Histoires vraies Les trois jumeaux (2e partie)

Résumé de la 1re partie - Robert et Pierre Bertier sont des jumeaux qui ne se ressemblent pas. Le jour de leur scolarisation, Robert remarque que Philippe Larive est le portrait craché de Pierre...
Un long silence... Mme Bertier comprend maintenant l'attitude en apparence inexplicable de Pierre, ce refus qu'il avait de son frère, ce besoin de s'isoler pour des jeux connus de lui seul. Il devait sentir inconsciemment l'absence de son véritable jumeau et le chercher dans ses longues rêveries solitaires.
Elle repense aussi aux circonstances dans lesquelles elle a accouché. Il y avait des alertes aériennes, des mouvements de troupe et le personnel de la clinique, réduit de moitié, travaillait jour et nuit depuis des semaines. Toutes les circonstances étaient réunies pour qu'une substitution d'enfants ait lieu... En face d'elle, Mme Larive pousse un long soupir.
' Qu'allons-nous faire, maintenant '
' Nous n'avons pas le choix. Même si nous voulions ne rien faire, les jumeaux ne nous le permettraient pas. Ils se sont retrouvés et ils n'accepteront plus qu'on les sépare. D'ailleurs, à l'école, ils vont tout de suite deviner la vérité. Nous devons saisir la justice...
C'est ce que font les deux femmes, toutes deux veuves de guerre, et le résultat des tests est immédiat : Robert Bertier et Philippe Larive ont les mêmes empreintes digitales et la même formule sanguine. Quant à Robert, des examens prouvent qu'il ne peut pas être le fils de Mme Bertier. En revanche, ses caractéristiques génétiques sont compatibles avec celles de Mme Larive.
L'enquête est close. Il n'y a plus qu'à en tirer les conséquences sur le plan légal. Au début de l'année 1947, les deux enfants sont échangés. Philippe vivra chez Adrienne Bertier, en compagnie de son véritable jumeau. Quant à Robert, le «troisième jumeau», il deviendra le fils de Mme Larive.
Le temps passe et les choses, dans les deux foyers, évoluent, mais pas du tout de la même manière... Chez Adrienne Bertier, après un moment d'adaptation, tout rentre dans l'ordre. Philippe et Pierre ressentent vite la force de ce lien si particulier qui unit les jumeaux vrais. Chacun retrouve cette moitié de lui-même qui lui manquait confusément. Et Pierre n'éprouve aucun regret de l'absence de Robert, qu'il n'aimait pas.
Chez Mme Larive, à quelques centaines de mètres de là, c'est tout le contraire ! Elle a beau faire, elle est totalement rejetée par son fils biologique. Robert est sombre, il s'enferme dans un silence buté. Malgré tous ses efforts, il s'obstine à l'appeler «madame» et à la vouvoyer. Il ne cesse de répéter à longueur de journée :
' Je veux retourner à la maison ! Je veux être avec maman ! Je veux être avec mon frère !
' Mais c'est ici, ta maison...
' Je veux rentrer chez moi. S'il vous plaît, madame...
La situation s'arrangerait peut-être avec le temps s'il n'y avait l'école. Car si Robert, maintenant Larive, n'habite pas avec son frère, il le voit tous les jours ou presque. Les deux ex-frères sont toujours dans la même classe. Et c'est sans doute ce qui est le plus pénible pour Robert. Il cherche désespéré-ment la compagnie de Pierre, mais ce dernier le repousse sans ménagements.
' Va-t-en ! Fiche-moi la paix !
' Pierre, sois gentil...
' Fiche-moi la paix, Larive ! Et puis, d'abord, ne m'appelle pas Pierre, appelle-moi Bertier. A l'école, on s'appelle par son nom, pas par son prénom.
' Mais, Philippe, tu l'appelles bien par son pré-nom...
' Lui, c'est mon frère, ce n'est pas pareil. Fiche-moi la paix, Larive, ou je te colle un marron !
Et Pierre Bertier, qui est beaucoup plus fort que son ex-frère, met souvent sa menace à exécution. (A suivre...)