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Histoires vraies Les enfants de Liverpool (11e partie et fin)



Histoires vraies
                                    Les enfants de Liverpool (11e partie et fin)
Résumé de la 10e partie - Pour l'archevêque anglican de Worcester, c'est Satan qui a tué James Bulger...
Mais le milieu social n'est pas tout, le milieu familial compte tout autant. Et on a pu voir que, dans le cas de Robert comme de John, la défaillance parentale était particulièrement criante. Ni l'un, ni l'autre n'avaient le sentiment de la loi que procure une bonne image du père ; celui de Robert était absent, celui de John n'était pas à la hauteur de son rôle. Ni l'un ni l'autre ne bénéficiaient d'affection non plus. Faute d'avoir été aimés, ils ne s'aimaient pas, ils n'avaient pas d'estime d'eux-mêmes. Et quand on ne s'estime pas, à dix ans, on se réfugie dans le jeu.
Or, jouer, à cet âge, dans des conditions extrêmes, en l'absence de toute éducation, de tout repère moral, peut vouloir dire tuer. Car, pour l'enfant de dix ans, la mort ne signifie pas grand-chose. Il sait qu'elle existe, mais il ne comprend pas vraiment ce que c'est. Freud a fait à ce sujet une observation célèbre. Un enfant de dix ans qui avait perdu son père a eu cette phrase : «Je sais que mon père est mort, mais je ne comprends pas pourquoi il ne vient pas m'embrasser tous les soirs.»
L'attitude de Robert et John lors de leur interrogatoire, puis du procès de mise en accusation, montre qu'ils n'avaient absolument pas conscience de ce qu'ils avaient fait. Il n'est d'ailleurs pas indifférent de noter qu'ils ont beaucoup joué, après leur arrestation, à des jeux vidéo, ces jeux où il suffit d'appuyer sur un bouton pour que le héros qui a été tué se remette à vivre, ces jeux où la mort n'existe pas, ou plutôt n'est pas irréversible, est anodine, banale.
La télévision peut avoir, bien évidemment, un effet semblable. Il n'est pas nécessaire d'insister sur la cassette du père de John, mettant en scène un meurtre exactement semblable à celui du petit James. D'une manière générale, la télévision montre un monde imaginaire que l'enfant peut prendre pour la réalité et être tenté d'imiter. Aux Etats-Unis, peu avant ce drame, un jeune téléspectateur qui venait de regarder Superman s'était jeté par la fenêtre, croyant avoir les mêmes pouvoirs...
Non, ce n'est pas Satan qui a tué James Bulger, ce sont bien deux êtres de notre temps, de notre société, dont nous sommes, que nous le voulions ou non, responsables. On pourra dire mille choses au sujet de leur acte sans parvenir à le comprendre, ce qui n'est pas une raison pour cesser de nous interroger.
Aujourd'hui, John et Robert sont toujours en détention... En 1996, peu avant les élections législatives, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Michael Howard, dans un souci électoraliste, pour complaire à la partie la plus répressive de l'opinion, a décidé que leur peine ne pourrait pas être inférieure à quinze ans. Ce qui démontre, s'il en était encore besoin, à quel point leur procès public en assises et la médiatisation qui l'a entouré pouvait en avoir des effets pervers. Comme on devait s'y attendre, les avocats des deux petits condamnés ont fait appel et la cour leur a donné raison. Elle a reconnu les préoccupations électorales de Michael Howard et a cassé sa décision. «Le ministre, dit son arrêt, n'a pas respecté les principes d'équité qu'on est en droit d'attendre de n'importe quel tribunal.»
John et Robert resteront donc détenus pour une durée qu'on ne peut pas encore déterminer. Ils sont dans deux centres d'éducation surveillée, suivis par des psychiatres et des éducateurs. Ces derniers sont formels : l'un et l'autre font des progrès remarquables. Ils ont de réelles chances de s'en sortir une fois parvenus à l'âge adulte. Par un paradoxe terrible, leur crime va peut-être permettre à Robert et à John d'échapper au sort des autres enfants de Liverpool.


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