 1re partie - Venu de sa banlieue pour la 1re fois à Paris, Nassim entre dans une bijouterie et tend une liasse de 20 000 francs au commerçant en lui demandant quel bijou il peut acquérir avec une telle somme '
Le bijoutier s'empare des billets, sans doute pour s'assurer qu'ils sont vrais, et son attitude change, même s'il y a toujours une légère crainte dans sa voix.
' Cela dépend ' C'est pour une amie '
' Non, pour ma mère. Demain, c'est la fête des mères. Vous savez sûrement ça...
Du coup, l'homme se détend. Il arbore un large sourire. Bien sûr, il se doute que c'est de l'argent sale, qui provient de vente de drogue ou d'un braquage, mais il ne dit rien. D'ailleurs, il n'a rien à dire. Le refus de vente est réprimé par la loi. C'est une affaire qui regarde la police, pas lui...
' Mais certainement, monsieur ! Nous avons de très belles pièces. Quels sont les goûts de madame votre mère '...
Et, quelques minutes plus tard, Nassim quitte le magasin, avec un collier en or dans un magnifique écrin... Il reprend son portable. Il faut absolument qu'il raconte cela à Moussa... Et, cette fois, il a de la chance : c'est lui !
' Moussa, c'est Nassim. Je suis à Rispa !
' Qu'est-ce que tu fais '
' Je sors d'une bijouterie.
La voix de son aîné se charge d'inquiétude.
' T'as pas fait de connerie '
Mais, au contraire, Nassim est hilare et il lui raconte dans son langage ce qui vient de se passer.
' Arrête ! C'était pour maman... Quand je suis entré, le «keum» a cru que je venais le «québra», mais quand j'ai sorti mon «genar», deux barres, il m'a appelé «monsieur»... Alors, là, j'ai trop «kiffé» !
Au bout du fil, Moussa, lui aussi, «kiffe», c'est-à-dire jubile, et il adresse à son frère ce qui constitue le plus grand des compliments dans l'univers des cités :
' Toi, t'es trop de la balle atomique !...
Il y a encore des échanges de rires entre les deux frères, et puis la voix de Moussa se fait grave.
' Pour demain, je ne pourrai pas être là. Alors, si tu peux embrasser maman pour moi... Je lui ferai un cadeau plus tard.
' T'es sur un coup '
Mais il n'y a pas de réponse. Moussa a raccroché...
«On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade..»
Nassim s'est remis à marcher dans Paris. Ce ne sont pas des tilleuls, mais des marronniers qui bordent l'élégant boulevard de la rive gauche sur lequel il déambule. Il est heureux d'être à «Rispa» ; il hume l'air, il regarde les gens. Ils n'ont pas cet air craintif ou au contraire agressif qu'ils ont dans la cité, où les uns sortent le minimum, juste ce qu'il faut pour l'essentiel, et où les autres paradent, jouent à tenir le haut du pavé... Ici, on est naturel, on flâne, on regarde les vitrines, on prend son temps.
Et Nassim, lui aussi, pour une fois, prend son temps. Il se laisse aller à revivre sa courte existence... Non, il n'est pas sérieux et il n'a pas attendu d'avoir dix-sept ans pour ça, loin de là ! Sa première grosse bêtise, il l'a faite à douze ans, en CM2. II avait déjà deux classes de retard. Il faut dire que les études et lui... il n'a pas supporté une remarque de son institutrice, alors, à la sortie du cours, il s'en est pris à sa voiture : les phares, les pneus et le pare-brise, il n'a pas fait le détail !...
A partir de là, il est entré dans le schéma classique. La police qui débarque pour les remontrances à la famille. Mais que pouvait-elle faire, la famille ' Elle se limite à la mère. (A suivre...)


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